Dans un entretien à bâtons rompus qu'il nous a accordé, le chargé de communication d'Energie du Mali (EDM SA) décrit les perspectives et difficultés de l'entreprise publique.
Malgré les difficultés, qui se manifestent notamment par des délestages plus ou moins fréquents, la société publique EDM-SA fait de son mieux pour améliorer son réseau électrique afin de satisfaire aux besoins en électricité très élevés de la population. Selon Tiona Mathieu Koné, le directeur des relations publiques et de la communication de la société, un travail de titan est abattu chaque jour pour résoudre les problèmes posés.
Halte au gaspillage
L'une des préoccupations d'EDM s'appelle le gaspillage d'électricité. A ce sujet, Koné implore les usagers: "Nos valeurs culturelles et religieuses sont contre le gaspillage ; nous sommes des sociétés de solidarité : ce que vous ne consommez pas peut profiter à votre voisin". Selon notre interlocuteur, depuis plusieurs années, EDM sensibilise en faveur des bonnes pratiques de consommations d'électricité, surtout pendant les périodes de haute consommation, c'est-à-dire de très forte chaleur.
Interconnexions
Tiona Mathieu Koné confirme que depuis 2012, la Côte d'Ivoire alimente le Mali en électricité par le biais d'une interconnexion des réseaux qui profite, entre autres, aux villes maliennes de Zégoua, Kadiolo, Sikasso, Koutiala, Ségou et Fana. Une partie des 40 mégawatts générés par l'interconnexion sert à alimenter une portion de la ville de Bamako. EDM SA, pour augmenter sa production d'électricité, envisage aussi de mettre en œuvre le "projet de la boucle du golfe de Guinée " qui reliera les réseaux électriques du Ghana, du Burkina Faso et du Mali. Le Ghana est déjà connecté au réseau Nigérian; Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, sera connectée à la ville de Hane, au Ghana, et Sikasso, au Mali, sera connectée à Bobo-Dioulasso. Le "projet de la boucle du golfe de Guinée " permettra à EDM d'alimenter les villes de Nièna, de Koumantou, de Bougouni, en troisième région, ainsi qu'une partie de Bamako. "Il faut noter que déjà, le réseau malien est relié à ceux de la Mauritanie et du Sénégal à travers l'OMVS ", précise Koné.
Dans le cadre de l'agrandissement de son réseau de distribution, le Mali est en train de construire un "Centre national de conduite". Qu'est-ce qu'un tel Centre ? Koné explique: "Si vous êtes interconnecté avec le Togo, le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Bénin, le Nigéria, vous allez vers un marché de l'électricité. Le climat n'étant pas le même dans ces pays, l'un d'eux peut avoir, à un moment donné, de l'électricité à vendre à bon prix. Le centre national de conduite est un lieu de gestion des flux d'électricité qui viennent des pays cités plus haut ; il permet de vendre de l'électricité peu chère".
Quant au coût des investissements projetés, il est lourd. L'interconnexion Sikasso-Bougouni-Bamako, dans le cadre du "projet de la boucle du golfe de Guinée ", va coûter à EDM et à son partenaire indien 143 millions de dollars (environ 820 milliards de FCFA). Un autre projet visant à développer la consommation électrique à Sikasso, Bamako, Kati et Koutiala sera financé par la Banque Mondiale à hauteur de 60 milliards de FCFA.
Difficultés
EDM SA souffre du coût élevé de la production de l'électricité. Le fait que le Mali consomme beaucoup d'énergie thermique, c'est-à-dire de l'électricité produite à partir de groupes électrogènes fonctionnant aux hydrocarbures, plombe les comptes de la société car le pays n'est pas producteur d'hydrocarbures. " Le poste de dépenses le plus grand d'EDM SA est celui de l'achat du combustible. La société y investit plus de 75 milliards de FCFA chaque année", nous révèle Koné. EDM SA, pour réduire ses coûts, organise sa migration vers le fuel lourd, moins cher que le gasoil et ressemble au goudron. EDM utilise aussi de plus en plus les énergies renouvelables à Bankas, Ouélessebougou, Koro, Tominian et, bientôt, à Nara et Diéma. "Dans ces localités, nous avons des centrales hybrides qui fonctionnent, le jour, grâce au soleil et, la nuit, grâce aux groupes électrogènes ", nous apprend Tiona. A défaut de pouvoir réduire le prix à la consommation, la diversification des combustibles permet au moins d'éviter la hausse des prix.
Séparation des secteurs eau et électricité
Quant à la séparation des secteurs eau et électricité, notre interlocuteur estime qu'EDM ne s'en plaint pas. L'eau bénéficie, pour son exploitation, de beaucoup de subventions; l'électricité étant un produit marchand, il fallait la séparer de l'eau pour ne pas handicaper le secteur eau. "Tant qu'on était ensemble, on ne pouvait pas avoir certains financements pour l'eau", relate Koné.
Consommation de l'Etat
Koné estime que contrairement à ce que beaucoup pensent, l'Etat est l'un des meilleurs clients d'EDM SA. Selon lui, l'Etat paie ses factures par trimestre. "La facture d'électricité de l'Etat avoisine les 15 milliards par an, ajoute Koné. Mais le budget que l'Etat prévoit pour payer ses factures est toujours insuffisant, en raison des gaspillages constatés dans beaucoup de services.".
Abdoulaye Guindo