L’Espace d’interpellation démocratique a vécu sa 17è édition le 10 décembre 2012 au CICB sous le signe du renouveau. C’était sous la présidence du ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Tiéna Coulibaly, représentant le Premier ministre. Le président du jury d’honneur était un ancien ministre Sérigne Diop. L’ouverture de la session était placée sous la présidence du Médiateur de la République, Diango Sissoko.
Alpha Oumar Konaré
Cette édition organisée par les services du Médiateur de la République a démontré que les citoyens continuent de placer leur espoir en cet exercice qui, plus que jamais constitue un recours pour les usagers des services publics.
Visiblement, l’Espace d’interpellation démocratique reste une source d’espoir pour nombre de citoyens. C’est dans cette optique que le médiateur de la République, dans son discours d’ouverture, a mis l’accent sur la nécessité d’améliorer notre façon de servir. « Je voudrais souhaiter que notre Administration n’oublie jamais que notre système de fonction publique est défini et bâti autour de trois valeurs fondamentales qui sont la probité, l’impartialité et l’efficacité », a indiqué Diango Cissoko qui souligne que « l’inobservation de l’une de ces valeurs peut engendrer des injustices préjudiciables à la paix sociale ».
Il faut préciser que l’édition 2012 a été marquée par la situation du nord du pays. Diango Sissoko et plusieurs organisations de la société civile ont dénoncé les exactions et les pillages en tous genres dans les zones occupées. L’application inconsidérée de la charia pour les groupes islamistes, les viols et les violences faites aux femmes, l’enrôlement des enfants soldats, la destruction des biens publics et privés ainsi que des mausolées, les lapidations et mutilations ont été stigmatisés dans les déclarations des organisations de la société civile. Beaucoup d’entre elles se sont interrogées sur le sort des recommandations formulées à l’issue de l’EID. La lutte contre l’impunité doit être menée avec fermeté, estiment de nombreux intervenants de la société civile.
Le président du jury d’honneur, le professeur Sérigne Diop du Sénégal, a pour sa part salué l’originalité de l’EID en rappelant que l’adoption de la charte en Angleterre au XIIIè siècle est intervenue quasiment au même moment que la charte du Mandé sous la direction de Soundjata Keïta. De son point de vue, l’EID est un exemple pertinent de volonté de bonne gouvernance. L’ancien ministre sénégalais a marqué sa solidarité et celle de tous les Sénégalais, et par-delà, celle de tous les Africains, avec ce que vit notre pays. L’Afrique de l’ouest est interpellée face à la situation du Mali. « Nous sommes tous responsables de tout ce qui concerne le Mali ». Toutefois, le président du jury d’honneur estime que la responsabilité de la classe politique et des élites maliennes est essentielle. Il invite donc les acteurs maliens à se mettre d’accord sur l’essentiel dans un sursaut patriotique et une mobilisation des énergies.
L’EID : il fallait y penser
Au Mali, le processus de démocratisation entamé en 1991 a ouvert de nouvelles perspectives en matière de gouvernance. Ce qui imposait aux nouvelles autorités de développer des initiatives dans le sens des changements souhaités par le peuple. Il s’agissait en particulier de trouver des alternatives permettant d’établir de nouvelles relations entre l’Etat et les citoyens, notamment par le renforcement du dialogue entre gouvernants et gouvernés.
C’est dans ce contexte qu’a été créé le 10 décembre 1994 l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID), à l’initiative du Président de la République de l’époque, comme élément d’une nouvelle stratégie de communication permettant aux citoyens de s’adresser directement aux autorités qui ont l’obligation de leur fournir des réponses concernant tous les aspects de la vie politique, économique et sociale: les violations de droits, la corruption, la non application des décisions de justice, la lenteur dans le traitement des dossiers au niveau des services administratifs, le non respect des dates annoncées pour le démarrage de certains projets ou programmes de développement, le manque d’autorité de l’Etat dans la gestion de certaines affaires d’envergure nationale, le traitement des conflits liés à la gestion des domaines fonciers, la liste n’est pas exhaustive.
La première édition a eu lieu le 10 Décembre 1994 à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Les principales interpellations et contributions à cette 1ère édition ont d’ailleurs principalement été le fait d’organisations, d’associations et de collectifs œuvrant pour la promotion et la protection des droits de l’homme en général, plus spécifiquement des droits des femmes et des enfants et pour la défense des libertés publiques et droits fondamentaux. Le succès des deux premières éditions et l’engouement suscité auprès du public ont conduit le gouvernement à instituer officiellement l’événement en lui fixant des objectifs plus précis à travers le Décret N° 96-159/PRM du 31 Mai 1996, complété plus tard par un règlement intérieur.
Les objectifs de l’EID
L’Espace d’Interpellation Démocratique est un forum annuel qui a pour objet « d’informer les opinions publiques nationale et internationale sur l’état des droits de l’Homme en République du Mali, de contribuer de manière active et pédagogique à la réalisation d’une culture démocratique nationale » et d’impulser de façon significative la politique de promotion et de protection des droits et libertés des citoyens. L’EID s’adresse à l’ensemble des populations maliennes à travers une forte médiatisation. Il faut souligner que la télévision assure la retransmission en direct de la session relayée par les radios et la presse écrite. L’EID a une devise « Démocratie-Justice-Développement » et un hymne dont un extrait est chanté à l’ouverture, traduit dans les principales langues (les plus parlées) du Mali : « il faut que devant la justice, tous les fils du pays soient égaux. Que tu sois premier dirigeant ou que tu sois tout puissant socialement ou financièrement, le droit doit être dit pour fixer qui a raison et qui a tort. La démocratie est source de bonheur, parce que garante des droits de l’homme ». L’EID vise essentiellement à :
Mettre en place un espace d’expression des attentes des citoyens et d’examen de leurs griefs contre la gestion des affaires publiques par les gouvernants.
Renforcer de façon pédagogique l’ancrage de la culture démocratique et de l’Etat de droit par l’instauration d’une nouvelle forme de dialogue entre les gouvernants et les gouvernés, et cultiver davantage la transparence dans la gestion des affaires de la cité.
Montrer à la communauté internationale l’engagement et la détermination des autorités gouvernementales à respecter et à promouvoir les droits de l’Homme.
Informer l’opinion publique nationale sur l’état des droits de l’Homme au Mali
Impulser de façon significative la politique de promotion et de protection des droits de l’Homme et libertés des citoyens.