Après avoir usé de toutes ses influences pour obtenir le retrait du Gatia de la ville d’Anefis, la médiation internationale, garante de l’Accord, a enfin la lourde responsabilité de respecter le principe convenu avec la plateforme à savoir, le redéploiement de l’armée malienne dans la zone afin d’éviter toute confusion ultérieure.
Suite à l’affrontement spectaculaire auquel se sont livrés les deux mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, le 17 aout dernier, pour le contrôle de la ville stratégique d’Anefis, situé à 150 km de Kidal, le processus de mise en œuvre de l’Accord avait pris un sérieux coup. Car, depuis le parachèvement de la signature de l’Accord, le 20 juin dernier, c’était la première fois que deux des parties signataires violent allègrement le cessez-le-feu consigné dans l’Accord. Cette détérioration de la situation sécuritaire sur le terrain a failli faire voler en éclats le comité de suivi de l’Accord (CSA), mis en place après la signature de toutes les parties prenantes. Délogée de la ville d’Anefis, la Coordination des mouvements armés de l’Azawad, militairement défaite, n’a trouvé d’autre alternative de pression que de suspendre sa participation aux activités du CSA. Des lors, la médiation internationale a, dans une correspondance, demandé instamment aux parties concernées de retourner aux positions qu’elles occupaient à la date du 20 juin 2015 et à poursuivre la mise en œuvre des mesures de confiance, notamment la libération des personnes détenues à l’occasion de ces événements. Cette injonction de la médiation internationale n’avait pas été partagée par la Plateforme, qui a opposé aussitôt un niet catégorique.
« Nous ne sommes pas contre tout ce qui peut nous faire avancer, mais pas question de céder une quelconque position à la CMA », clamait Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia). Sans nul doute, la situation qui prévalait au nord du Mali n’augurait rien de bon pour la bonne application des dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. La tension entre la CMA et la Plateforme était montée d’un cran. Tout laissait ainsi croire que cette pomme de discorde allait compromettre dangereusement le processus de mise en œuvre de l’Accord. Car rien ne pourrait se faire sans que les parties d’un commun accord puisse regarder dans la même direction. Donc, le processus de mise en œuvre de l’Accord était au point mort. Ainsi, pour desserrer l’étau autour de la ville d’Anefis, la médiation internationale a saisi IBK, qui n’a pas su se tirer d’affaire.
Sinon, comment comprendre qu’un chef d’Etat, signataire d’un Accord avec deux milices armées, se substitue à la médiation internationale, garante de la mise en œuvre de l’Accord, pour donner des injonctions à une partie ? En clair, c’est une violation de l’esprit de l’Accord qui consacre l’égalité des parties. « Ceux qui ont indûment occupé Anéfis pendant la procédure d’accord de paix ont été priés d’évacuer la ville sans condition et cela sera », a lâché IBK, le 2 septembre, lors de sa visite au Niger.
Ainsi, au bout de moult pression exercée de part et d’autre, le Gatia a accepté le principe de se retirer d’Anefis mais pas sans poser au préalable des conditions. De l’avis des responsables du Gatia, leur retrait d’Anefis est conditionné au redéploiement de l’armée malienne et des forces partenaires dans la zone. En attendant que ces mesures de confiance soient effectives, le porte-parole du Gatia, Moulaye Ahmad Moulaye, a annoncé en fin de week-end le retrait progressif de son mouvement de la zone d’Anefis. La médiation internationale a alors la lourde responsabilité de respecter le principe convenu avec la plateforme, à savoir le redéploiement de l’armée malienne.
Le principe de l’égalité souveraine des Etats doit prévaloir
Après le départ annoncé du Gatia d’Anéfis, le plus dur est à venir. Il s’agit du respect des conditions posées, à savoir le redéploiement de l’armée nationale pour assurer la sécurité des habitants. De toute évidence, la communauté internationale se doit d’intervenir afin d’imposer la paix. Tel semble être le seul défi auquel elle est confrontée depuis la signature de l’Accord. Pour ce faire, elle doit faire en sorte que le principe sacro-saint de l’égalité souveraine des Etats consacré dans la charte des Nations Unies puisse prévaloir. Certes, l’Accord est fait de compromis mais il ne faut pas perdre de vue l’existence de certaines normes juridiques internationales qui s’imposent aux Etats dans la société internationale. Ainsi, l’Etat, au sens du droit international, est souverain ou ne l’est pas. La souveraineté de l’Etat n’est pas un principe normatif, auquel on pourrait, en théorie au moins, renoncer, mais un principe logique qui, définissant l’essence même de l’Etat, est indispensable à la constitution de l’ordre juridique international.
L’Etat n’a pas le choix d’être ou de ne pas être souverain. Il est souverain parce qu’il est Etat. Ainsi, sans faire entorse à l’Accord, la communauté internationale doit épauler l’Etat du Mali à renaitre de ses cendres. L’Etat du Mali ne doit pas être pris en otage par les milices armées opérant contre son gré sur son espace vital. Cependant, pour éviter toute complication dans la mise en œuvre de l’Accord, il faut que le désarmement de milices armées devienne une priorité des priorités du moment. Ainsi, la sécurisation de l’ensemble du territoire, mission régalienne de l’Etat, doit revenir à l’armée malienne appuyée par les forces partenaires (Minusma, Barkhane) même s’il faut revoir l’effectif à la hausse dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Boubacar SIDIBE