Les révélations sur l’entrée de produits toxiques sur le marché malien se suivent, malgré les critiques et l’existence de services de contrôle. Après des produits pharmaceutiques périmés ou non conformes aux normes, l’engrais frelaté, les volailles douteuses, malgré les mesures d’interdiction, il a été signalé dans la presse la présence d’essence frelatée dans notre pays. Face à une réponse timide, voire nulle de nos autorités, ces pratiques qui obéissent le plus souvent à des intérêts individuels continuent d’intoxiquer à petit feu la population, tout en contribuant à détériorer l’économie locale.
S’il y a eu récemment de l’essence frelatée au Mali après le scandale de l’engrais hors norme, c’est bien parce que quelqu’un n’a pas fait son travail. Et selon un responsable du ministère en charge du Commerce souhaitant garder l’anonymat, un échantillon de chaque produit importé est soumis en principe à un contrôle de conformité par des services spécialisés avant même que l’importateur reçoive l’autorisation de faire entrer son produit sur le territoire malien.
C’est sur la base de cette autorisation que l’opérateur économique peut faire sa commande, mais elle ne suffit pas à garantir la sécurité sanitaire de la population. Au niveau des postes douaniers, les produits doivent être soumis à des contrôles inopinés pour déterminer leur conformité aux normes sanitaires du pays d’accueil. «Les douaniers doivent aider les services de contrôle à faire ce test, mais ils refusent en disant qu’ils ont une exigence de rentabilité économique», indique l’agent du ministère en charge du Commerce.
Les services de contrôle sont censés être suffisamment indépendants et constituent des filtres garantissant la sécurité sanitaire. Hélas, ils ont dû ne pas fonctionner correctement pour qu’un domaine si sensible de l’économie comme celui de l’agriculture soit affecté par des produits toxiques. L’engrais frelaté qui a été le premier scandale défrayant les chroniques n’allait pas être distribué aux paysans maliens si les structures de contrôle avaient bien fonctionné.
Toutefois, les services de douane et les structures de contrôle ne sont pas seulement en cause dans le disfonctionnement des contrôles. La volonté politique est surtout le principal blocage, comme ce fut le cas de l’engrais hors norme. Des investigations ont révélé que l’attention des autorités maliennes avait été attirée sur la mauvaise qualité de cet engrais par de tierces personnes, et que rien n’avait été entrepris pour rectifier le tir.
Autre preuve de l’exposition du Mali à des produits nocifs, c’est la présence de l’essence frelatée qui aurait causé des dommages sérieux chez des propriétaires de véhicules. Outre le carburant, les produits pharmaceutiques aussi représentent une grande source d’insécurité sanitaire pour la population malienne. Une étude indique que sur 218 échantillons de médicaments prélevés pour test (des antibiotiques, des antipaludiques et des antitussifs destinés aux enfants), environ 12 % n’étaient pas conformes.
La fin de tels problèmes, affirme Sekou Ombotimbé, consultant, viendra de l’éveil des consommateurs maliens. «Il faut des consommateurs exigeants pour secouer les gouvernants », a-t-il dit. En attendant ce réveil, le pays reste ouvert à toute sorte de produits toxiques à cause du laxisme des autorités qui auraient dû montrer les muscles depuis les dernières révélations sur les produits hors normes.
Soumaila T. Diarra