L’on crût, à tort, que l’interpellation du Ministre Sada Samaké à l’Assemblée Nationale à propos de l’attribution du marché des Passeports maliens à la très controversée société française Oberthur Technologies allait dissuader le gouvernement de franchir le Rubicond. Eh bien, c’était mal connaître, la dimension du mépris que ces gouvernants ont envers leur peuple.
C’est le compte rendu du conseil des ministres du 04 Septembre 2015 qui nous l’apprend. On peut, en effet lire ceci au titre au titre du Ministère de l’Economie et des finances :
«Sur le rapport du ministre de l’Economie et des Finances, le Conseil des Ministres a adopté :
Un projet de décret portant approbation du contrat de concession relatif à la fourniture d’un système informatisé de production de passeports au Mali
Les passeports actuels de notre pays ne possèdent pas toutes les caractéristiques techniques répondant aux exigences internationales.
En vue d’atteindre le standard international, le Gouvernement de la République du Mali a décidé de concéder la production de passeport sécurisé à un opérateur privé.
La concession a été accordée à la Société Oberthur Technologies pour une durée de dix (10) ans.
Dans le cadre de la concession, la Société Oberthur Technologies est chargée entre autres, de :
– la construction d’un bâtiment ;
– du système permettant les paiements, l’enrôlement, le contrôle, la prise d’information et la production ;
– du système central pour sauvegarder l’ensemble des informations saisies ;
– des passeports électroniques avec MRZ standard comprenant entre autres, la photo et les empreintes digitales».
Les non-dits d’une attribution
Vous l’aurez certainement remarqué : la concession dont il est question ici ne mentionne pas le montant du contrat. Il ne précise pas non plus si un appel à concurrence a été lancé au préalable ou s’il s’agit d’un marché de gré-à-gré. En clair, tout est obscur !
Et pourtant, dans la même veine, le même communiqué est très précis à propos du marché relatif aux travaux de reconversion du casier de Tien Konou en maîtrise totale de l’eau dans le cadre du Projet d’Appui au Développement (PADER-TKT). L’on sait, à la lecture dudit communiqué qu’il s’agit de «l’Avenant n°1 au Marché n° 0202/DGMP-DSP-2013 a pour objet la prise en charge des travaux restants du marché relatif à la réalisation des cavaliers du canal principal de Dioro… attribué à l’Entreprise COGEB International pour un montant de 1 milliard 199 millions 293 mille 834 FCFA et un délai d’exécution de 05 mois», etc.
Mais à propos du contrat de concession des passeports maliens, mystère, boule de gomme… C’est ce qu’on appelle de la transparence !
Par ailleurs, ces mêmes autorités qui ne ratent la moindre occasion d’évoquer la sacro-sainte souveraineté du pays, semblent ici, rejeter d’un revers de main l’importance de cette question dans la conception et la confection de nos documents officiels. Et l’on notera, selon les termes du même communiqué, que la société française bénéficiaire dudit marché est «chargée du système central pour sauvegarder l’ensemble des informations saisies». Comme pour dire que les documents de voyage maliens seront désormais conçus et sauvegardés par une société de droit français dans les dix (10) prochaines années. Nul besoin d’être un illuminé pour savoir qu’en fonction des traités en vigueur, tous pays d’accueil d’immigrants Maliens peuvent désormais avoir accès aux donnés personnels les concernant. Et pour qui sait que la question est particulièrement délicate… Hum !
Et pourtant, le Ministre Sada Samaké avait déjà attribué, de gré-à-gré, ledit marché à la même société française
C’est la Canadian Bank qui disposait du même marché depuis 2001. Mais le contrat a expiré le 31 décembre 2014. Et le ministre Sada Samaké a, de manière unilatérale attribué un nouveau contrat, appelé «contrat de collaboration» à la société française «Oberthur Technologies». Dans le cadre de la concession, le concessionnaire a une plus grande marge de manœuvre.
Mais pourquoi réattribuer un marché déjà… attribué ?
Tout simplement parce qu’il fallait, à la suite de l’interpellation de l’Assemblée Nationale, réparer le péché. La question a donc été soumise au Conseil des Ministres. Juste pour la forme, dans la mesure où aucun argument convaincant ne soutient le choix effectué. Le mensonge d’Etat étant désormais l’argumentaire à la mode…
Le communiqué en question, ne révèle non plus le coût du produit d’Oberthurs. A l’heure actuelle, ce document de voyage est cédé par l’Etat malien aux demandeurs à la somme de 50.000 F CFA alors que la Canadian Bank le vendait à l’Etat du Mali à 4000 F CFA. Vous avez bien : Quatre mille francs contre cinquante mille Francs CFA le prix d’acquisition par le citoyen malien !
A combien donc Oberthurs Technologies offrira son produit ? Le communiqué du Conseil des Ministres ne précise pas. L’on sait cependant que dans le contrat initial de la première attribution à la même société, le prix est de 65.000 F CFA et les montants seront versés dans un compte de la société française et pas au Trésor Public malien selon les termes du contrat de concession. C’est L’annexe 7 (Rémunération, prix minimum et variation du prix – page 39/51) du document d’attribution qui le précise: «le prix du passeport fixé par voix de décret est fixé par le concédant étant entendu qu’il ne saurait être inférieur à 65.000 F CFA». Et l’alinéa suivant de signaler que le prix en question ne pourra être «revu qu’à la hausse».
Aussi et toujours sur la base du contrat de concession, c’est le concessionnaire, à savoir, la société «Oberthur Technologies» qui fixe désormais le prix du nouveau document malien. L’annexe 7 (Rémunération, prix minimum et variation du prix – page 39/51 du contrat de concession) précise en effet ceci : «le prix du passeport fixé par voix de décret est fixé par le concédant étant entendu qu’il ne saurait être inférieur à 65.000 F CFA». Et l’alinéa suivant de signaler que le prix en question ne pourra être «revu qu’à la hausse».
Nous y reviendrons !