«L’heure est grave». C’est le titre de la nouvelle chanson de Master Soumy. Unique en son genre, l’enfant de Sokorodji nous décortique dans ce single, en sa manière, les dernières informations et faits marquants de notre pays.
Après quelques notes d’instruments le morceau commence par «l’heure est grave». Au début même du premier refrain de la chanson, «Galedou, système avocat de la rue, quand le mensonge prend le dessus sur la vérité». L’heure est grave, selon le chanteur, car un pouvoir légitime ne doit pas se mettre à pleurnicher. Ce n’est pas une bonne chose pour un Etat. Encore moins ces paroles de sa chanson : «Bien avant la fin de son mandat, on dit que le président de la République est mort. Allahou Akbar ! Un pays confronté aux difficultés, si on doit tuer son président avec nos bouches, nos ennemis auront raison de nos. Nous serons à la merci du monde et les Maliens deviendront des orphelins».
D’après l’artiste, avant la signature de l’accord, on se demandait ce que nous allions signer : «est-ce le fédéralisme ou du copier-coller ?» Et pourtant, tout le monde a applaudi le discours du 15 mai 2015 prononcé par le président de la République. Après «Bablen m’a chauffé. J’ai fait le contrôle Z. Ce n’est pas difficile pour le Malien. Je ne fais pas de bras de fer parce que le Malien veut d’une chose et de son contraire à la minute. Dans nos familles, on ne sait plus qui est le chef ; tous les enfants sont devenus des vieux. On se demande qui est le plus âgé».
Master Soumy se veut de conseils pour les jeunes. Auxquels il demande de ne plus attendre la promesse des 200 mille emplois : ils feraient mieux d’aller tenter leur chance dans les zones aurifères du pays. «Des jeunes ont péri dans la mer, c’est une surprise pour toi ! Mais pas pour eux, parce que ceux qui doivent les protéger contre ces aventures sont les mêmes qui les poussent à prendre les routes de l’immigration. Dans tout cela, on demande aux militaires de se battre : ils sont en train de se battre avec des bonnets du Barça sur leur tête». Ce qui le pousse à s’interroger sur la destination des milliards de FCFA débloqués pour l’achat des équipements militaires. Il dit espérer que ce ne soient pas des diables qui ont empoché ces milliards. Au moment où l’armée se bat au front, déplore-t-il, des milliers de véhicules 4X4 sont garés à Bamako, ne servant qu’à transporter du charbon de bois pour les autorités.
Dans le même temps, croit savoir le jeune rappeur, les policiers sont sur le point d’emprunter les motos-taxis pour faire leurs patrouilles de nuit, faute de véhicule. Alors que l’insécurité est multiforme : physique, alimentaire, économique… Le tableau peint par Master Soumy fait aussi ressortir la corrélation directe entre l’obtention d’un emploi et la coloration politique (il faut surtout être du côté du pouvoir pour en avoir). Quid des logements sociaux ? C’est la croix et la bannière à cause de la magouille et de la corruption qui entourent cette affaire. Au final, les pauvres sont devenus des réfugiés.
Master Soumy suggère d’ailleurs qu’on change l’appellation de ces logements qui sont devenus logements pour «bras longs». Ce qui épargnerait toute peine aux pauvres, lesquels ne vont plus se fatiguer pour en avoir.
Pour Master Soumy, «quand des ministres ‘cas sociaux’ détournent des logements sociaux, après le nomadisme politique, c’est bien le partage du gâteau. République fragilisée, démocratie fracturée». Mais on est où ? Le pouvoir ne sait-il plus sur quel pied danser ? À ces interrogations, Master Soumy a des réponses : la nation trahie, populations indignées ; «on se sent humilié et indignement traité».
D’après son analyse, la campagne électorale ne semble pas encore terminée pour le président de la République qui dit ceci : «Je serai impitoyable…» pendant que «nous subissons un quotidien insoutenable». Et d’ajouter : «Allez-y au marché et allez voir les prix, il y a urgence. Le panier de la ménagère crie aux prix. Maliens meurtris voudraient qu’on tourne la page, mais la page restera collée tant qu’on s’en donne aux pillages».
L’enfant de Sokorodji croit dur comme que le vol orchestré et la corruption courante ont engendré la pauvreté et la misère galopante. Dans un tel contexte, selon lui, les membres du gouvernement ne devraient pas aller en congés. Pendant que les terroristes fêtent leur lune de miel à Nampala, et viennent même boire de l’eau fraîche devant l’auto-gare de Bamako. Alors, «tant pis pour les soldats maliens massacrés, tant pis pour les ménages dont les paniers sont troués ; tant pis pour les paysans qui utilisent de l’engrais frelaté ; tant pis pour les caisses de l’Etat dont l’hémorragie est annoncée» !
En somme, le single de Master Soumy fait une peinture complète de la situation actuelle de notre pays. Oui, pour lui, «l’heure est grave» quand «Amusement, pardon Minusma, demande tout le temps à l’armée malienne de sécuriser ses soldats alors que ceux-ci disposent de beaucoup d’armes pour sécuriser les rebelles à Kidal…».
Dans le même single, Master Soumy demande au président de la République de dire si les élections à venir vont se tenir ou non, car les rebelles ne cessent de faire des volte-face. Enfin, l’artiste demande aux Maliens d’ouvrir leurs yeux car l’heure grave. Et ce serait très grave en ce moment de fermer les yeux ou de dormir en oubliant le pays.
Ce single intitulé «L’heure est grave» sera bientôt disponibles sur les sites et les réseaux sociaux (gratis) et sur les platines des radios privées et publiques du Mali.
Kassim TRAORE