Dans le cadre de notre présence à Tunis pour couvrir l’Afrobasket 2015, nous avons rencontré Son Excellence M. Siragata Traoré, Ambassadeur du Mali en Tunisie qui a bien voulu répondre à nos questions sur les rapports entre le Mali et la Tunisie d’une part et les rapports entre l’ambassade et les Maliens vivant en Tunisie. Dans un entretien exclusif et à cœur ouvert, Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur a parlé sans réserve. Lisez plutôt l’interview !
L’Express de Bamako : Comment se portent les relations entre le Mali et la Tunisie ?
SEM. Siragata Traoré : Le Mali et la Tunisie entretiennent des relations d’amitié, de fraternité et de coopération qui remontent de très loin. Les pères de l’indépendance des deux pays, il s’agit du président Tunisien Bourguiba et celui du Mali, Modibo Keita, ont entretenu des relations fraternelles et cela a orienté notre relation de coopération avec la Tunisie aujourd’hui. L’amitié entre les deux hommes d’Etat a eu une grande influence sur la relation entre les deux pays. Ce sont des relations exemplaires. Nous qui sommes sur place, nous travaillons de manière à renforcer cette amitié et de faire de sorte que ces relations soient bénéfiques pour les deux pays.
L’Express de Bamako : D’une manière générale, quels sont les secteurs dans lesquels nos relations avec la Tunisie sont basés ?
SEM. Siragata Traoré : La coopération entre les deux pays est très diversifiée. Elle concerne plusieurs domaines. Il y a d’abord le domaine de l’éducation car il y a plus de 2000 étudiants maliens qui sont formés ici en Tunisie. Elle concerne aussi le domaine de la santé. Aujourd’hui, Tunis est une destination privilégiée pour les malades maliens. Il y a aussi d’autres domaines dont le commerce, les bâtiments, l’agriculture et beaucoup d’autres secteurs porteurs. Le Mali d’aujourd’hui est en chantier et nous travaillons de manière à faire en sorte que les différents opérateurs qui sont en Tunisie puissent partir dans notre pays pour partager leurs expériences avec les Maliens. C’est sur ce point particulier que nous travaillons tous les jours.
L’Express de Bamako : Quels sont les rapports entre l’ambassade et les Maliens vivant sur le sol Tunisien et quelles sont les difficultés récurrentes auxquelles ils sont confrontées ?
SEM. Siragata Traoré : Quand vous gérez une communauté, il y a toujours quelques difficultés dont il va falloir gérer. Je suis là avec des collaborateurs qui m’aident tous les jours pour que nous puissions ensemble surmonter ces difficultés. La communauté malienne en Tunisie est essentiellement composée d’étudiants et gérer une communauté d’étudiants n’est pas toujours facile. Comme chaque pays est régit par ses lois et règlements, il y a des problèmes souvent. Bien que les Maliens soient exempts de visa quand ils se rendent en Tunisie et vice-versa, il y a des conditions de séjour. Malgré l’obtention de ces séjours il faut aussi une certaine règle. Quand un étudiant malien arrive, il doit déposer ses dossiers pour avoir son séjour. Après l’examen de son dossier, on le délivre une carte de séjour qui le sert de vivre sur le sol tunisien.
L’Express de Bamako : Aujourd’hui avec la crise que notre pays traverse, qu’est-ce que l’ambassade fait auprès des autorités et du peuple Tunisien pour aider le Mali à résoudre ses problèmes?
SEM. Siragata Traoré : Entre nos deux pays, il n’y a de place que pour l’amitié. Chaque fois que je rencontre des responsables Tunisiens, je dis avec énergie que le Mali et la Tunisie ont en commun cet espace sahélo-saharien qui est aujourd’hui sujet à des attaques terroristes. Donc pour éradiquer ce fléau, il est impérieux que nos deux pays mettent ensemble leurs efforts dans le cadre de la coopération sous régionale car un seul pays ne peut pas faire face à ces problèmes. Chez nous en si peu de temps, une grande partie du pays a été envahie par des terroristes. Il a fallu que les pays amis, dans un élan de solidarité très fort, nous viennent au secours afin de faire face à cette montée djihadiste. Ceci dit, nous avons obligation de dire ce que nous ressentons sur le terrain et ce qui se passe réellement au Mali. Chaque fois qu’on a l’occasion de rencontrer un responsable Tunisien, nous le disons ce qui se passe réellement au Mali. A la communauté malienne, nous faisons la même démarche. Je me rappelle très bien quand le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita est passé ici en 2014, il a brossé la situation dans notre pays en donnant des informations très utiles aux étudiants. Nous, notre tâche, comme le président l’a dit, c’est d’informer la communauté sur ce qui se passe réellement au pays. Et nous faisons de telle sorte que tout le monde ait la bonne information afin d’être en phase avec l’actualité dans notre pays. Nous le faisons toujours à temps pour qu’il n’y ait pas d’ombrage au travail qu’on fait. Nos étudiants sont mis au bain pour qu’ils puissent aussi être de bons ambassadeurs du Mali auprès du peuple tunisien.
L’Express de Bamako : Afrobasket oblige, comment l’ambassade s’est organisée pour une bonne participation à l’équipe et à la délégation malienne?
SEM. Siragata Traoré : Nous vivons cet évènement depuis quelques mois. J’ai eu le privilège de représenter le Ministre des Sports, M. Housseini Amion Guindo lors du tirage de l’Afrobasket qui s’est déroulé ici en Tunisie. Depuis cet évènement nous y travaillons. Nous l’avons préparé et chaque fois qu’il y a avait une information, nous avons immédiatement rendu compte à Bamako. Quant à la préparation du séjour de la délégation malienne, nous y avons travaillé. Dès le début nous avons saisi le président des étudiants maliens et le président du Conseil de base des Maliens de l’extérieur en Tunisie. Mais comme c’est la période des vacances, il y a actuellement moins de Maliens sur le sol Tunisien. La majorité de la communauté étant composée d’étudiants qui sont rentrés au mali pour les vacances. Mais nous ne nous sommes pas découragés, nous avons dégagé quelque moyens dont nous disposons en mettant des cars à la disposition de quelques étudiants qui sont là pour aller supporter les Aigles du Mali. Nous avons tenu à accueillir la délégation à l’aéroport avec moi-même à la tête du comité d’accueil. La délégation malienne est arrivée vers 7 heures du matin et nous sommes restés à côté d’elle jusqu’à son départ pour Hammamet, le site d’accueil des équipes. Nous sommes présents à tous les matches de l’équipe nationale.
Nous tenons aussi à les encourager à chaque occasion. C’est la vitrine et l’image du pays. Je suis parti les accueillir parce qu’ils sont là pour le Mali et pour tous les Maliens. C’est parce que c’est la délégation nationale et nous comptons sur eux pour hisser haut le drapeau du Mali. C’est ce message que nous tenons constamment à faire passer.
L’Express de Bamako : Comment avez-vous vécu les premières rencontres du Mali ?
SEM. Siragata Traoré : En tant que fan du sport surtout du basketball et du football, lors du premier match du Mali, j’ai été fortement secoué. Quand vous êtes assez émotif devant des jeunes gens qui se battent avec tant d’énergie et qui n’arrivent pas à s’imposer à la fin, ça fait un peu mal. J’ai pris le coup et je suis parti ce jour du terrain, pas malade, mais j’ai eu un coup dur. Mais c’est le sport, le meilleur a gagné. Nous espérons que l’équipe nationale du Mali va relever le nez et rehausser haut le drapeau du Mali.
L’Express de Bamako : Votre dernier mot pour mettre fin à cet entretien?
SEM. Siragata Traoré : Le Mali est un grand pays, d’une grande civilisation qui a des valeurs de solidarité, de fraternité que nous devons à tout prix défendre. Je n’ai pas hésité un seul instant à être aux côtés de cette délégation. Ce n’est pas eux mais tout le Mali. Si tout le monde voyait dans cette direction, et que les actes que nous posons étaient pour le Mali, on ne se trompera pas d’adversaire. Le Mali c’est notre ambition et c’est notre bien commun que nous devons sauvegarder et préserver. C’est en cela que j’invite tous les Maliens. Nous avons suffisamment de ressort et de capacité. J’ose espérer que nous saurons transcender toutes ces difficultés que nous traversons et qu’on arrivera à bon port. De toutes les façons, restons souder autour de l’idéal qui est le Mali.
Propos recueillis par M. Kondo avec Les Echos