Depuis l’organisation d’une marche pacifique pour dénoncer les « cas d’injustices et d’abus de pouvoir » à Yelimané, une vague d’arrestations s’opère dans les milieux des activistes locaux. Une cabale contre eux pour les faire taire, jugent-ils.
Yelimané, un cercle de la région de Kayes, connait depuis le mois dernier une grogne des populations locales qui ont manifesté, sous l’impulsion de l’association « Yelimané DAGAKANE », leur ras-le-bol face aux « souffrances » dont elles sont victimes.
Une vague d’arrestations a suivi cette marche non violente organisée le 18 août dernier. Une vingtaine d’activistes, dont le président de l’association, par ailleurs Chef de village et 2 animateurs de radios rurales, sont actuellement en prison. Et la traque continue, selon les responsables de l’association organisatrice, dans le seul but d’ « arrêter » le mouvement.
Ils estiment illégitimes les arrestations et demandent l’ouverture d’un dialogue avec les autorités locales pour la fin des injustices, la transparence dans la gestion des affaires municipales, la collaboration entre les ressortissants du cercle et les autorités afin de faire des investissements qui pourront « créer de l’emploi » à la jeunesse et ainsi éviter l’exode rural.
« On veut retenir notre jeunesse pour ne pas qu’elle se fasse tuer par la mer », nous confie Daman Konté, secrétaire général adjoint de l’association pour le développement du cercle de Yelimané ou « Yelimané DAGAKANE ».
Cabale contre des activistes ?
A l’issue de la marche qui a donné lieu aux arrestations, les manifestants ont remis au préfet une déclaration dans laquelle ils motivent leur action.
Au nombre des problèmes qu’ils identifient dans leur cercle figurent l’injustice, la corruption, la mauvaise gestion, la dévalorisation des Chefs coutumiers et surtout « l’infiltration d’une cotisation volontaire au taux de la TDRL (Taxe de Développement Régional et Local) ». Cette taxe, contrairement aux autres cercles de Kayes est plus élevée à Yelimané où une convention de contribution volontaire de 1000 F décidée depuis les années 1980 ramène celle-ci à 2135 F.
A l’origine, cette contribution volontaire était destinée à construire à l’époque un « pied-à-terre » pour le général Moussa Traoré, nous explique-t-on. Ce qui fut fait mais le paiement de ce surplus au taux normal de la TDRL perdure toujours dans le cercle.
Inconcevable pour les populations de Yelimané dans la mesure où les effets de cette contribution volontaire ne se reflètent pas dans le développement du cercle.
Toutes les infrastructures des 94 villages sont « entièrement financées par la diaspora sans soutien aucun d’aucune structure de près ou de loin », défendent les membres de l’association « Yelimané DAGAKANE ».
D’après les responsables avec qui nous avons échangé, ils ont demandé un dialogue avec les maires pour retracer les sommes perçues depuis mais ces derniers auraient toujours refusé. En lieu et place, des arrestations tous azimuts après la grogne exprimée lors de la marche organisée le 18 août 2015.
Une marche pacifique qui s’est déroulée sans heurt mais qui n’avait pas bénéficié de l’autorisation des autorités locales.
« On reconnait notre tort », confesse maintenant Daman Konté. Cependant, « la sanction qui est prise contre la faute, il n’y a pas de proportionnalité », juge-t-il.
« Ce n’est pas parce qu’on a marché sans autorisation que vous prenez des chefs de villages et vous les enfermez », nous a-t-il objecté.
Dramatisation et politisation de l’affaire
Les responsables de l’association soutiennent que leurs membres ont été arrêtés sous de faux prétextes. D’abord accusés d’inciter la population à ne pas payer d’impôt, « on a jamais dit ça. On ne pourrait jamais dire ça aussi », se défend Daman Konté, ils auraient ensuite été traités de « rebelles ».
« Ils ont dramatisé la situation. Ils disent que nous sommes des rebelles, qu’on veut faire la rébellion à Yelimané, on veut prendre notre indépendance, toutes sortes de versions qui n’ont rien à voir avec la réalité ».
D’après toujours notre interlocuteur, leur association avait même été tagué de sans papier. A ce sujet, il nous a présenté une copie du récépissé de leur organisation dument signé par le gouverneur du district.
Daman Konté ira plus loin en accusant ouvertement le député Mahamadou Hawa Gassama, élu à Yelimané, de « complicité » avec les maires qui auraient « politisé » l’affaire.
« On a beaucoup de force parce qu’on a un bureau dans chaque commune et chaque bureau communal, il y a un chef de village qui est dans le bureau. Ils se disent que c’est un mouvement très fort. Il faut arrêter ce mouvement », a laissé entendre le secrétaire général adjoint de l’association « Yelimané DAGAKANE ».
A l’origine du drame, de bonnes intentions : « On voulait seulement construire un grand centre multifonctionnel »
Toute cette affaire qui n’a certainement pas terminé de livrer tous ses secrets serait partie d’un projet. « On voulait seulement construire un grand centre multifonctionnel », assure Daman Konté, devant être destiné à la jeunesse désœuvrée de Yelimané qui paie un lourd tribut dans la traversée meurtrière de la Méditerranée à la recherche d’un avenir meilleur.
Dans ce centre multifonctionnel, il était prévu d’avoir « un centre de formation professionnelle, des ateliers de formations, des salles de réunion pour que quand tu rentres là-bas, tu suis une formation spécifique. Quand tu sors, l’atelier est là, tu te formes et après ça on t’appuie pour que tu ouvres ton atelier, que tu travailles pour te décourager à l’exode rural ».
A ce stade, un terrain et des tonnes de ciments sont déjà à la disposition de l’association pour la réalisation de ce centre qui devrait coûter au total plus d’un milliard de francs, nous informent ses responsables qui regrettent cependant que tous leurs membres soient aujourd’hui interdis de se rassembler alors qu’environ 600 millions seraient déjà engagés. Ils continuent de réclamer le dialogue avec les maires et réfutent les accusations à leur encontre.
A. H.