Après la signature de l’accord, c’est l’heure des comptes et des décomptes. Si la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), et la plate-forme des mouvements et forces de résistance en ont eu pour leur rang, certains groupes dont l’influence se mesure à l’aune des actes apocalyptiques, continuent d’endeuiller encore des familles.
A Stupeur et indignation tels sont les sentiments dominants à l’annonce de la reprise des hostilités entre le Gatia et la CMA dans les environs de kidal.
Pourtant le calme apparent de l’après-signature avait suscité beaucoup d’espoirs car conduisant à une espérance de vie meilleure.
Des éléments du Gatia avaient même été autorisés à prendre pied dans cette zone sous contrôle de la CMA, cela par convenance sociale, pour y faire la fête de ramadan, en tous cas, pour ceux des leurs qui y ont de la famille.
A cette occasion, votre journal préféré « le prétoire » avait même attiré l’attention des autorités sur l’imminence d’un affrontement entre la CMA et le Gatia, du fait de la trop grande proximité des postes avancés. Pas donc surprenant que la mèche soit allumée ce week end. De toute évidence il importe de rappeler le contexte dans lequel se déroulent ces affrontements mais surtout les différentes implications qui rappellent fort le far West américain.
Le Contexte Actuel
A ce jour, le nord Mali est squatté par six armées dont l’activité est proportionnellement liée aux intérêts du moment. Parmi celles-ci, figurent trois armées conventionnelles : l’armée française, la Minusma et l’armée malienne. Deux autres non conventionnelles viennent grossir le lot : il s’agit des forces de la CMA et de la plate-forme et enfin ferment la marche, les forces de la nébuleuse narco-djihadiste, qui pour une raison de survie, tentent de surfer sur les armées non conventionnelles. Là se trouve la dernière pièce du puzzle qui permet de comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans le nord du pays.
Il est indéniable que depuis la signature de l’accord de paix du 20 juin dernier la CMA s’est résolument inscrite dans une logique de paix. C’est ainsi que ses dirigeants, les plus significatifs, ont pris leur quartier dans la capitale malienne. Le premier responsable du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (Hcua) Algabas Ag Intallah, à la tête d’une importante délégation, a rencontré il ya quelques jours, les responsables de l’U R D afin de réfléchir ensemble sur la mise en œuvre efficace de l’accord de paix.
Une démarche, du reste, que la CMA entend étendre à toutes les formations politiques du pays. Pour un gage de bonne foi, ç’en est véritablement un. Belle initiative dirons-nous, car il ya peu, une telle démarche relèverait de l’utopie. C’est tout à l’honneur donc de la CMA qui a compris qu’il y a un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix. Et elle semble s’y engager résolument, grâce à un accord qui prendrait en compte nombre de ses préoccupations, tout comme d’ailleurs, celles du Gatia, membre de la plate forme. Quel est alors ce but non avoué pour céder à la provocation et ainsi mettre en péril l’ensemble du processus ?
La genèse des affrontements
Selon la CMA, tout serait parti d’une invitation à un dialogue concerté entre elle et le Gatia dans une zone préalablement indiquée. L’objectif, pour les chefs militaires, était d’empêcher tout affrontement entre les différentes forces après la signature de l’accord. Et cette même source d’affirmer que c’est à l’approche des éléments de la CMA à ce lieu de rendez-vous ce samedi, que des coups de feu éclatèrent. Pour la CMA, il ne fait aucun doute, il s’agirait d’un traquenard dans lequel leurs éléments ont été attirés afin de les capturer. Les enquêtes en cours pourront élucider bien des zones d’ombre.
Les combats ont eu lieu à Touzek oued situé à 60 km au sud –est de kidal à l’Est d’ Amassine situé à 80 km au sud de la ville de Kidal et sur l’axe Tabancort – Anefis à 45 km au sud- ouest d’Anefis.
Les forces souterraines
Pour bien des observateurs, ceux qui ont cette propension belliqueuse sont les vrais décideurs donc les plus légitimes que ceux qui parlent en leurs noms à Bamako et auxquels aucun crédit n’est accordé. D’où le dysfonctionnement au sein du Gatia qui, selon des sources concordantes, serait largement infiltré par des éléments du Mujao qui n’ont jamais renié leur doctrine islamique. Mais qui semblent trouvé là, un terreau fertile pour perpétuer l’insécurité qui du reste, est davantage plus profitable pour les narcotrafiquants, le bras financier. En effet l’objectif recherché, serait de créer à tout bout de champs, des conflits, les activer, et faire prospérer leur commerce haute ment illicite. Ce n’est pas étonnant que le Nord s’enflamme la veille du paraphe par la CMA, le 14 Mai dernier à Alger de l’accord de paix. Ce n’est pas non plus fortuit que des combats se déroulent au moment où le Niger voisin tente de ramener la paix entre toutes les tribus du Nord. Tout ceci pour rappeler à l’Etat l’urgence de la mise en route de l’accord. La nature ayant horreur du vide, il importe que des actes très forts soient posés et d’être plus regardant sur le mouvement Gatia, la crainte aujourd’hui, c’est de voir cette machine de guerre, ayant bénéficié d’un important soutien logistique, dévier de ses objectifs initiaux et poser des actes qui seraient aux antipodes du processus de sortie de crise .Au pire, devenir une anguille insaisissable, donc non maitrisable surtout que ce mouvement semble prendre ombrage, selon certaines langues, de l’ ambiance de détente qui prévaut actuellement entre le gouvernement et la CMA.
Les solutions
Mais il faut en convenir, le Gatia et la CMA ne pourront fumer le calumet de la paix qu’en résolvant l’équation GAMOU qui, selon nombre de Kidalois, aurait fait de l’occupation de Kidal une véritable obsession. Si cela se confirme, la tension ne serait que davantage exacerbée car même ce but atteint, il n’est pas certain que le cycle de la vengeance ne se profile pour bien longtemps. En un mot comme en mille, l’inconnu de l’équation du Nord reste aujourd’hui bien identifié. Il s’agit des islamistes du Mujao et les narcotrafiquants qui, pour échapper à la force française Barkhane, infiltrent des groupes belligérants en conflits ouverts, les financent et attisent la tension pour enfin opérer en toute tranquillité. Et tant que l’accord de paix n’est pas diligemment mis en œuvre, et que l’autorité de l’Etat ne soit exercé sur l’ensemble du territoire national, les ennemis de la paix feront prospérer leurs lugubres ambitions en donnant l’occasion à des maliens de s’entretuer tout bêtement.
En tous cas, les maliens, dans leur ensemble, ne veulent plus de cette guerre, davantage personnalisée et hautement particularisée, par des intérêts sordides autre que ceux légitimes du peuple malien. Trop c’est trop et c’est massivement trop !
Amadou SANGHO