Le gouvernement malien a mis en garde mardi la mission de l'ONU contre «tout traitement inéquitable», après qu'elle a mis en place une «zone de sécurité» autour de Kidal, chef-lieu de région dans le nord du pays et fief de rebelles, après des combats meurtriers.
La MINUSMA a commencé mardi matin à établir cette «zone de sécurité de 20 km autour de la ville de Kidal» à la suite de violences depuis le 15 août entre la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, rébellion à dominante touareg) et le Groupe d'auto-défense touareg Imghad et alliés (Gatia, groupe armé pro-gouvernemental) dans des localités autour de Kidal, sous contrôle de la CMA.
Les escarmouches se sont muées lundi en combats meurtriers à Anéfis (120 km au sud de Kidal), avec au moins dix tués selon une source onusienne au Mali, d'après laquelle le calme était revenu depuis lundi soir.
Le Gatia, qui a parlé de 15 morts dans les rangs de la CMA, a également pris le contrôle d'Anéfis, selon plusieurs sources. La CMA n'a pas donné de bilan.
Les deux mouvements font partie des signataires de l'accord de paix au Mali conclu à Alger, signé le 15 mai par le gouvernement malien et ses alliés, puis le 20 juin par la rébellion.
La zone de sécurité, mise en place «jusqu'à nouvel ordre», vise à prévenir «une extension des combats qui pourraient affecter la population de la ville de Kidal», a expliqué la MINUSMA.
Elle a demandé au Gatia et aux autres groupes pro-Bamako rassemblés au sein d'une coalition dite Plateforme de ne pas franchir ce périmètre, ce qu'elle considèrerait «comme constituant un danger imminent pour la sécurité de la population» de Kidal.
Dans un communiqué diffusé mardi soir, le gouvernement malien a semblé regretter la mesure, sans toutefois la dénoncer explicitement.
«Par rapport à la détermination d'une zone de sécurité autour de la ville de Kidal, le gouvernement exhorte la MINUSMA à rester dans son rôle de protection des populations, et de toutes les populations, dans toutes les zones exposées, à l'instar de Kidal, aux mêmes risques d'insécurité», a-t-il déclaré.
«En la matière, tout traitement inéquitable produira des effets pervers nuisibles à la recherche de la paix et de la concorde», a-t-il averti, sans plus de détails.
«Menace pour la paix»
La mise en place de la zone de sécurité a aussi été dénoncée par le Gatia. Elle «n'a aucun sens et est inapplicable», a dit à l'AFP son secrétaire général, Fahad Al Almahmoud. A la question de savoir si son groupe allait défier l'interdiction de la franchir, il a répondu: «Nous exprimons seulement notre désapprobation et notre indignation».
Les violences entre groupes rivaux ont été au centre d'une réunion d'urgence de plusieurs heures lundi entre le gouvernement malien et les médiateurs internationaux, dont l'ONU, qui ont décidé de mener des enquêtes pour «situer les responsabilités» avant d'éventuelles sanctions, a rapporté mardi le quotidien progouvernemental malien L'Essor.
Ces affrontements «constituent une grave entrave à la mise en oeuvre de l'accord (d'Alger) et représentent une menace pour la paix et la stabilité du Mali», a estimé la médiation internationale, conduite par l'Algérie dans un communiqué publié mardi.
Elle a exprimé «tout son soutien aux efforts de la MINUSMA en vue de ramener le calme sur le terrain, ainsi qu'à ceux déployés par le gouvernement malien, en concertation avec les partenaires du Mali, aux fins de ramener les belligérants au strict respect de leurs engagements».
En raison des violences, une «réunion de réconciliation» entre plusieurs groupes rivaux touareg maliens, dont la CMA et le Gatia, initialement programmée à Niamey de mercredi à vendredi à l'initiative du Niger, a été annulée, selon des organisateurs.
De nombreux Maliens se sont déclarés inquiets, craignant de voir leur pays rebasculer dans une inextricable crise politico-sécuritaire, comme entre 2012 et 2013: ils ont connu un coup d'État militaire, une partition de leur pays et la mainmise sur le vaste Nord pendant près de dix mois de groupes djihadistes, qui en ont été en grande partie chassés et dispersés par une intervention militaire internationale déclenchée en janvier 2013 et toujours en cours.
«Il y a eu beaucoup d'efforts pour arriver à la paix», «il ne faut pas de pagaille» pour les ruiner, a dit un enseignant.
D'autres Maliens ont exprimé leur incompréhension ou leur colère face aux mesures annoncées par la MINUSMA, la soupçonnant de soutenir la rébellion.