En janvier 2013, nous avons vu l’armée française, l’armée malienne et les troupes africaines prendre la place des islamistes dans notre ville de Tombouctou. En février 2013, nous avons eu des doutes sur la décision de maintenir l’armée malienne hors de la ville de Kidal. Il y a eu des négociations pour que les Famas puissent y entrer, et nul n’ignore les conditions imposées. Plutôt que de désarmer et de cantonner les groupes armés, ce sont les militaires maliens et les fonctionnaires de l’administration qui y ont été cantonnés.
Mais bon, il faut dire que Kidal, c’est Kidal, ce n’est ni Tombouctou, ni Gao. Ceux de Kidal ou plutôt ceux qui restent à Kidal, car toute personne, ne partageant les idées séparatistes de ces groupes armés, s’en est allée, sont-ils plus importants que nous ? C’est une question que nous nous posons à Tombouctou.
Toutes les déclarations pour rappeler le mandat de la Minusma et ses missions au Mali, pas qu’à Kidal ou Tombouctou ou Gao, sont toujours faites au lendemain d’une allégation demandant les raisons de l’immobilité de la mission onusienne face aux exactions de la Cma à Tombouctou. Nous avons fini par comprendre que c’est le dernier des soucis de la Minusma sur le plan sécuritaire. Oui, elle finance quelques projets d’intérêt communautaires. Oui, elle finance le projet pour une association de femmes dans la région. Oui, elle organise une rencontre des jeunes de Tombouctou autour de l’accord pour la paix. Mais nous aurions plus apprécié que la Minusma forme une zone de sécurité autour des villages de la région de Tombouctou pour éviter qu’ils ne soient attaqués à plusieurs reprises par la Cma. Fin avril, cette coordination s’est même permis de prendre en otage des villageois de Bintagoungou. Elle leur reprochait de former des milices d’auto-défense. Faut-il rappeler que ces attaques ont provoqué une nouvelle vague de déplacement des populations ?
La Minusma et la maire de Goundam ont trouvé héroïque de libérer les prisonniers de la Cma à Ber, avec éclats dans la presse locale. En avril dernier aussi, les éléments de la Cma ont poussé leur promenade de santé jusqu’à l’intérieur de la ville de Tombouctou, avant de se retirer. Et pourtant, aucune ceinture sécuritaire n’a été jugée nécessaire pour protéger la ville historique ! C’est plutôt Kidal qu’il faut protéger ! C’est Kidal qui a été consultée durant les négociations à Alger. Ce sont les membres de cette rébellion légalisée par la communauté internationale qui sont trimbalés dans les avions humanitaires. Ce sont eux qui ont droit aux égards de la Minusma et de la communauté internationale.
Nous, les autres habitants du Nord du Mali, ceux de Gao qui ont su se montrer agressifs, et nous, pacifiques Tombouctiens, ne sommes certainement pas assez importants aux yeux de cette Minusma et de la communauté internationale ! Nous ne sommes pas séparatistes, voyez-vous ! Ils savent tous que nous ne serons jamais azawadiens. Eux, préfèrent ceux qui se disent azawadiens. Ils préfèrent cette minorité qui prétend défendre les habitants du septentrion avec des armes, des mines, des bombes… *Fatouma Harber, la «Dame de Tombouctou», femme engagée, blogueuse.
Propos recueillis par Françoise WASSERVOGEL, le 22 août 2015