En marge à la conférence-débats organisée, le samedi 15 août 2015 à la Maison de la Presse, par le "Collectif pour l'Equité Nord-Sud", qui plaide pour un traitement équitable de tous les ressortissants du nord dans le cadre de l'Accord d'Alger, nous avons eu un entretien à bâtons rompus avec le professeur Kalilou Ouattara. Bien que député du RPM, le parti au pouvoir, ce médecin résidant élu en commune 3 du District de Bamako tient un discours qui fait froid dans le dos et qui irrite au plus haut point ses pairs de la majorité.
Vacances gouvernementales incongrues
L'élu commence par s'inquiéter de la situation sécuritaire actuelle du Mali ; il se dit révolté que le gouvernement prenne des vacances en cette période critique de l'histoire.
Accord scélérat
d'Alger
Par rapport à l'Accord d'Alger, Ouattara dira que l'Assemblée Nationale a été consultée a posteriori et "de pure forme"; avant la signature, nul n'a demandé l'avis des députés sur le sujet. "C'est après que le Premier Ministre a déclaré l'accord bon qu'on est venu en parler à l'Assemblée Nationale, déplore Ouattara. Quelques députés ont aussitôt décrié l'Accord comme contenant des pièges et des zones d'ombres". Notre interlocuteur estime, pour sa part, que le Mali ne devait signer aucun accord avec des rebelles. "Un gouvernement sérieux ne signe pas d'accord avec des rebelles, et l'histoire m'a donné raison", tonne-t-il.
Il rappelle que quand le Premier Ministre Moussa Mara est allé à Kidal et qu'il y eut des problèmes, "le gouvernement a paniqué" en faisant appel au président mauritanien pour vite négocier un cessez-le-feu.Selon Ouattara, le voyage de Moussa Mara à Kidal n'était pas indiqué : "Il ne devait pas aller provoquer ces djihadistes qui, sinon, n'auraient pas osé nous attaquer". Du coup, le Mali est parti aux négociations d'Alger "en position de faiblesse", et c'est ce qui explique le contenu de l'Accord. Kalilou Ouattara d'analyser: " Je suis sûr que les exigences contenues dans l'Accord ne sont pas celles voulues par les rebelles; elles sont plutôt dictées une volonté extérieure. Les rebelles nous ont battu au point de vue de la communication. En tout cas, le Mali ne devait pas signer cet Accord car il divise, en réalité, notre pays: c'est la scission du Mali qui est entamée".
Accorder l'indépendance au nord
Notre interlocuteur ne craint pas de le dire: "Si on veut une paix durable, il accorder l'indépendance au nord. Je suis pour cette solution car le concept "nord" est accepté par tous aujourd'hui, mais nul ne veut pas entendre parler du concept "sud". On devait, dès le départ, accepter qu'il y ait deux entités au Mali: l'empire songhaï, au nord, et l'empire mandingue au sud. La réalité, c'est qu'au nord, on n'a jamais accepté l'Etat malien, considéré comme émanant du sud.".
Elections communales non libres
Pour Ouattara, les prochaines élections communales et régionales ne pourront pas être contrôlées par l'Etat. Il se demande si les listes électorales ne sont pas établies par la CMA et les autres groupes armés. Faute d'autorité de l'Etat, "les résultats du vote au nord donneront la part du lion aux Touaregs car c'est eux les maîtres des lieux". Pour toutes ces raisons, Kalilou Ouattara pense que "l'Accord d'Alger est une bombe en retardement ".
Traquer les nids de complices
S'agissant de l'insécurité générale, notre interlocuteur invite le sud du Mali à s'organiser face aux attaques armées.A l'en croire, l'insécurité qui règne au sud se nourrit de la "complicité de certains nordistes qui résident à Bamako et qui hébergent des bandits armés". Sinon, se demande le député, "comment comprendre qu'il y ait des attaques à Bamako et que les auteurs ne soient pas retrouvés ?". Ouattara cite, pour illustrer son propos, l'évasion du chef terroriste Wadoussène, évasion qui n'aurait pas été possible sans de solides complicités à Bamako. Le député recommande donc à l'Etat "de recenser tous les nordistes qui résident au sud et de perquisitionner les domiciles des personnes suspectes". Selon le député, les instigateurs des attaques sont ceux-là mêmes qui sont "logés dans les villas de l'ACI 2000 et dans les hôtels de luxe" aux frais de l'Etat. Il indique: "Dès que vous portez un turban et que vous roulez dans un véhicule de luxe, vous n'êtes plus sifflé par les policiers dans la circulation. C'est avec ces complicités que notre armée a été battue en 2012; si l'on n'y prend garde, avec les caches d'armes qui existent à Bamako, nous risquons de nous réveiller un jour avec une armée de rebelles occupant Bamako. Si nous continuons de dormir et de ne rien faire, nous verrons!", prédit Ouattara.
Propos recueillis par Abdoulaye Koné