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Divorce : le phénomène se banalise
Publié le mardi 1 septembre 2015  |  L’Essor
Célébration
© aBamako.com par Momo
Célébration du mariage de Mr Boulan Barro et Fada Dramé
Bamako le 26 avril 2015 la cérémonie de célébration du mariage de Mr Boulan Barro et Fada Dramé a eu lieu a la mairie de Badalabougou




Le divorce est devenu un fait presque banal dans notre société et ses causes sont nombreuses. Du côté des femmes, on cite généralement les violences conjugales, l’infidélité de l’homme, le défaut d’entretien, le manque d’engagement substantiel, le traitement inégal dans le mariage polygamique, les manquements au devoir conjugal. Les hommes, eux, évoquent le plus souvent l’infidélité, l’indocilité, le manque de respect.

La notion de divorce dépend de la conception qu’une société se fait du mariage. Dans le passé, la conception communautaire prévalait chez nous avec un accent mis sur les valeurs collectives, la stabilité et la permanence de la société. A cette époque, le mariage se présentait comme une institution qui n’engageait pas que la volonté individuelle mais était l’affaire de toute une communauté.

Le « Projet de recherche sur la rupture du lien matrimonial en Afrique de l’Ouest : étude sur le Mali » est un document de l’Observatoire des droits humains et de la paix (ODHP). Ce texte relève que dans le district de Bamako, 890 jugements de divorce ont été prononcés de 2006 à 2011. Sur cette période, le nombre de divorces va en augmentant de 112 jugements en 2006 à 158 jugements en 2011.

Aguissa Ag Mohamed Dicko, avocat et chercheur à l’ODHP, note que la rupture du lien conjugal se banalise un peu plus chaque jour dans notre société. A l’appui de ce constat, il avance des statistiques de 35 divorces par semaine et 1080 divorces par an en 2014.

A ce propos, plusieurs systèmes normatifs coexistent au Mali en matière de dissolution de l’union conjugale. Le divorce judiciaire côtoie ainsi le divorce religieux et le divorce coutumier. Comme son nom l’indique, le divorce judiciaire est prononcé par un juge du tribunal. Le divorce religieux est, on le comprend, une affaire de religion.

Dans l’islam, la sourate 65 traite en son verset 12 de la répudiation. Chez les catholiques, le mariage à l’église n’est pas un simple contrat juridique, il crée un lien sacré entre les époux pour toute la vie. « Ceux que Dieu a unis, l’homme ne doit pas les séparer», dit l’Évangile. Les liens du mariage ne peuvent être rompus mais l’église accepte, malgré tout, qu’un couple marié religieusement soit amené à se séparer ou même divorcer. Le fait de vivre séparément n’est plus un pêché ni un motif d’exclusion.

L’église protestante n’accepte le divorce que si toutes les tentatives de conciliation échouent. Mais les couples divorcés ne sont pas abandonnés car l’église protestante accepte la possibilité de bénir une nouvelle union. Ces divorcés peuvent se remarier religieusement si seulement ils demandent une autorisation à la commission synodale compétente qui examinera leurs dossiers. Cette autorisation ne leur sera accordée que si la réponse de l’examen est positive. Dans le cas contraire, la seconde bénédiction n’aura pas lieu.

ACTE DESHONORANT. On en vient au divorce coutumier. Il faut rappeler que la plupart des unions en milieu rural ne sont pas célébrés devant un officier d’état-civil, mais dans un vestibule avec une réunion des notables qui fait office de mairie. La communauté ayant ainsi entériné le mariage, il est facile de comprendre que le divorce traditionnel soit source de tensions sociales lorsque le mariage cesse, soit par la volonté des époux, soit par la mort de l’un des conjoints.

Le vieux Souleymane Niaré fait partie de la chefferie des Niaré de Bamako. Selon lui, le divorce était rare chez nous auparavant, car étant perçu comme un acte déshonorant. C’est pourquoi beaucoup d’anciens n’acceptaient pas d’assister aux discussions de divorce qui se tenaient à l’extérieur du village. Cette tradition serait toujours maintenue dans certaines localités, notamment dans la région de Ségou.

En milieu traditionnel, le divorce est donc perçu comme un acte grave. Autrefois, les divorcés faisaient la honte de leurs familles et pouvaient, dans certains cas, être rejetés par leur clan. Dans certaines ethnies, l’arbre sous lequel le divorce était prononcé mourrait quelques années plus tard, assure Souleymane Niaré.

Un autre Ancien, Madou Touré, le chef coutumier des Touré à Bagadadji, impute, lui, la banalisation du divorce dans notre société au manque d’éducation. « La jeune génération sous l’influence de l’Occident a oublié ses racines. Les femmes se disent émancipées et ne veulent plus se soumettre. La belle famille ne joue plus son rôle. Elle a oublié que le mariage est fait pour le meilleur et pour le pire.

Tout le monde, et surtout les femmes, veulent commencer par la fin, c’est-à-dire par le meilleur. Personne ne veut souffrir, ce qui est impossible car le mariage est une union sacrée basée sur des concessions de la part des deux conjoints », détaille-t-il.

MANQUE D’EDUCATION. Ami Danté est une femme de caste dont le métier est de s’occuper à la chambre nuptiale du jeune couple. « En cas de divorce, la femme est la coupable, car elle est l’oxygène du foyer. C’est à elle de maintenir la stabilité, l’harmonie, le bon fonctionnement au sein du foyer. Il y a beaucoup de divorces de nos jours parce que le mariage est bafoué, parce que nos enfants d’aujourd’hui manquent de base d’éducation et de savoir-vivre au sein d’un foyer qu’il soit polygamique ou monogamique », tranche-t-elle.

Malgré le nombre élevé de divorces dans notre pays, peu d’époux demandeurs connaissent réellement la procédure en la matière. Selon Aguissa Ag Mohamed Dicko, l’accès au divorce est en principe libre et il se présente sous différentes formes. Pour la procédure judiciaire, explique l’avocat, l’époux demandeur (ou l’épouse) présente une requête écrite au juge ou à défaut au chef à la circonscription administrative qui la transmet à la juridiction compétente.

Le jour, l’heure et le lieu d’un rendez-vous sont indiqués par le juge qui tentera une conciliation. La tentative de conciliation peut être suspendue et reprise sans formalité. Il peut être accordé aux époux un temps de réflexion qui ne peut excéder six mois. En cas d’échec, le juge autorise les époux à aller devant le tribunal. La demande de divorce est, en tout état de cause, convertible en demande de séparation de corps.

Cette conversion peut avoir lieu, même devant la Cour d’appel.
Parmi les difficultés d’ordre juridique ou judiciaire, figure en première ligne la méconnaissance des droits et textes applicables en procédure de divorce. Le déficit d’information est patent sur les procédures du divorce. Ainsi, la plupart des candidates au divorce méconnaissent totalement la procédure, les droits et les obligations qui en découlent.

Les Maliennes sont souvent victimes aussi d’un handicap économique et financier. Moins instruites, elles sont moins à même d’avoir un travail bien rémunéré que les hommes. Ce décalage financier freine les femmes dans leurs velléités de divorce car la procédure peut se révéler lente et coûteuse. Les candidates au divorce peinent alors à tenir jusqu’au terme de la procédure et nombre d’entre elles, à bout de ressources, abandonnent.

N’oublions pas, enfin, que le divorce est une redoutable épreuve psychologie pour les femmes qui doivent affronter le regard de la société. Le mariage étant considéré comme une institution sacrée, une affaire de famille, si le divorce est accordé à la femme au même titre qu’à l’homme par la législation malienne, sa jouissance est une autre paire de manches.

Aujourd’hui, des associations et ONG aident les femmes à défendre leurs droits en cas de demande de divorce. Pourrait-on imaginer des structures travaillant en amont pour rattraper nombre de ruptures évitables ? Ces mécanismes qui existaient dans les sociétés traditionnelles ont perdu de leur présence et de leur efficacité dans nos grandes villes. La demande étant forte, une offre surviendra tôt ou tard, la société étant un organisme caractérisé par une grande faculté d’adaptation.

Aïssetou T. SAMAKE

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L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

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