Dans une interview qu’elle nous a accordée, Kadiatou Konaté, présidente de l’Association des Contrôleurs, Inspecteurs, Auditeurs du Mali (ACIAM) nous parle de son association et de ses objectifs. Aussi, elle évoque les difficultés rencontrées par celle-ci de sa création à nos jours et les résultats atteints. Lisez plutôt.
Le Tjikan : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ainsi que l’association que vous dirigez ?
Kadiatou konaté : Je suis diplômée de l’Ecole Nationale d’Administration, promotion 1986. En 1992, j’ai bénéficié d’une bourse de l’USAID qui m’a emmenée aux Etats-Unis où j’ai décroché un diplôme en économie du développement. A mon retour au pays, j’ai été approchée par des camardes de promotion m’informant de la création de l’Association, à laquelle j’ai adhéré. C’est dans ce cadre que j’ai bénéficié d’une autre bourse pour me spécialiser en audit, contrôle et gestion. Mais, j’ai décroché mon DESS en audit, contrôle et de gestion à l’université Mandé Boucary. En 1990, j’ai décroché un poste à l’Energie du Mali. Depuis lors, j’y travaille et occupe le poste de chef de département inspection générale après avoir été successivement chef de division Statistique à la direction de la planification, chef de service statistique et affaire générale à la direction commerciale, directrice de contrôle de gestion, responsable de l’inspection. Je suis à nouveau de retour à l’inspection où je suis actuellement le Chef du département.
Historiquement parlant de l’ACIAM, c’est en 1998 que des responsables des structures de contrôle des entreprises et services maliens ont eut l’idée de créer une association dans le but de promouvoir le développement de la fonction d’audit et de contrôle pour sauvegarder les intérêts professionnels de ses membres. Elle commença ses activités en 2000. Donc, la création d’une telle association s’inspirait de l’expérience de certains pays comme les USA où l’on trouve l’Institut de l’Audit Interne « IIA », qui a été créé en 1941 et l’Institut Français de l’Audit Interne « IFAI » créé en France en 1965. Compte tenu de la particularité du Mali, parce qu’à l’époque quand on créait cette association, il n’y avait pas beaucoup d’auditeurs, ni de services d’audit interne, donc il a été décidé de créer une association regroupant l’ensemble des fonctions faisant le contrôle sans exclusive. C’est ainsi qu’est née l’Association des Contrôleurs, Inspecteurs, Auditeurs du Mali (ACIAM).
Depuis combien de temps êtes-vous à la tête de cette organisation ?
Je suis à la tête de cette organisation depuis Mai 2013 pour un mandat de trois ans comme présidente. Je dirige un bureau directeur de 12 membres composé d’hommes et de femmes.
De votre élection à ce jour, qu’avez-vous fait concrètement, qui vous distingue de vos prédécesseurs ?
A l’ACIAM, nous formons une équipe d’hommes et de femmes avec une seule vision ‘’un Mali de bonne gouvernance’’. Dans ce cadre, les chantiers sont nombreux ainsi que les sollicitations. Nous utilisons la politique du changement dans la continuité, nous continuons à parachever l’œuvre de nos prédécesseurs pour mener à bien notre mission. Pour ce faire, nous avons beaucoup mis l’accent sur le renforcement des capacités de nos membres surtout les membres du bureau directeur. Avec le soutien de l’Etat, nous avons mis en marche différentes conférences internationales dans le domaine de l’Audit. Egalement, notre partenariat avec l’Etat s’est beaucoup plus renforcé avec notre présence au sein de toutes les commissions et comités mises en place pour la résolution de toutes les questions touchant à la profession.
Madame, le métier d’auditeur est pratiqué depuis belle lurette au Mali, mais jusque-là, le citoyen lambda ne se reconnait pas dans les résultats, au regard des nombreux scandales. Alors, est ce à dire que vos conseils ne sont pas pris en compte ?
L’histoire de l’audit interne remonte à la crise économique de 1929. L’importance actuelle de l’audit interne se traduit dans la représentativité de l’Institut national et international de l’audit interne qui fédèrent tous les instituts nationaux et représentent aujourd’hui plus de 180 000 membres repartis dans plus de 165 pays. L’audit interne est une activité indépendante et objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré de maitrise de ses opérations, qui apporte ses conseils pour les améliorer et contribue à créer de la valeur ajoutée. Il aide cette organisation à atteindre ses objectifs en l’évaluant par une approche systématique et méthodique. Ces processus de management de contrôle et de gouvernement d’entreprise se fait par des propositions pour renforcer leurs efficacités. L’auditeur interne tout comme le médecin n’a pas d’obligation de résultats mais une obligation de moyens. En effet, c’est une activité normée au cours de laquelle, l’audit interne relève des insuffisances. Etre auditeur ne s’improvise pas. Les auditeurs internes disposent du cadre de références internationales pour la pratique professionnelle de l’audit interne, ce qu’on appelle en français le script. Le script qui comprend le code d’éthique et de déontologie permet aux auditeurs de réaliser une mission avec efficacité et efficience. Les méthodes ne sont pas propres à un seul pays, mais ce sont des standards internationaux. Si le Malien lambda ne se reconnait pas dans ses résultats, cela se comprend aisément dans la mesure où le Malien lambda souhaite voir la suite des résultats aux recommandations comme la justice. L’auditeur interne n’est pas le juge et ne peut donc pas mettre en œuvre ses propres recommandations.
L’ACIAM a-t-elle un bilan dont elle peut se glorifier ? Si oui, le quel ? Sinon, pourquoi après tant d’années d’existence ?
La vision de l’ACIAM c’est un Mali de bonne gouvernance. Dans ce cadre, sa mission est de favoriser l’existence et la pratique de la fonction audit dans les organisations maliennes pour leur développement. L’ACIAM mène un certain nombre d’activités qui comprennent, les séminaires, les conférences débats, les colloques, les formations. De sa création à nos jours, l’ACIAM a fait des efforts pour asseoir sa crédibilité au niveau national et international à travers la réalisation des activités qui contribuent au rayonnement de l’audit et par conséquent à la bonne gouvernance. Et la marque de confiance s’est traduite par la désignation de l’ACIAM depuis 2003 comme membre de sélection du Vérificateur Général. Elle se fixe comme stratégie de promotion de la fonction, la formation de ses membres. Elle a occupé le poste de vice-président d’UFAI « Union Francophone de l’Audit Interne » de 2006 à 2008. Elle a eu aussi le prix Afrique lors de la conférence internationale de Paris en 2008. L’ACIAM, en 2009, a été désignée comme membre du Conseil de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics et des Délégations des Services Publics (ARMPDSP). Elle a également été membre du comité de pilotage du projet d’appui aux institutions d’audit et de contrôle. L’ACIAM a été nommée membre du comité du suivi des résultats des états généraux sur la corruption. L’ACIAM organise chaque année deux séminaires internationaux au cours desquels, elle enregistre la participation des auditeurs du Sénégal, du Niger, du Burkina Faso et de la Guinée. L’ACIAM, pour la première fois, a organisé un séminaire gouvernemental sur le thème « la valeur ajoutée de l’audit interne dans le cadre de l’épanouissement d’une économie nationale ». Elle organise aussi des conférences débats donc en plus des séminaires. Nous avons organisé entre autres des conférences sur le thème « fraude et corruption », « éthique déontologie et rôle d’auditeur » ensuite « le contrôle des finances publiques » en collaboration avec le ministère chargé des Relations avec les Institutions.
Nous avons aussi organisé la conférence francophone de l’audit interne à Bamako avec la participation de plus de 500 personnes venues d’Amérique, de l’Europe et d’Afrique en 2006. Nous participons à des colloques qui sont organisés au niveau national, sous-régional, régional et international. L’ACIAM participe au global forum d’IIA. La dernière, c’était en 2014 à Dakar. Les colloques Maghrébins, le Mali y participe fréquemment. Les formations constituent vraiment notre activité principale. Nous avons réussi à introduire l’Audit dans certaines filières de l’enseignement supérieur et la création de filière d’audit spécialisé au contrôle au Mali. En 2001, nous n’avions pas plus de 40 auditeurs au Mali mais grâce à l’appui du FAFPA et la coopération Suisse, l’ACIAM a pu bénéficier depuis 2002 de la formation de plusieurs de ses membres. 75 membres ont été formés en audit et contrôle de gestion et la formation continue. Quand un auditeur a le CIAE, il est certifié, c’est un label qui lui donne la crédibilité et la confiance et cet examen se passait uniquement aux USA mais avec la confiance placée en notre association, nous avons pu délocaliser cet examen à Bamako. Nous avons formé plus d’une centaine de membres et nous faisons des conférences avec les étudiants. On a pu avoir, avec le gouvernement du Mali, 10 bourses pour les étudiants, et les orienter vers l’Institut Technolab Ista. On nous a donné 4 bourses cette année.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontées dans vos activités ?
C’est une association à but non lucratif. Comme toute association, nous vivons des ressources, des cotisations de nos membres et des recettes des formations. Les cotisations sont à un niveau tellement bas que cela ne peut pas assurer notre fonctionnement, mais nous avons le soutien de l’Etat. Pour pouvoir mener à bien notre mission, il nous faut des ressources financières convainquant.
Parlant des perspectives, peut-on savoir les futurs chantiers de l’ACIAM et l’avenir du métier d’auditeur au Mali ?
Nous avons un certain nombre de chantiers. L’audit est une fonction normée et donc, l’auditeur doit respecter le code d’éthique et de déontologie. Nous avons en perspectives la célébration des 15 ans d’existence de l’ACIAM. C’est depuis 2000 que l’ACIAM est active et opérationnelle. Donc nous voulons célébrez les 15 ans de l’ACIAM cette année. Dans l’espace UEMOA au cours du DPAI, nous allons organiser en 2017 des colloques d’études d’audit interne en Afrique de l’Ouest. Nous avons prévu le lancement de la revue de l’audit interne, qui parlera de l’audit interne. Nous avons des subventions, des bailleurs de fonds qui nous aident. Le jour où ces financements vont s’arrêter, nous sommes en train de réfléchir à comment pérenniser ces formations.
Avez-vous un messager à passer ?
Avant toute chose, je remercie le gouvernement pour nous avoir aidés à développer la stratégie nationale de l’audit interne à travers le contrôle général des services publics. Cette stratégie nationale de contrôle interne qui a été élaborée donne une place à notre fonction. Notre mission, c’est la promotion de l’audit dans les entreprises privées et publiques. Nous remercions le gouvernement pour son appui constant. C’est un devoir pour nous de réaliser notre mission et montrer notre disponibilité pour la sensibilisation et la promotion du contrôle et de l’audit interne dans les entreprises. Nous nous sommes engagés dans la lutte pour un Mali transparent, un Mali meilleur. Et notre devise ‘’c’est le progrès par le partage’’
Propos recueillis par Aoua Traoré