Après sa rencontre du 20 novembre 2014 avec la classe politique malienne sur des questions relatives au virus Ebola et aux pourparlers inter-Maliens d’Alger, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a encore tapé du poing sur la table, le week-end dernier, à Sikasso, en tirant à boulets rouges sur les partis politiques de la majorité présidentielle. Pour dire toute sa déception, cette fois-ci, le Chef de l’Etat malien a préféré un langage on ne peut plus dur, allant jusqu’à tenir ses supporteurs pour responsables de ses difficultés dans la conduite du pays. Un deuxième « coup de gueule » du Président de la République qui intervient 10 mois seulement après le premier. Devrons-nous comprendre par là que le Président IBK n’a pas été entendu lors de sa première sortie contre ses « amis » ?
Toujours est-il que, reprochant à la majorité présidentielle son faible soutien, ou plutôt manque de soutien, à l’action gouvernementale, le mois de novembre 2014, le président IBK n’avait pas porté de gant. « Vous m’avez laissé sur ma faim », avait lancé IBK, tel un camouflet, à la figure de Boulkassim Haïdara et ses camarades du RPM, de l’Adema, de l’Udd, du Cnid, entre autres formations politiques piliers de l’action gouvernementale.
La majorité présidentielle n’a de sens, selon le président IBK, que si elle lui apporte un soutien constant : « J’ai besoin d’une majorité de confiance à cheval sur la vérité…» Dix mois après cette interpellation, le Président IBK est, encore, revenu à la charge le week-end dernier, à Sikasso, pour tenter de tonifier une majorité présidentielle qui peine, après près de deux ans, à le suivre et à composer avec lui.
Que se passe t-il entre IBK et ses alliés? En effet, incapable de sortir le pays de sa gravissime crise sécuritaire et de son marasme économique sans précédent, le Président de la République souhaite aujourd’hui avoir une majorité présidentielle capable de vendre du cuivre à la place de l’or. Autrement dit, le Président IBK veut une mouvance présidentielle prête à caresser son régime dans le sens du poil sur tous les sujets, en se montrant plus présente dans l’animation du débat politique, pour le défendre, par exemple, contre les critiques des opposants et prendre des coups à sa place. «Je ne vous sens pas dans le débat, alors que c’est vous qui constituez la majorité.
Ceux qui sont minoritaires sont plus visibles que vous. Je ne vous sens pas. Je vous sens frileux. Vous n’avez pas de complexe à vous faire. Je ne vois pas quel combat un combattant frileux va gagner. Si déjà, devant le ring, tu trembles, je ne sais pas où tu vas », a tempêté le Président de la République, dans une colère noire. Comme si être parti de la mouvance présidentielle impliquait l’obligation de suivre le chef d’Etat et de le couvrir sur tout et partout, même au prix de paraître un fin imposteur aux yeux du peuple malien.
En invitant ses supporteurs, les premiers déçus de sa gestion chaotique du pays, à sortir de la planque, le Président IBK les expose à la honte et à l’humiliation. Car ils parleront pour ne rien dire de convainquant aux Maliens qui ont promis de juger désormais leur président sur des actes concrets.
C’est ce que tentent, aujourd’hui, d’éviter les partis de la mouvance présidentielle qui s’empêtrent dans un silence de sourd. Face à la dérive de la gouvernance d’IBK, le silence est devenu la seule option de ces partis politiques qui veulent tirer plus de profit du régime sans écorcher leur réputation.
Ce deuxième coup de pied du Président IBK l’atteste à suffisance : son premier appel à l’endroit de la majorité présidentielle n’a guère été entendu. Et le deuxième appel, lancé à Sikasso, risque, lui aussi, de tomber dans des oreilles de sourds, car la mouvance présidentielle le voit foncer tout droit dans le précipice sans jamais oser lui dire la vérité. Le Président IBK appelle la majorité présidentielle à défendre l’indéfendable. Et on peut raisonnablement parier que ses cris au secours ne seront pas entendus par des partis « amis » qui n’ont non seulement aucun ressort, mais qui ont, aussi, cessé de croire à sa cause.
Youssouf Z KEITA