Le Programme National de Sauvegarde du Fleuve Niger (PNSFN) est à la fois un bréviaire et un outil de promotion qui ambitionne de faire ressusciter cet instrument d'intégration qui offre aux populations riveraines leur moyen de subsistance en termes de productions agricole, industrielle, de commerce et de navigation.
Le terme "Namassadangan" qui veut dire en français : "le quai pour la banane", ne dit probablement rien dire pour la jeune génération de Bamako. Par contre, pour les ainés, il soulève de vieux souvenirs. A l'époque, les eaux qu'on pouvait regarder à perte de vue dans les deux sens et des deux côtés de la rive, y étaient d'une blancheur incomparable. Les deux rives étaient bordées de vert, constitués de grands arbres et arbustes touffus qui constituaient des barrages naturels pour les tas d'immondices entraînés par les eaux de ruissellement, empêchant toute pollution de l'eau. Le cours du fleuve était totalement dégagé d'îlots (artificiels) et de plantes nuisibles, comme c'est le cas actuellement. Ce qui le rendait navigable pendant de long mois de l'année. Comme dans les villes de l'intérieur desservies par le Kankou Moussa et le Général Soumaré, Bamako aussi vibrait au rythme du bateau reliant Bamako à Kankan. Son départ comme son arrivée étaient des évènements attendus aussi bien des commerçants et des voyageurs occasionnels (missionnaires, vacanciers, etc).
Le « namassadangan » rappelle donc les belles pages de cette époque très riche d'histoire, que les artistes chantaient. Bamako, blottie sous les feuillages des grands baobabs et des géants caïcedrats, était relié à Kankan en Guinée Conakry ainsi qu’aux villes et villages, situées en amont, par ce navire de transport de biens et de personnes. Il accostait dans la bande qui sépare la brigade fluviale au Canoe club de Bamako. Un marché très animé regroupant commerçants guinéens et maliens s'y était érigé. Au même endroit s'était établie la place des véhicules de transport en commun. Les bâchées appelé "duruni". C'était le point de ralliement des quartiers des deux rives de la capitale. Le cri des chauves-souris servait d'orchestre sonore pour agrémenter le marché.
C'est dire que pour partir de Bamako à Conakry, il n'y avait que deux chois possibles : le bateau pour rallier Kankan, où emprunter soit un véhicule de transports en commun ou le train. Ou encore l’avion (Air Guinée ou Air Mali). A cette époque, la communication par la route n'était pas encore développée comme c'est le cas actuellement. Le fleuve Niger, comme son nom mandingue "Djoliba" l'indique, jouait toutes ses fonctions de cordon ombilical entre les peuples riverains du fleuve. A l'instar des autres cours d'eau, le Djoliba a été le premier instrument d'intégration des peuples en Afrique de l'Ouest. A ce titre, il facilitait les échanges commerciaux et offraient aux millions de riverains de la nourriture. Le poisson pour les pêcheurs, de l'eau pour les exploitants agricoles et les éleveurs. Dans la zone inondée qui va de Macina dans la 4ème région au gourma dans la boucle du Niger, en 6 et 7èmes régions, les chaines de lacs intérieurs qu'il remplissait offraient aux populations des opportunités économiques incommensurables. L'agriculture, notamment la culture du riz et du blé, la pêche et l'élevage y étaient particulièrement développées. Parallèlement à ces occupations existentielles, s'est développé une gamme variée d'activités artisanales, notamment la poterie, la tannerie et la confection de types de vêtements adaptés au milieu, et le négoce.
Mais, avec les années de sécheresse, les lacs se sont asséchés. La riche flore s'est également dégradée et la riche faune qui y vivait s'est émigrée sous des cieux meilleurs. Les hommes aussi ont suivi le mouvement. Dès lors, la riche culture agraire qui s'y était développé s'est étiolée. Est-il possible de ressusciter cette belle page de notre histoire ? Pas évident. Mais, les autorités actuelles veulent y croire. Pendant de longs mois après son investiture, il ne ratait pas d'occasion pour plaider en faveur d'une rédemption du Niger au bonheur des millions d'usagers. La plaidoirie n'était pas que verbale, elle reposait sur une vision, de laquelle découle le Programme national de sauvegarde du fleuve Niger (PNSFN). Un bréviaire pour l'Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN), en charge de la gestion du fleuve (cf article). Il matérialise la volonté politique du Président IBK, convaincu qu'il est possible de redonner vie au Djoliba, qui est une artère vitale pour notre pays en circonscrivant les menaces qui pèsent sur lui. Le PNSFN vise alors à contribuer à la réalisation et à la capitalisation de toutes les actions concourant à maintenir le fleuve Niger dans ses fonctions économique, environnementale, sociale et et la mobilité à travers : l'amélioration de sa navigabilité, l'aménagement de ses bassins versants, la protection de ses berges contre les dégradations, la dépollution des lits de ses affluents et de son cours d'eau principal, la récupération et l'aménagement des berges au niveau des grandes agglomérations.
Le PNSFN sert également de cadre de coordination approprié permettant à l'ensemble des acteurs impliqués dans la gestion des ressources du bassin du fleuve Niger de compiler, de traiter et de diffuser les informations relatives à sa sauvegarde et à sa réhabilitation. La mise en œuvre du programme offre d'énormes avantages que sont : l'amélioration des conditions hydrauliques avec des externalités favorables au secteur du développement rural, la restauration des écosystèmes, la maîtrise des indicateurs de sauvegarde: linéaire de protection/aménagement des berges, volume de matières polluantes extraits, superficie restaurée, etc., la création d'emplois temporaires et permanents et enfin le renforcement du partenariat.
Le chronogramme d'exécution du PNSFN s'effectuera en deux phases : une première période qui va de 2014 à 2018 et une seconde phase de 2019 à 2025. Le coût total de PNSFN est estimé à 1 501 227 600 000 FCFA, repartis comme suit : 237 869 000 000Fcfa destinés au financement de 13 projets en cours d'exécution, 254 354 600 000 FCFA destinés à financer 6 projets partiellement financés, 998 004 000 000 FCFA pour le financement de 24 projets en recherche de financement enfin 11 milliards de FCFA pour la coordination dudit programme et les interventions en zones diffuses.
L'élaboration de cet ambitieux programme découle d'un constat. Celui de la dégradation continue de cet abreuvoir pour des millions des personnes et d'animaux et d'espèces végétales et halieutiques. Ce cours d'eau millénaire, sert de cordon ombilical entre les divers peuples qui jalonnent son parcours, long de 4 200 km. Parmi les nombreux maux dont souffre le Niger, on peut retenir deux contraintes majeures. Le premier paquet de problème comprend : l'érosion hydrique et l'ensablement. Les facteurs conjugués constituent de véritables menaces qui pèsent sur son écoulement normal, le maintien des équilibres biologiques, les écosystèmes naturels, les habitats et l'ensemble de la vie socioéconomique. Le deuxième paquet est composé de problèmes de variabilité des ressources en eau dans son bassin surtout après Mopti où les apports deviennent quasi insignifiants à cause du faible niveau des précipitations.
M. A. Diakité