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Lutte anti-terrorisme au Mali : Priver les réseaux d’un terreau fertile de recrutement par la réforme de l’enseignement religieux
Publié le mercredi 19 aout 2015  |  Le Reporter
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© RFI par DR
Un combattant du Mujao monte la garde près de l`aéroport de Gao




Depuis le début du mois de mai, les forces armées et de sécurité du Mali sont ciblées par de nombreuses attaques terroristes. Si ces actes criminels visent à «déstabiliser davantage le pays», ils ne «remettent pas fondamentalement en cause l’accord pour la paix et de réconciliation signé en mai et juin 2015». Et cela, d’autant plus qu’ils ne sont pas officiellement perpétrés par des parties qui ont signé cet accord. Il va falloir rapidement les endiguer pour éviter une crise de confiance entre les signataires dudit accord et l’hypothèque de sa mise en œuvre.
Le groupe jihadiste Al-Mourabitoune de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar a revendiqué la meurtrière prise d’otages qui a fait 13 morts le 8 août 2015 à Sévaré (région de Mopti, plus de 600 km au Nord de Bamako). Ce groupe a revendiqué la plupart des attentats contre (directement ou indirectement) la Minusma ces derniers mois.
Pour les observateurs, cela confirme une liaison entre les réseaux terroristes et des sectes maliennes comme Dawa et les Forces de libération du Macina d’Amadou Kouffa. «Acculé, Mokhtar Belmokhtar a besoin de garantie pour ne pas être mis à la touche. Et des otages étrangers, notamment de la Minusma, constituent les meilleures garanties», analyse un diplomate africain en poste à Bamako. «Ne pouvant pas agir directement, Belmokhtar a besoin de petits réseaux d’intermédiaires.
Ceux-ci ayant été anéantis par l’Opération Serval, il a maintenant recours à des gens comme Amadou Kouffa», analyse un agent des services secrets maliens sous anonymat. «Il est difficile de combattre le terrorisme islamiste au Mali parce que la crise que le pays traverse depuis 2012 a fragilisé le pouvoir politique et renforcé les organisations musulmanes qui sont nombreuses à œuvrer à la limite de la légalité», analyse le diplomate.
Mais avant la crise, on avait assisté, dans l’indifférence du pouvoir public, à la multiplication des sectes, comme la Dawa, qui a perpétré l’attentat de Misséni (Sud du Mali). Il n’est donc pas surprenant, comme le craignent de nombreux observateurs, que «les medersas et les écoles coraniques» soient devenues des «centres de formation» d’islamistes comme Amadou (ou Hamadoun) Kouffa, le leader des Forces de libération du Macina.
Le Mali à l’épreuve d’une dangereuse connexion terroriste
Ce prédicateur veut restaurer le Califat de Macina, un empire peulh du XIXème siècle. Il est réputé très proche d’Iyad Ag Ghali d’Ançar Dine. Ils ont ainsi contribué à l’implantation sur le territoire malien de la secte Dawa d’obédience pakistanaise, il y a une dizaine d’années. La coopération militaire avec Ançar Dine, selon des services de renseignements, a débuté en janvier 2013, quand, pour aider l’organisation d’Iyad Ag Ghali à s’emparer de Mopti, ville stratégique vers le Sud du pays, Hamadoun Kouffa attaque la ville de Konna en tuant des dizaines de personnes.
Tout le Nord du pays était déjà sous le contrôle des groupes rebelles et terroristes comme le Mnla, Al Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mujao, issu d’une scission avec Aqmi et dont plusieurs de ses membres ont rejoint cette année les Forces de libération de Macina. «Très engagé pour la guerre sainte, avec la volonté d’étendre la charia à tout le Mali, Amadou Kouffa a fait plusieurs voyages, notamment au Pakistan et en Mauritanie où il a multiplié les contacts qui lui permettent d’alimenter son réseau aujourd’hui», selon le sociologue malien Mamoud Dialla, qui a beaucoup travaillé sur ces différents groupes dans le Nord du Mali.
Aujourd’hui, selon de nombreux témoignages, la Dawa recrute surtout dans les écoles coraniques et les medersas qui sont nombreuses dans la région de Mopti. Pour Djibril K. Touré, sociologue à l’Université de Bamako, «les écoles coraniques et autres medersas sont des terreaux fertiles pour la formation des jihadistes maliens d'hier, d'aujourd'hui et de demain».
À l’école marocaine de formation des Imams
«Si rien n’est fait pour résoudre cette question, le pays fera face dans quelques années à une armée de candidats potentiels pour le présumé jihad…», craint le Directeur d’une radio de proximité de Mopti, qui a requis l’anonymat pour sa sécurité. Sans aucune formation professionnelle et des connaissances religieuses sommaires, les talibés sont des proies faciles pour les réseaux terroristes, car faciles à endoctriner.
Ils sont en tout cas nombreux, les observateurs, qui pensent qu’il est temps que les pouvoirs publics prennent cette «situation au sérieux» car «le pays est au bord de l’apocalypse islamiste». Depuis bientôt deux ans, on assiste à une timide tentative de reprise en main de la propagande religieuse par l’Etat. Le Mali veut surtout s’inspirer du Maroc pour encadrer l’Islam. Cette volonté s’est traduite par la création d’un ministère des Affaires religieuses et du Culte. Et en septembre 2013, une convention a été signée avec le Royaume chérifien pour la formation de 500 Imams maliens, sur cinq ans.
Selon le gouvernement, il s’agit de former des «Imams authentiques» qui vont favoriser le retour à cet «Islam du juste milieu». Contrairement à celui véhiculé ces dernières années par des leaders formés dans les pays wahhabites. Signe de l’importance qu’il accorde à ce partenariat, le président Ibrahim Boubacar Kéïta s’est rendu en février 2014 au Maroc pour rencontrer et motiver le premier contingent des heureux bénéficiaires de ce programme de formation des Imams. «Ici, sont formés des Imams contemporains de leur siècle, au service total des hommes.
Des Imams qui comprennent la société qui les entoure. Qu’ils sachent, de retour au Mali, être, à leur tour, des semeurs», avait-il déclaré pour la circonstance. Il est clair, pour les observateurs, qu’un «Imam bien formé est une garantie» contre les discours haineux qui alimentent l’extrémisme galopant dans la bande sahélo-saharien. Mais, pour nos interlocuteurs, cette formation n’exclut pas la réforme de l’enseignement islamique au Mali, qu’ils jugent «indispensable».
L’indispensable réforme de l’enseignement religieux
Paradoxalement, les écoles coraniques se trouvaient sous la tutelle du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, dont les services locaux n’ont pourtant aucun lien institutionnel avec elles. En effet, aucun centre ne pouvait exhiber un récépissé ou une autorisation d’ouverture délivrée par son département de tutelle. Cette situation paradoxale explique le fait que l’Administration territoriale ne dispose d’aucune information statistique sur ces structures qu’elle est supposée superviser.
En raison de cette lacune, les écoles coraniques semblent s’écarter de leur objectif initial, au point de susciter une inquiétude légitime et un réel malaise social, car inadaptées aux réalités de la société malienne. Il ressort d’une étude initiée par Enda-Mali et l’Unicef en 2007, la nécessité de mettre les centres coraniques dans un environnement institutionnel conforme à leur mission. C’est dans ce dessein qu’a été organisé le Forum national sur les écoles coraniques qui a regroupé plus de 200 participants en 2008. L’une des recommandations de cette rencontre était le maintien des deux types d’écoles (medersas et écoles coraniques) à court terme et l’évolution à moyen et long termes vers l’école coranique moderne.
À cela, s’ajoutait la définition d’une passerelle entre cette école coranique moderne et la médersa. Pour encadrer la rénovation des écoles coraniques, il est aussi indispensable de prendre un décret d’application de l’article 8 de la Loi d’orientation fixant les modalités pratiques d’organisation de l’enseignement religieux dans les établissements d’enseignement privés au Mali.
Dan FODIO (Avec Xinhua)
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