Le refus des combattants et des chefs militaires du Groupe d’autodéfense des Touareg Imghad et alliés de déguerpir de la zone d’Anéfis, à une centaine de kilomètres au sud de la ville de Kidal, malgré les assurances données au chef de l’Etat par leurs responsables politiques, est un coup dur pour Ibrahim Boubacar Kéita, qui pensait avoir engagé son pays sur le chemin de la paix et de la réconciliation. De ce refus, la Coordination des mouvements de l’Azawad s’est saisie pour se retirer du processus de paix en conditionnant sa participation aux travaux du Comité de suivi de l’Accord de paix. Un document que les responsables des mouvements rebelles terroristes ont signé le 20 juin contre la volonté de leurs bases qu’ils veulent maintenant satisfaire. De ce refus, la Minusma et la communauté internationale en ont fait un prétexte pour faire pression sur le chef de l’Etat qui, elles le savent bien, n’a aucune autorité sur la Plateforme des mouvements républicains.
Trompé et abusé
Aujourd’hui, au moment de boucler ses deux années à la tête du pays, et à quelques semaines de la fête de l’indépendance nationale, le président Kéita, se sentant trompé et abusé, est désemparé, ne sachant plus à quel saint se vouer, ni sur qui compter. Le fait est qu’IBK est seul, tout seul. Il est certes parvenu à avoir la signature d’un accord de paix, mais les signataires n’étaient pas les bons, ni du côté de la CMA ni de celui de la Plateforme. De part et d’autre, l’accord a été signé dans une désapprobation générale à la base. Cela aurait pu être corrigé si les responsables de la Plateforme et de la CMA étaient descendus à la base pour expliquer aux populations, aux combattants et aux chefs militaires le contenu de l’Accord, ce que chacun a dû concéder, ce que chacun escompte, jusqu’où chacun il y a eu compromis, pour qu’il y ait une lueur d’espoir. Au lieu de cela, les uns ont repris la route de l’extérieur où ils se sont exilés, les autres sont restés à Bamako pour y mener la belle vie. Seuls sur le terrain et sans informations, les groupes armés ont dû faire ce qu’ils connaissent le mieux : s’affronter militairement, souvent pour un rien, pour savoir qui est le plus fort. Le moindre prétexte est bon pour se massacrer, a fortiori le contrôle de zones aussi stratégiques qu’Anéfis, Tabankort et Ménaka, véritables hauts lieux pour les réseaux de trafics en tous genres, trafics grâce auxquels les groupes s’approvisionnent en armes, munitions et moyens logistiques.
Mais ce travail d’explication de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, d’autres auraient pu le faire mais ne l’ont pas fait. Il s’agit des responsables des partis politiques. Depuis plusieurs années, le budget national se saigne pour allouer aux partis politiques une aide qui leur permettrait de mieux informer et éduquer leurs militants. La plupart d’entre eux se réclament aujourd’hui de la mouvance présidentielle. Donc, leurs responsables sont censés être des amis du président. Pourtant, on les a peu vus sur le terrain expliquant à leurs militants le contenu de l’Accord.
Guerre des clans
En revanche, ils se sont lancés dans l’entreprise de renouveler les instances de leurs partis respectifs en vue des élections communales et régionales prévues pour le 25 octobre. Les uns rêvent de garder leur suprématie en termes de conseillers locaux, les autres ambitionnent de se développer grâce aux dividendes de leur liaison avec le parti présidentiel. Au sein même du RPM, des clans se sont formés autour de deux responsables du parti qui veulent prendre chacun le contrôle du parti pour bien se positionner à la présidentielle de 2018, comme s’ils espéraient qu’IBK se limiterait à un seul mandat.
Quant à l’opposition, elle ne va sûrement pas sortir du rôle qu’elle s’est assignée : mettre des bâtons dans les roues du président chaque fois qu’elle peut. Même si elle ne fait que critiquer et dénoncer sans rien proposer pour aider le chef de l’Etat, elle dérange le pouvoir. A Sikasso où il a rencontré la mouvance présidentielle, IBK a reconnu que la voix de l’opposition porte beaucoup plus loin que la leur.
Une manière d’avouer sa solitude et son esseulement.
Apparemment, la situation n’est pas près de s’arranger. Mais est-ce que cela n’arrange pas les uns et les autres ?
Cheick TANDINA