Si la visite du président Malien à son homologue Bouteflika a été un succès au regard du communiqué conjoint issu de la rencontre, il serait cependant trop tôt de se réjouir au regard du malaise déjà perceptible à Rabat et dont l’influence sur une partie des groupes de la CMA n’est certainement plus à démontrer.
C’est sans conteste la situation à Anéfis qui a nécessité la visite, à pas de course, du président Ibrahim Boubacar chez le médiateur algérien. Occasion pour les deux chefs d’Etat d’aborder des questions aussi sensibles que délicates touchant leurs deux pays, mais également la sous-région et surtout celle relative au Sahara Occidental, un sujet qui fâche à Rabat. Le point 21 du communiqué conjoint stipule en effet ceci: «Abordant la question du Sahara occidental, les deux Chefs d’État ont réaffirmé leur soutien aux efforts du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, et son envoyé spécial, M. Christopher ROSS, visant à trouver une solution politique mutuellement acceptable qui pourvoit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies» (lire communiqué conjoint).
De quoi frustrer sa Majesté Mohamed VI farouchement opposé à l’Algérie sur la question et sur bien d’autres encore et tout aussi déterminé à avoir Bamako à ses côtés dans son singulier combat. Raison pour laquelle justement, le Roi n’a pas tari d’initiatives en vue de capter l’attention des autorités maliennes en effectuant deux visites successives dans la capitale, à la faveur de l’investiture d’IBK en septembre 2013 et en Février 2014.
Et à l’occasion de son séjour de cinq (05) jours dans la capitale malienne, le Souverain chérifien, accompagné d’une importante délégation d’hommes d’affaire et opérateurs économiques de son pays, a promis d’énormes investissements à hauteur de 3 milliards d’Euros (un peu moins de 20 milliards F CFA) et de nombreux projets socioéconomiques.
Ces engagements ont même connu un début d’exécution à travers l’hôpital de campagne offert par Sa Majesté et installé trois mois durant à Bamako et ayant effectué près de 60 000 consultations gratuites (septembre 2013), la formation d’Imams maliens au Maroc, etc.
Les gestes de séduction du Chérifien trouveront un écho favorable avec deux visites successives d’IBK au Maroc et l’ouverture du marché malien aux investisseurs marocains. Les deux pays signeront en outre 17 traités bilatéraux dans différents domaines de coopération (lire encadré). Mieux, le Mali décida d’impliquer le Royaume dans la gestion de sa crise. C’était le grand amour entre Bamako et Rabat au grand dam d’Alger qui, on s’en doute, n’a pas apprécié ce qu’elle a qualifié «d’ingérence Marocaine» dans les affaires entre pays voisins.
En tout état de cause, à travers l’agressivité de sa diplomatie, le Souverain Chérifien était parvenu à se positionner comme le médiateur naturel de la crise malienne. Pour la petite histoire, le Ministre des Affaires et même le Roi Mohamed VI reçurent plusieurs fois la visite des cadres de la CMA.
«Le Maroc veut torpiller l'Accord de paix d'Alger»
Selon un article publié dans «le Quotidien d’Oran » et reflétant parfaitement le point de vue du gouvernement algérien, «Le Maroc veut torpiller l'Accord de paix d'Alger ».
Le journal poursuit : «Le jeu trouble des autorités marocaines dans la persistance de la crise politique, au nord du Mali, qui mobilise les efforts de la Communauté internationale, vient d'être, une nouvelle fois, officiellement, confirmé par un communiqué inquiétant du ministère marocain des Affaires étrangères… Dans un communiqué, foncièrement, hostile aux efforts de l'Algérie, dans le cadre de la médiation, de rapprocher les points de vue entre parties maliennes, Rabat « note avec une grande déception le recul préoccupant que connaît le processus de paix au nord du Mali ». « (...) après une dynamique prometteuse, sous la houlette de la CEDEAO, le dossier malien est, désormais, traité de manière opportuniste, par des parties, directement intéressées, et loin de son contexte légal et régional, prôné par les Nations unies », affirme le ministère marocain des Affaires étrangères, notant que « la solution à la crise du nord du Mali ne saurait être imposée ». Pour le Maroc, « cette solution ne peut pas être obtenue, à coups de menaces, de manœuvres d'intimidation ou de chantage, surtout de la part de parties qui n'ont aucune légitimité pour le faire et qui ont, toujours, agi pour la déstabilisation de la région ». Plus belliqueux, encore, à l'égard de l'Algérie, le Maroc croit, par ailleurs, bon d'ajouter que « le Mali ne peut continuer à être traité comme une arrière-cour privée ou un terrain d'expérimentation… Le déplacement du président malien à Alger où il a effectué une visite d'Etat de trois jours semble, d'autre part, avoir irrité à Rabat où l'essentiel de l'activité diplomatique, loin d'aider à la résolution des conflits régionaux, est de torpiller tous les efforts de l'Algérie et de la Communauté internationale, pour ramener la paix et la sécurité. Autant au Mali qu'en Libye, deux pays n'ayant aucune frontière avec le Maroc.».
Vraies ou fausses allégations ? Pour sa part, le Maroc, par la voix de son Premier ministre Abdelillah Benkirane en personne sur les antennes de TV 5, affirme que «L’Algérie ne veut pas que le Maroc intervienne dans la crise malienne» (source : TV5 Février 2013).
Et dans un communiqué rendu public en Avril 2015, Rabat «note avec une grande déception le recul préoccupant que connaît le processus de paix au nord du Mali ». « (...) après une dynamique prometteuse, sous la houlette de la CEDEAO, le dossier malien est, désormais, traité de manière opportuniste, par des parties, directement intéressées, et loin de son contexte légal et régional, prôné par les Nations unies … Cette solution ne peut pas être obtenue, à coups de menaces, de manœuvres d'intimidation ou de chantage, surtout de la part de parties qui n'ont aucune légitimité pour le faire et qui ont, toujours, agi pour la déstabilisation de la région … Le Mali ne peut continuer à être traité comme une arrière-cour privée ou un terrain d'expérimentation».
Le ton du communiqué, on s’en doute, a profondément irrité Alger. En tout état de cause, l’on comprendra que la divergence entre Algériens et Marocains a désormais trouvé un terrain de prédilection.
Les «Marocains» de la CMA
Il ne fait aucun doute que le Maroc a une influence certaine sur une partie (peut-être la plus importante) des séparatistes de la CMA. Il l’a démontré de la plus belle manière. Les composantes censées sous son influence, à savoir, le MNLA, le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA) se sont abstenus de parapher l’Accord en question à la date du 1er Mars 2015 nonobstant l’insistance d’Alger. Et le Maroc n’a pas jugé opportun de dépêcher son chef de la diplomatie ou un ministre quelconque pour représenter le royaume à ladite cérémonie. Une absence consécutive à la visite de Bilal Ag Chérif à Rabat où il a été reçu par le Roi Mohamed VI en personne.
C’est finalement à la date du 20 juin que tout le monde sera présent à Bamako en vue de la signature dudit document. Avec la bénédiction du Souverain Chérifien ? Certainement ! En tout , à en croire Ali Ansari, président du Centre des études Tombouctou à la faveur d’une Conférence tenue à Rabat le 11 juillet dernier, sur «le rôle joué par le royaume dans le processus de paix au Mali» et à laquelle ont pris part, le secrétaire général de la Plateforme (Hamma Ag Mohamed) ainsi que les chefs traditionnels touaregs au Mali, Niger et en Algérie.
«C’est la diplomatie marocaine qui a convaincu les composantes de la Coordination des mouvements de l’Azawad de signer, le 20 juin dernier à Bamako, l’accord de paix… Malheureusement, cet effort n'a pas bénéficié d'une campagne de médiatisation à l’intérieur du pays comme à l’étranger» a indiqué, Ali Ansari.
Faut-il alors croire qu’au contraire de l’Algérie, le Maroc a beaucoup plus la mainmise sur les Mouvements séparatistes ? Si oui, le président Malien se serait trompé de destination.
Aussi, sa présence à Alger et non à Rabat ainsi que le projet d’intensification de la coopération bilatérale avec l’Algérie ne seront pas du goût du Roi, lequel, on se rappelle, semble bien tenir la CMA. Alors à quoi faut-il s’attendre ? En tout, pas question pour le Maroc de laisser l’Algérie revenir en force au Mali dit à Rabat.
B.S. Diarra