1968, le régime socialiste mis en place par le Président Modibo KEITA est renversé par un coup d’Etat militaire. 1991, suite à des soulèvements populaires qui ébranlèrent le régime, Amadou Toumani Touré mit fin par un coup d’état à la dictature de Moussa Traoré. 2012, ironie du sort, ce même Amadou Toumani Touré est chassé du pouvoir en fin de mandat par un certain Amadou Aya Sanogo.
Entre ces trois coups de force militaire, ont subsisté des rébellions armées dans le nord du pays. Des évènements de prime à bord distincts _ de par leurs causes, leurs conséquences et leur conjoncture sociopolitique _ mais qui ont tous contribué à l’émergence de nouveaux leaders, l’instauration exponentielle de l’injustice sociale, la mainmise d’un groupuscule d’individus sur la magne financière de l’Etat, ainsi qu’au renforcement du népotisme comme principe de gouvernance et facteur d’impunité.
Ce qui fait ainsi de la revendication armée, au détriment des principes démocratiques et Républicains, l’un des business les plus porteurs dans le Mali contemporain. Et par ricochet le chemin le plus rapide pour accéder au pouvoir et aux ressources financières de l’Etat pour d’aucuns, et à une vie décente (emploi et moyens de subsistance) pour certains. Notamment ces milliers de jeunes qui, ne voyant aucunes perspectives d’avenir, se retrouvent vulnérables face à toute sorte de manipulation et de ‘’proposition’’.
En témoigne la course effrénée des jeunes vers les mouvements armés, les groupes extrémistes en quête perpétuelle de nouveaux acolytes et bien d’autres manifestations politiques…à la recherche du pain quotidien. Une situation délicate, sous-estimée et/ou non encore cernée par les autorités publiques, et qui risque d’avoir pour conséquences immédiates : l’implantation rapide des groupes extrémistes ; l’effritement de l’Etat de droit ; la remise en question de nos valeurs sociétales et la promotion de la médiocratie.
Les coups d’Etat ou occasions de promotion de nouveaux clans…
L’histoire récente du Mali contemporain a démontré avec brio que les coups d’Etat militaires ont plus profité à leurs auteurs et fans qu’aux intérêts du peuple pour lequel ces derniers ont toujours prétendu agir. Chaque coup de force militaire au Mali a abouti, d’une manière ou d’une autre, à : un marathon aux postes et structures juteux de l’appareil étatique ; un feuilleton rocambolesque de partage de gâteau ; l’émergence incontrôlable de nouveaux leaders ; et la promotion de nouveaux clans qui ne jurent que par et pour la cause de leurs membres. A chaque coup d’Etat militaire, son cortège de dilapidation des maigres ressources financières du pays, de déstabilisation de l’ordre institutionnel, de diabolisation des adversaires politiques et de règlement extrajudiciaire de compte.
Sans occulter les pertes en vie humaine et les séjours inattendus en prison…les coups d’Etat se sont toujours révélés pour leurs commanditaires, auteurs, acteurs de légitimation et pions de consolidation comme de bons créneaux de promotion, de positionnement stratégique et d’enrichissement illicite. A l’exception bien entendu de certains, comme dans tout marché de dupe, qui sont utilisés comme fusibles pour endosser les responsabilités des uns et des autres.
En sus des coups d’Etat, les rébellions…
Plus de 9000 emplois en faveur des régions du nord et l’intégration des combattants des mouvements armés sont annoncés dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation issu des pourparlers inter-maliens d’Alger. A ceux-ci s’ajoutent les départements ministériels taillés sur mesure auxquels auront droit les groupes signataires dans la perspective du prochain remaniement, les quotas de représentativité dans les instances de prise de décision qui leur seront réservés et tous les autres prébendes de la paix.
Ajoutons-y la mise en selle de nouveaux leaders et la légitimation d’anciens criminels. Sans oublier les multiples reformes institutionnelles, les vastes chantiers de développement socioéconomique dans les régions du Nord et les futures échéances électorales…prévus toujours dans la dynamique du processus de paix. Autant d’acquis qui, à n’en point douter, n’auraient jamais été effectifs sans les évènements malheureux du septentrion. Ou du moins, sans les armes.
Les armes ont certes fait couler beaucoup de sang et de larmes, mais auront également profité à de nombreux fils du pays, bien qu’étant les moins méritants. A analyser de près les acquis, enjeux et perspectives du processus de paix en cours ; l’on se rend bien compte que la violence est arrivée à impulser une dynamique de développement qu’aucun projet de société présidentiel n’était parvenu à déclencher. Le coup des canons, en seulement quelques années, a octroyé une légitimité à des groupuscules d’individus que les vrais partisans de la République, les plus grands combattants de la scène politique et les meilleurs commis de l’Etat n’ont pu acquérir tout au long de leur périlleuse et loyale vie.
La revendication armée, au regard de la conjoncture de ces 25 dernières années, se présente comme l’un des business les plus porteurs dans le Mali contemporain. Un business qui, si rien n’est fait, risque comme toute activité ‘’à la malienne’’ de se développer rapidement. Un état de fait irrévocable qui largue le travail, le mérite, l’intégrité, le dévouement à la patrie et le don de soi au rang des valeurs les moins sollicitées dans une société en pleine déliquescence et dont le KO programmé par son élite est fort bien entretenu par des citoyens encore dans la léthargie.
Fousseyni MAIGA