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Poliscopie Transports publics: Le Mali à l’ère de … la pierre taillée
Publié le lundi 31 aout 2015  |  Le 22 Septembre
Sotrama:
© aBamako.com par Momo
Sotrama: le transport urbain de Bamako, la capitale du Mali




Nous sommes mardi 18 août, sur la bande dite de 30 mètres de Garantiguibougou. Un sergent-chef de la Police nationale, devant le refus d’un chauffeur de Sotrama d’obtempérer à ses injonctions tente par la force de l’arrêter en prenant le contrôle du volant. Le véhicule fera une embardée, avant d’aller écraser des piétons et des motocyclistes.

L’un d’eux aura miraculeusement le temps de sauter de sa Jakarta, laquelle a été littéralement écrabouillée par la Sotrama folle. Bilan: au moins 1 mort et des blessés. En représailles à cet incident dramatique, les transporteurs urbains de Bamako et environs observèrent, le 20 août, une grève de 24 heures. Molesté par la foule, le policier au tempérament sanguin échappa de peu à la mort, grâce à l’intervention de ses collègues du 11ème Arrondissement, arrivés in extremis.

Il paiera certainement cher son indélicatesse, par des sanctions administratives. Car il avait d’autres moyens d’en imposer au chauffeur rebelle. Mais, si l’on veut tirer toute la moralité de l’histoire, force est de constater que ce sont les clients des Sotramas qui sont les vraies victimes des transports publics: victimes des policiers, mais surtout des chauffeurs et des apprentis.

Objectivement, ce sont eux qui devraient aller en grève contre les conditions infrahumaines dans lesquelles se font leurs déplacements. A commencer par le manque d’un minimum de confort. Ils sont la plupart du temps entassés comme des sardines, de 20 à 23 personnes, voire plus, dans des guimbardes dont certaines sont de véritables tombeaux roulants. Les sièges de certaines sont dans un état si piteux qu’il est tout simplement impossible de les décrire.

Beaucoup n’ont plus de barres de sécurité auxquelles s’accrocher en cas de secousses, pourtant nombreuses sur des routes cahoteuses. Cerise sur le gâteau, en guise de signal au chauffeur pour l’arrêter, les apprentis, dans un défoulement ahurissant, tapent du poing sur la carrosserie – souvent des deux poings ensemble -faisant un bruit assourdissant. A croire qu’ils s’exercent à devenir de futurs Mike Tyson.

En vérité, les apprentis et leurs patrons n’ont d’yeux que pour l’argent des passagers qu’ils tancent vertement à la moindre occasion. Il n’est pas rare de voir des apprentis houspiller les clients, leur intimant l’ordre de quitter leurs véhicules en 4ème vitesse. Ils font penser à des négriers s’adressant à leurs esclaves ou à des garde-chiourmes rabrouant leurs prisonniers.

Pourtant, sans l’argent des passagers, il n’y aurait ni bakchichs pour les policiers, ni recettes pour le transporteur, ni salaire pour le chauffeur, encore moins pour l’apprenti. L’argent-roi, pour lequel les Sotramas se livrent une concurrence rude, sous la forme de véritables safaris, au péril de la vie de leurs clients et au nez et à la barde des policiers censés faire respecter les règles de la circulation.

Aucun Etat digne de ce nom ne doit accepter ces déviances. Et le ministre en charge des Transports publics, dans tout ça? Il est dans son 4X4 V8, à mille lieues des passagers, ces économiquement faibles qui constituent pourtant une couche très importante de la société malienne.

Les responsables des mouvements consuméristes, qui ont pour mission de défendre les droits des consommateurs, à l’image de l’Ascoma? Ils ne se risquent jamais dans l’univers des Sotramas, de peur d’attraper Ebola. D’ailleurs, en auraient-ils le temps, occupés qu’ils sont à sauter d’un séminaire à l’autre?

Et les policiers? Ils n’y trouvent guère à redire, à condition que les chauffeurs donnent le billet réglementaire de 500 ou 1000 FCFA. Tableau caricatural? Les quelques agents intègres, qu’il faut féliciter, constituent juste l’exception confirmant la règle.

Les Maliens devraient s’inspirer du Sénégal, qui a entrepris de moderniser son secteur du transport en commun par un vaste programme de renouvellement du parc de véhicules, «le Plan de déplacement urbain de Dakar (Pdud)», avec des minibus de marque Tata ou Sung Long, en rangeant leurs antiques «cars rapides» au musée.

Au lieu de cela, nous, nous préférons rester à l’ère de la pierre taillée…

Yaya Sidibé
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