Notre Tour à Lassa est aujourd’hui verdoyante. A la différence du Mali qui continue à tanguer dangereusement entre paix et instabilité politico-sécuritaire au gré des convoitises des puissances impérialistes et des voisins hypocrites. Le pouvoir vacille entre fermeté et concession diplomatique face à un ennemi de la République et ses alliés qui le prennent pour une marionnette.
Il n’est donc pas surprenant que la majorité des Maliens trouvent que leur pays n’a pas bougé pendant les deux ans d’exercice du pouvoir du président Ibrahima Boubacar Kéita dit IBK alias LadjiBourama… Nous nous arrêtons là pour ce qui est des surnoms pour ne pas être inculpé d’offense à Chef d’Etat.
Un président plus préoccupé à plaire à ses mentors français et à ses pairs du voisinage au point de s’éloigner des vraies préoccupations de la nation. Le pire des mensonges, c’est mentir à soi-même. C’est malheureusement l’impression que nous avons eue en regardant la diffusion de la «Grande Interview» de LadjiBourama, que nous pourrons aussi intituler «Le Grand bluff». Comme le disent des opposants, «le bilan présenté par le Chef de l’Etat est un gros déni de réalité» !
Le P.R (président de la République) aurait dû écouter le dernier single de Master Soumy, «L’heure est grave» pour mieux préparer cette activité de communication pour en faire une vraie communion avec les Maliens.
Des populations avec qui l’écart se creuse toujours parce qu’ils ne se retrouvent dans son discours alors qu’ils lui ont donné carte blanche pour mener toutes les réformes indispensables au changement rêvé avec l’avènement de la démocratie.
La réalité ? C’est que nous n’avons pas pu regarder une grande partie de l’exercice de communication à cause d’une coupure de courant. Et c’est fréquent depuis quelques jours. Pis, nous avons passé par la suite 24 heures sans qu’une goutte d’eau ne suinte du robinet. Et cela fait bientôt deux ans que nous n’avons pas d’eau du robinet (à la potabilité douteuse) de 6h du matin à minuit, voire 1h-2h du matin.
Et dans votre intervention, vous n’avez énoncé aucune action précise entreprise ou à entreprendre pour mieux sécuriser les Maliens ! Et pourtant, la réalité est que votre pays est devenu un Far West avec des braquages au quotidien et en plein jour dans la capitale. Sans compter ces pauvres forains qui sont tous les jours braqués, dépouillés, battus et souvent abattus.
Des emplois et des logements sociaux pour cadres et militants du Rpm et alliés
Il est vrai que le ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle, de la Jeunesse et de la Construction citoyenne nous bluffe souvent avec de surprenantes statistiques sur l’emploi. Mais, combien d’emplois créés le sont exclusivement pour les jeunes, voire les militants du Rpm et des partis alliés aux dépens des vraies compétences requises ?
Notre cousin HamadyTambaAmbodéjo ne réussit à aucun concours pas parce qu’il n’est pas compétent, mais parce qu’il ne pense pas que l’appartenance politique soit encore le passage obligé pour avoir un emploi dans le Mali d’IBK ! Il en est de même pour les logements sociaux qui ne sont plus attribués sur le mérite.
Trois hautes personnalités impliquées dans la spéculation foncière dans la zone aéroportuaire qui vont empocher de surcroit 60 milliards de F Cfa sur le dos du pauvre contribuable malien comme dédommagement ! N’est-ce pas le comble de l’impunité Monsieur le Président.
Et pourtant nous avons voté pour vous parce que nous nous étions dit que vous êtes un homme de poigne à la fermeté légendaire pour remettre tout le monde sur le droit chemin dans l’intérêt même de la République ! Hélas, c’est encore le règne des «Cols Blancs».
Voilà, entre autres, la réalité Monsieur le Président que les Maliens vivent au quotidien. Et c’est leur satisfaction qui est leur attente.
Bien sûr que nous sommes aussi d’accord avec vous quand vous disiez: «la mission que les Maliens m'ont confiée est de ramener la paix dans le pays. C'est à cela que je suis en train de consacrer l'essentiel de mon temps». Mais, pour quel résultat ? Nous avons plutôt l’impression que vos maladresses et votre fausse fermeté nous éloigne de Kidal, donc de la paix. Parce que tant que Kidal échappe à l’administration (politique et militaire) du Mali, la paix et la lutte contre le terrorisme deviennent un leurre.
Grave erreur de communication
Et vous persistez à demander à la Plateforme d’évacuer Anefis reconnaissant ainsi qu’elle est à votre solde, donc «une milice pro-gouvernementale». C’est sans doute la seule réalité que vous auriez toujours dû nier. Vous avez avoué. C’est une grave erreur de communication.
Ce n’est pas votre rôle d’exiger ce retrait, mais plutôt à la Médiation internationale. Sinon pourquoi la Minusma ne vous demande-t-elle pas aussi d’exiger que la Cma et leurs alliés narcotrafiquants quittent Kidal ? Ces leaders ne sont-ils pas Maliens comme ceux de la Plateforme et vous êtes le président de la République dont Kidal fait partie intégrante, jusqu’à preuve du contraire.
Ne serait-ce que pour cela, on peut dire que votre interview radiotélévisée a été réellement «un exercice d’autosatisfaction en déphasage total avec les dures réalités que vivent les Maliens».
Après deux ans, nous nous attendions à un bilan des actes posés et à un diagnostic sans complaisance des défis à relever. Entre septembre 2013 et septembre 2015, qu’est-ce qui a changé dans ce «pays en ruines» dont vous avez hérité ? Oui, un Accord de paix et de réconciliation nationale a été signé le 15 Mai et le 20 Juin 2015 ! Mais, nous rapproche-t-il réellement de la paix, de l’intégrité territoriale du Mali, de sa consolidation de sa souveraineté ?
Sans oublier, LadjiBourama, que la paix est certes importante, mais ce n’est qu’une quête entre autres. En vous plébiscitant, le peuple Malien a voulu exceptionnellement vous donner le «plein pouvoir» pour rayer la corruption et les pillages des deniers publics, l’injustice, la discrimination à l’emploi… Parce que vos compatriotes ont compris que tant que ces maux ne sont pas rigoureusement combattus, la précarité restera galopante.
Qu’en-est-il après deux ans d’exercice du pouvoir ? Loin d’être ébranlés, ces maux ont pris une autre dimension politique avec les contrats d’achat de l’avion présidentiel et d’armements qui continuent de défrayer la chronique. Ce ne sont pas des inventions de l’opposition, mais des faits réels.
Accepter ses échecs permet d’avancer en évitant de commettre les mêmes erreurs
Nier l’évidence n’est pas une stratégie politique, mais un manque de courage de la part d’un leader dont vous êtes supposé être. Il est vrai que l’opposition exploite outrageusement vos échecs et maladresses qui la remettent en scelle.
Monsieur le président, vous n’êtes pas sans savoir que quand les promesses tardent à faire de la place au concret, le doute l'emporte sur l'espoir dans l’opinion nationale.
Et le fait d'avoir hérité d’un pays en ruines n'est plus une excuse car tous les candidats à la présidentielle de 2013 en étaient conscients. Et nous vous avons choisi parmi eux parce que nous avons pensé que vous étiez le meilleur pour nous sortir de l’impasse.
Ce rythme, après une brillante élection, vous foncez directement dans le mur de l’échec historique. Ce qui n’est pas dans l’intérêt du Mali parce que nous ne sommes pas convaincus que notre pays puisse se remettre d’un autre retour à la case départ.
Faites votre mea-culpa et tendez la main à tous les fils et à toutes les filles du pays qui sont susceptibles d’apporter quelque chose à la réalisation des nobles ambitions que vous nourrissez pour ce pays.
Et cela d’autant plus que vous n’avez aucune raison de vous enfermer dans un carcan politique dans la mesure où vous avez bénéficié des suffrages de la grande majorité des Maliens dépités par la gestion politique de leur pays depuis l’avènement de la démocratie. Vous ne devez rien à la majorité présidentielle qui profite aujourd’hui de votre élection pour se faire un avenir.
Un camp présidentiel timoré et en panne d’inspiration. Un mélange hétéroclite de plus de 67 partis politiques incapable de remplir la salle de 1000 places du Cicb pour un meeting animé dans la matinée du 5 août 2015.
Comment pouvez-vous alors compromettre l’avenir du pays et vouer votre mandat à l’échec en refusant de mobiliser autour de votre projet de société les talents et compétences du pays ?
Nous ne doutons pas de votre intention. Mais, on ne sauve pas un pays du chaos avec des intentions, mais des actions concrètes allant dans le sens des attentes de la population.
Comme le jeune président de la Convergence Africaine pour le Renouveau (Care), Cheick Boucadry Traoré, «nous espérons que la présidence va pouvoir faire au plus vite des progrès pour accroître la confiance des Maliens afin que la crise que nous traversons ne soit plus dans quelques années qu’un mauvais souvenir». Vivement que l’an III soit celui de la concrétisation la vraie concrétisation, des promesses de LadjiBourama !
Dan Fodio