Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Abdoulaye Idrissa Maïga continue de faire la sourde oreille en maintenant la date des élections communales et régionales qu’il a fixées au 25 Octobre, allant à contre-courant des acteurs clés du processus électoral (société civile, partis politiques et groupes armés) qui sollicitent un report.
Malgré l’insécurité galopante qui frappe notre pays, au nord comme au sud y compris la capitale Bamako, les nombreuses réserves faites par les partis politiques, y compris ceux de la majorité présidentielle, ainsi que les conditions posées par la Coordination des Mouvements de l’Azawad (mise en œuvre de l’accord, retour des refugiés), le ministre compte maintenir le cap du 25 Octobre. Mais, résistera-t-il à un mémorandum à lui adressé par la mouvance présidentielle, pour lui indiquer son option de ne pas aller aux élections du 25 Octobre. Car de sources certaines, réunie hier, la majorité présidentielle a rédigé un mémorandum pour ordonner le report des élections au ministre frondeur, qui ne voulait écouter personne.
Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, contacté hier par Le Républicain, a indiqué que les élections communales et régionales couplées se tiendront à la date indiquée: le 25 octobre. « Le cap est maintenu et les préparatifs vont bon train. Ce sera ainsi jusqu’à la preuve du contraire», expliquent des sources au ministère. C’est donc dire que le ministre n’entend pas reculer à près d’un mois de ces échéances électorales, malgré les mises en garde des leaders de la société civile, des partis politiques et des groupes armés.
Dans ce forcing, le ministre en charge de l’administration devient de plus en plus agressif. Il arrive même qu’il voit en ennemis tous ceux qui tentent de lui faire remarquer le danger de tenir des élections dans l’insécurité totale.
La preuve de cette intransigeance du ministre est sa réaction face à la recommandation des élus locaux qui ont demandé le report des élections du 25 octobre 2015, lors d’un atelier tenu les 4 et 5 septembre dernier. Cette rencontre tenue au Centre international de conférence de Bamako (CICB) était placé sous le thème « l’implication effective de l’ensemble des acteurs est le gage de la réussite de la Décentralisation ». Face à la demande des élus locaux préoccupés par la recrudescence de l’insécurité dans le pays et l’absence de l’administration dans certaines localités, la réponse du ministre Abdoulaye Idrissa Maïga a été, on ne peut plus, tranchante : « J’ai entendu une de vos recommandations qui n’est pas raisonnable.
La rencontre n’est pas un cadre pour demander le report. Dans le cadre de concertation avec les présidents des partis politiques, avec la société civile et avec les partenaires techniques et financiers, une demande pareille pour des raisons que vous avez évoquées a été formulée. Il faut rester dans le cadre. Vous, vous êtes des élus, dont le mandat est arrivé à terme », a déclaré le ministre. Poursuivant sa critique, le chef du département de l’Administration territoriale a évoqué qu’il ne sied pas que les élus locaux demandent leur propre maintien dans ‘’la violation expresses des lois de la République’’. « Vous êtes des acteurs intéressés par cette compétition électorale. Les compétiteurs ne peuvent définir les règles, laissez-le aux autres et dans un cadre précis.», a vociféré le ministre.
Qu’est-ce qui fait tant courir le ministre Maïga pour organiser ces élections malgré les réserves formulées par presque toutes les parties ? Une chose est certaine, ce n’est pas la première fois que des voix se lèvent pour attirer son attention sur les risques que court le pays en tenant une parodie d’élections à la sortie d’une crise sécuritaire et socio politique sans précédent.
Pour preuve, certains partis politiques tels que l’Adema PASJ, le parti de l’Indépendance, de la démocratie et la solidarité (PIDS) et les Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fares), avaient tenté en vain d’amener le ministre à renoncer à son projet qui peut aboutir à la partition de fait du pays.
A cette demande des partis politiques, s’ajoutent les réserves de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). « La Coordination des Mouvements de l’Azawad pose certaines conditions pour la tenue des élections communales. Elle demande le retour des réfugiés et la mise en place effective du comité de suivi de l’accord de paix. La CMA estime que ces mesures devront permettre la bonne participation de tous les citoyens aux élections », indiquait un communiqué des ex-rebelles à la date du 12 août 2015.
Constat : tous les acteurs du processus électoral partagent les mêmes préoccupations et les mêmes inquiétudes, à savoir l’insécurité et le retour des réfugiés, un pari loin d’être gagné aujourd’hui par le gouvernement malien. Après trois mois de la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, la situation sécuritaire demeure toujours inquiétante.
Et pratiquement aucune partie du territoire malien n’est épargnée par cette recrudescence de la violence (Misseni, Fakola, Nara, Nampala, Carrefour Djenné, Gourma-Rarhouss, Diabaly, Sévaré, Baguineba, Gaberi, Sogoninko, le check-point à Tombouctou, la pinasse Ké-Macina-Diafarabé…). Jusqu’où la classe politique malienne va-t-elle fermer les yeux en suivant le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation dans sa ferme volonté à pousser définitivement le Mali vers la division? Affaire à suivre…
Youssouf Z. KEITA
B. Daou