La décision du gouvernement d’organiser en octobre prochain des élections communales et régionales ne fait pas l’unanimité tant au sein de la classe politique que de la société civile. Au parti Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare), on pense que cette décision est inopportune, eu égard à la situation sécuritaire du pays, mais aussi de l’ambivalence entre la loi électorale en cours et les dispositions de l’accord du 20 juin 2015. C’est moins ce qui ressort d’une lettre adressée par le président des Fare, Modibo Sidibé, au ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, dont voici la teneur.
«Le Président
À
Monsieur le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation
Monsieur le ministre,
Suite à la décision prise par le gouvernement lors du Conseil des ministres du lundi 3 août 2015, d’organiser en octobre de cette année, les élections communales, régionales et du District de Bamako, les Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare) s’interrogent sur les motivations de cette décision qui, à leurs avis est inopportune, eu égard à la situation sécuritaire du pays mais aussi de l’ambivalence entre la loi électorale en cours et les dispositions de l’accord du 20 juin 2015.
C’est pourquoi le parti Fare, par cette lettre demande que le gouvernement explique clairement sa vision de l’avenir des institutions de notre pays avant l’organisation des prochaines élections communales et régionales, comment assurera-t-il la quiétude des populations et le retour effectif de l’Administration malienne sur l’ensemble du territoire pour la tenue de ces élections.
En effet, notre requête se fonde sur les constats suivant :
D’abord, les conditions qui ont prévalues au report successif des élections n’ont pas évolué à ce jour dans la mesure où le retour de l’administration dans les régions du nord n’est pas encore effectif, il en est de même pour celui des réfugiés. Il s’y ajoute que les conditions sécuritaires sont des plus précaires dans lesdites régions et dans d’autres localités du territoire national ;
Ensuite, la signature de l’«accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger» introduit un nouveau régime juridique des élections locales et régionales dans notre pays.
Ainsi que vous le savez, sous le régime de la loi électorale en vigueur, les présidents des Conseils de région, les présidents et membres des Conseils de cercle sont élus au suffrage universel indirect. Cependant, les dispositions de l’accord d’Alger 2015 imposent de les faire élire au suffrage universel direct.
Et pour ce faire, il y a l’exigence, selon les termes dudit accord, faite au gouvernement de «garantir l’adoption des textes réglementaires, législatifs, voire constitutionnels permettant la mise en place et le fonctionnement du nouveau cadre institutionnel et politique, sécuritaire et de défense, de développement économique, social et culturel, de justice et de réconciliation nationale ; de réviser la loi électorale de manière à assurer la tenue aux niveaux local, régional et national, au cours de la période intérimaire, d’élection en vue de la mise en place des organes prévus par le présent accord».
Les dispositions de l’accord pour la paix affirment également qu’afin «d’assurer la continuité de l’Etat, les institutions actuelles poursuivront leur mission jusqu’à la mise en place des organes prévus dans le présent accord… Pour les autorités chargées de l’administration, des communes, cercles et régions du nord durant la période intérimaire, leur désignation, compétences et modalités de leur fonctionnement seront fixés de manière consensuelle par les parties…Le gouvernement prendra toutes les dispositions nécessaires pour faire adopter par l’Assemblée nationale, dans les 12 mois, une nouvelle loi électorale ».
Le parti Fare se demande, que veut le gouvernement à vouloir organiser des élections sans avoir satisfait aux dispositions de l’accord conformément à ses propres engagements, malgré les observations pertinentes formulées par les Fare, d’autres partis et des composantes de la société civile.
Faudrait-il engager le pays dans la mise en place de collectivités locales avec des régimes juridiques différents, c’est-à-dire, des élus au suffrage universel indirect dans le reste du pays et des élus au suffrage universel direct dans les régions du Nord ?
S’il en était ainsi, pour avoir toujours soutenu le rejet de toute spécificité dans ce domaine comme dans tant d’autres concernant les reformes à venir, le parti Fare juge inacceptable la démarche actuelle entamée par le gouvernement qui révèle à tout le moins, la volonté manifeste de créer un pays à deux régimes juridiques et politiques différents dans les collectivités locales et territoriales.
Les Fare réaffirment que le manque de vision et de cap du Gouvernement qu’elles ont toujours regretté est aujourd’hui à l’origine de ce déficit de cohérence et de cohésion de l’action gouvernementale et par conséquent, de l’aventure institutionnelle qu’on veut imposer aux Maliens.
Aussi, les Fare invitent le gouvernement à dire clairement à notre peuple quelle est la perspective, où compte-t-il conduire institutionnellement notre pays et notre peuple et rappellent au gouvernement qu’il ne s’agit point d’une course contre la montre, parce que l’enjeu, c’est la reconstruction de notre pays qu’on a vu vaciller.
Qu’il soit clair que cela ne pourra se faire sans refondation institutionnelle par les Maliens dans leur totalité -ce que le gouvernement a toujours rejeté- les nouvelles structures aussi bien que celles renouvelées ne seront que des coquilles vides, sans cet «…esprit d’institutions locales auxquelles les gens croient…», sans changement de gouvernance, nationale, régionale comme locale.
Veuillez recevoir monsieur le Ministre les assurances de mes sentiments distingués.
Fait à Bamako, le 12 août 2015
Modibo Sidibé».