Comment ne pas évoquer ici la tentative, sous le régime ATT, de forcer le Vérificateur général, Sidi Sosso Diarra, à se soumettre ou à se démettre ? On sait qu’il avait été entouré par des collaborateurs qui voulaient…le contrôler. Il se trouve qu’il est non seulement le frère, mais qu’il est devenu le conseiller du Premier ministre. L’adresse du 12/12/12 du capitaine Amadou Haya Sanogo pour expliquer la démission du Premier ministre indique clairement qu’il attend de prendre sa revanche sur un certain 30 avril, où la CEDEAO l’avait contraint à rétablir la Constitution de 1991, sous le regard vigilant de Bassolé et de Bic Togo. Difficile, en effet, de croire qu’il va faire ce qu’il reproche à Cheick Modibo Diarra : se soumettre au Président de la République, lui que les Nations Unies soupçonnent d’être derrière les enlèvements de personnalités à Bamako.
Le capitaine Amadou Haya Sanogo ne veut pas être le dindon de la farce
Le capitaine Amadou Haya Sanogo ne veut sûrement pas qu’il lui arrive ce qui est arrivé à l’autre capitaine, il n’y a pas longtemps, dans un pays voisin. Cerné par les officiers supérieurs et les hauts cadres civils, celui-là a été abandonné à la première occasion par la communauté internationale. La popularité de l’homme du 22 mars lui garantit toujours une présence effective au pouvoir, sinon à Koulouba, du moins à Kati, avec des coups de main audacieux, dont le dernier est cette démission imposée au Premier ministre. Et si les Nations-Unies veulent savoir en vertu de quel pouvoir il agit ainsi, il n’aura qu’à faire la sourde oreille.
Dioncounda, l’un des piliers de la 3e République
Ce n’est pas Dioncounda qui le lui demandera, lui que cela arrange à terme. L’actuel locataire de Koulouba convient mieux à l’Occident, c’est une évidence : il vient d’un régime que l’Occident a parrainé, voire installé par une intervention directe sur le terrain. Il est non seulement l’un des fondateurs de la 3e République, mais un des piliers du consensus comme mode de démocratie en vigueur sous ATT. Le héros de la patience dans les couloirs de la présidence, voire de la députation, ci-devant candidat à la présidentielle, se voyait bien assurer la continuité de la 3e République. On sait que lors des législatives de 2003 sa victoire a été annulée suite à un nouveau décompte ordonné par Alpha. Que la CEDEAO lui accorde une rallonge d’un an apparaît comme une réparation venue du Ciel, un effet de la main protectrice de Dieu. Mais après avoir vaillamment surmonté le cap de l’agression physique de la populace, et surtout après le stoïque pardon accordé à celle-ci, il a désormais l’auréole d’un saint, que matérialise l’écharpe blanche qu’il porte, à l’image du keffieh d’un Yasser Arafat. Pour lui, tout est légitime, même la transition. « Je ne me dérobe pas à mon destin », avait-il dit en prenant ses fonctions de président par intérim pour 40 jours.
La stratégie de la chaise vide du FDR aux concertations nationales convoquées par le Premier ministre aura payé. Le Front du Refus (son véritable nom), a donc fini par obtenir le désistement de Cheick Modibo Diarra. Car ce fut la pierre d’achoppement où le destin de la cohabitation s’est décidé. Rejetant systématiquement toute idée de concertation nationale, comme inutile, réservant son jugement sur Cheick Modibo Diarra. Il a milité pour le retour rapide du statu quo constitutionnel, une position qui coïncide avec celle du Président Dioncounda, lequel vient de reconnaître qu’il a veillé personnellement à ce que les concertations nationales soient le plus possible proches de la Constitution (entendez : celles du Premier ministre étaient des concertations d’exception, comme le Dr Cheick Modibo Diarra était lui-même un Premier ministre d’exception). Avec le gouvernement de large ouverture imposé par la CEDEAO, il attendrait le moment propice pour engager le bras de fer, prévisible à terme, avec un Premier ministre qu’il n’avait pas nommé.
Cheick Modibo Diarra : une légitimité propre et proche de la 2e République
Il a rendu le pouvoir à celui qui le lui avait donné, ne manquant pas, au passage, de s’excuser auprès du peuple et de souhaiter bonne chance à ses successeurs. Il sait, en effet, que ce n’est pas du capitaine qu’il tient sa légitimité. L’homme qui avait été acclamé par le Stade du 26 mars archicomble travaillait avec un gouvernement de large ouverture, où séjournaient des ministres de partis dont les dirigeants ont été hués par cette même foule du 26 mars. Ils auraient été cinquante à entrer au gouvernement de large ouverture qu’ils ne l’auraient pas impressionné pour autant. A vrai dire, la ligne de démarcation passe quelque part entre la 2e et la 3e République. Le politologue français Michel Galy semblait s’en inquiéter sur les antennes de notre confrère TV5 Monde le samedi 15 décembre, en rappelant que Cheick Modibo Diarra, gendre de Moussa Traoré, peut être considéré comme un homme de la 2e République. La CEDEAO le savait-elle ? Dioncounda, lui, semble l’avoir compris, qui vient de faire appel, pour la primature, à un ancien ministre de Moussa Traoré, Diango Sissoko.