Grève et/ou préavis de grève du syndicat des travailleurs des impôts; du personnel des services du Centre hospitalier universitaire(CHU) Gabriel Touré; du comité syndical des services aéroportuaires; des transporteurs routiers…; scandale des engrais dits «frelatés»; de la fraude sur les hydrocarbures; insécurité généralisée; impunité; gestion approximative de la crise au nord du pays; phénomène jihadiste… Visiblement, le bateau Mali sous la gouvernance d’IBK tangue dangereusement. Et prétendre qu’il ne saurait chavirer n’est que vaine tentative de faux réconfort. Il risque bien de couler si le timonier continue de fricoter avec Morphée et Dionysos. Les raisons !
Très nombreux ont été les compatriotes affectés par l’image d’un président de la République malienne recevant un artiste, festoyant en famille alors que le pays se trouve sur la lame d’un rasoir et à un des tournants décisifs de son histoire. La scène a suscité de nombreux questions et commentaires. Monsieur le Président s’appliquait-il à dédramatiser la situation et du coup, rassurer l’opinion nationale et internationale à propos des craintes non justifiées sur son pays? Ou plutôt, n’avait-il aucune conscience des défis et risques du moment pour s’adonner à cette partie de plaisir avec un artiste? Nous voudrions bien croire à la première assertion. Mais hélas ! Selon toute évidence, l’homme n’évalue pas les risques à leurs justes valeurs.
Le front social : un baromètre précis
C’est à raison que l’on assimile le front social à un véritable instrument de mesure. Une allégation déjà vérifiée au Mali. Les événements de 1991 par exemple ont été précédés par une grogne sociale sans commune mesure : des marches de protestation, des émeutes, sit-in, affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, cessation de travail souvent spontanée, préavis et grèves… Et survint le 26 mars. Les militaires se sentirent alors obligés, à tort ou à raison, de changer la donne.
Le président de la République au moment des faits, avait sous-évalué les risques. Son prédécesseur aussi jusqu’à ce mardi 19 novembre 1968. Le Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN) justifia son coup de force par la misère des populations et la mauvaise appréciation que fit le président de cette souffrance. Et comme pour donner raison aux putschistes, les rues de Bamako qui, habituellement célébraient le passage du Président, restèrent très silencieuses ce mardi 19 Novembre 1968.
Il n’y a, dans ce bref rappel historique, aucune intention ou tentation malveillante. Il s’agit juste de prouver que le front social constitue un véritable instrument de mesure de la tension susceptible d’ouvrir la voie aux aventuriers ou de plonger le pays dans le chaos. Bien entendu, tout cela est évitable, à condition que la plus haute autorité du pays se réveille de son sommeil et fait face aux réalités que voici.
Défis et enjeux
Nul malien (excepté certainement le Président de la République et sa famille) ne se sent en sécurité, qu’il soit au Sud, au Nord ou au centre du pays. Les bandits, jihadistes, narcotrafiquants, séparatistes et autres marginaux semblent bien contrôler la situation. Et l’occasion faisant le larron (l’absence de réaction appropriée, voire de l’Etat tout simplement), le phénomène a pris une dangereuse proportion. Tenez: de présumés jihadistes (il en existe de vrais, mais aussi des mécontents et autres «aigris» ayant rejoint le cercle avec différentes motivations) ne sont, en fait, que de petits bandits ayant trouvé le bon filon pour s’enrichir.
La nature a horreur du vide, dit-on. Quasiment sûrs de l’impunité, ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Et, en l’absence de l’Etat, les citoyens ont de plus en plus tendance à s’armer. Et ce n’est le Médecin Général de Brigade, Coulibaly Kani Diabaté qui nous démentira. Elle est la présidente de la Commission Nationale de Lutte Contre la Prolifération des Armes Légères au Mali…
Bref, le phénomène de l’insécurité greffé à celui de l’impunité et de l’injustice accentue bien la menace du chaos. Et nous en avons récemment eu un aperçu à la faveur de l’incident survenu, la semaine dernière à Garantiguibougou. Les populations riveraines s’en sont pris et à la police et aux chauffeurs tous deux coupables à leurs yeux. Le lendemain, ce sont les apprentis chauffeurs, armés pour la plupart, qui ont dicté leurs lois aux policiers lesquels se sont fait tout petits.
Moins de de mois auparavant (juin 2015) dans le quartier voisin de Daoudabougou, les populations ont eu un violent accrochage avec les forces de l’ordre. Elles ont saccagé la mairie et tenu tête à la police… Les illustrations ne manquent pas.
A ces malaises, on peut désormais ajouter la grogne des mouvements syndicaux. Toute chose de nature à exacerber la tension sociale.
Le temps des regrets ?
Les défenseurs du régime en place, soutiennent mordicus que les revendications socioprofessionnelles et catégorielles sont malvenues au regard de la situation géopolitique très précaire du pays, voire de la sous-région toute entière. Et aux détracteurs de riposter : est-il moment de chanter, danser, voler, piller, détourner en toute impunité, casser, mentir, relaxer les coupables et châtier les innocents ? Il faudra, en effet reconnaître que de nombreux crimes restent encore impunis au Mali à cause des affinités sociopolitiques entre les différents acteurs (le fameux cercle familial).
Si le moment ne se prête guère aux revendications sociales du moment, autant il ne s’est jamais prêté aux exactions et à la mauvaise gouvernance. Ce sont les gnoukou-gnoukou qui amènent niaka-niaka, dit-on. Il est évident que c’est bien le régime qui a prêté le flanc. Nous sommes très loin des premiers jours d’IBK au pouvoir lorsque ses discours faisaient trembler corrupteurs et corrompus, voleurs et violeurs… L’inaction ayant suivi sa profession de foi est à l’origine du profond regret de ses concitoyens et électeurs.
Cette déception perceptible sur tous les regards est dénoncée par certains acteurs à l’image des partis et associations politiques aussi bien de l’opposition que de la majorité (SADI, MP22, COPA, etc.). La même désillusion a poussé ces pro-putschistes à regretter le coup d’Etat et même à demander pardon au président déchu, ATT.
La société civile s’en mêle désormais au regard de cette sortie de Mamadi Kanté du syndicat des transporteurs routiers lequel, à la suite des incidents de Garantiguiboubou, dit regretter le temps du Général Moussa Traoré: «Si on regarde ces incidents, on voit bien que tout ça ne serait pas arrivé si les autorités avaient joué tout leur rôle» (source : Journal «Le Combat» N° 1147 du vendredi 21 Août 2015).
Tout se passe comme si ensemble et sans consultation préalable, tous les acteurs regrettaient à la fois, les anciens présidents.
Voilà assez d’indices qui attestent de la désapprobation d’une écrasante majorité de citoyens maliens et des risques de rupture. Il est alors temps que le dormeur se réveille !
Diarrassouba