La zone aéroportuaire de Bamako est devenue un capharnaüm foncier tant les litiges et spéculations foncières sont légion. Mais le hic est que l’Etat est complètement pris en otage et les plus riches lui imposent leurs lois. L’insécurité foncière règne partout à Bamako où les titres fonciers sont constamment violés impunément.
Dans la législation foncière, il est dit que le titre foncier est le seul gage de propriété à l’abri de toutes spéculations. Il supplante tous les autres titres de propriété et permet à son détenteur un nantissement à la banque. Au Mali, cette règle est en train de disparaître au gré des pratiques malsaines récurrentes.
Quelques cas qui dépassent tout entendement permettent d’étayer cette triste réalité. Il s’agit, avant tout, de la zone aéroportuaire de Bamako. Celle-ci, classée patrimoine foncier de l’Asecna, a été mise en bail par l’Etat en 2013. Dans l’esprit de ce bail temporaire, le ministère du Logement, des affaires foncières et de l’urbanisme a cédé des parcelles à des opérateurs économiques. Ceux-ci devraient y construire des équipements précaires et démontables à tout moment. Cependant, dans la pratique, ce sont des buildings et autres bâtiments en dur qui ont surgi de terre en l’espace de quelques mois.
Lorsque le gouvernement, dirigé à l’époque par le Premier ministre Moussa Mara, s’est rendu compte de la supercherie, il a engagé une enquête par le Contrôle général des services publics (CGSP). Cette enquête a révélé, de janvier à septembre 2013, 204 arrêtés d’attribution de parcelles dont le mètre carré a été vendu à 100 FCFA à l’initiative du ministre de tutelle de l’époque, David Sagara. Sur la base de cette enquête, son successeur Tiéma Hubert Coulibaly avait ordonné la suspension des arrêtés en question et tous les travaux sur les lieux. Ce qui a conduit à l’interpellation, au Pôle économique, de David Sagara qui a été placé sous le coup de poursuites judiciaires. Sur le terrain, la suspension des travaux n’a été suivie que très partiellement. Si certains bénéficiaires ont été dépossédés de leurs parcelles, d’autres, par contre, ont volontairement accepté d’arrêter, tandis que ” les bras longs “ n’ont pas daigné obtempérer. Ces gros bonnets, dont les réalisations sont visibles au niveau de la zone, s’apprêtent à aménager dans leurs nouveaux locaux, siège de leur entreprise.
Le mois dernier, le ministre de l’Urbanisme et de l’habitat, Dramane Dembélé, avait effectué une descente dans la zone aéroportuaire pour constater de visu l’occupation anarchique. Accompagné de ses plus proches collaborateurs, il a vu des maisons illégalement construites sur lesquelles des croix avaient été mises pour signifier à leurs propriétaires qu’elles doivent être démolies. Mais cette action d’éclat faite de manière sélective n’a pas concerné toute la zone puisque la délégation ministérielle n’est pas arrivée sur le site qui fait l’objet de baux temporaires et dont les constructions crèvent l’œil.
Que va-t-il se passer le jour où l’Asecna va réclamer ses droits aux autorités du Mali ? Ce qui sera forcément le cas plus tard, car cette structure supranationale ne peut laisser ses biens fonciers lui filer entre ses doigts. Il y va aussi de la sécurité arienne, du fondement même de sa mission à travers ses pays membres.
Il y a quelques jours, Dr Seydou Badian Kouyaté avait sonné l’alerte au cours d’une conférence de presse où il a dénoncé la spéculation foncière dans la zone aéroportuaire qui s’est matérialisée par ” le détournement de 60 milliards de FCFA par trois hautes personnalités “.
Selon lui, cette spéculation foncière dans la zone aéroportuaire au profit de trois hautes personnalités implique le maire du district de Bamako. La situation est implosive et dramatique si l’Etat n’y prend garde.
Ces quelques spéculations, ainsi relatées et qui ne touchent que des titres fonciers, ne sont qu’une goutte d’eau. C’est pourquoi, il urge que l’Etat prenne ses responsabilités au risque d’être mis sur le banc des accusés en tant que complice des spéculateurs.
Notons que la zone aéroportuaire appartenait à des particuliers qui y cultivaient. Ils ont été contraints de quitter les lieux moyennant des dédommagements.
Moussa SIDIBE