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Le Mal malien : Evitons qu’on parle bientôt du Mali à l’Imparfait de l’indicatif
Publié le mercredi 19 decembre 2012  |  Le Reporter




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Tragédie d’une Nation qui se croyait immunisée contre les cyclones qui, ailleurs, dévastaient. De la grandeur d’hier, celle sémillante de nos empires, nous avons appris le confort de la filiation symbolique. Le Mali se redécouvre vulnérable plus que jamais, corrodé par les démissions individuelles et collectives de ses propres fils. Le professeur feu Kari Dembélé, ancien professeur d’ATT, avant d’enseigner la sociologie et l’histoire des idéologies à l’ENSUP, avait sonné le tocsin, augure d’une révolution malienne menaçant de manger ses propres fils.

Le propre de chaque révolution est non seulement de dévorer ses géniteurs mais aussi d’enterrer ses promesses. D’une dictature culbutée par des hordes mutinées, le vaillant peuple malien, inaugurant le printemps des subversives odes démocratiques avant le sursaut arabe d’aujourd’hui, s’était cru désormais inscrit dans un cycle d’une mue sociétale dont le pluralisme politique se devait écume. Agitée, la mer malienne bouillonnait de mille et une contradictions que nul n’a songé résoudre, de maintes peurs que personne n’a voulu exorciser tant «le courtermisme» le disputait au bal des égos. La société nouvelle que devait produire notre «pérestroïka» tropicale fut, dans l’œuf, étouffée par le règne d’une «mangercratie» devenue nouvelle religion des élites. D’en bas, cette obsession du ventre trouvait échos chez le peuple. L’alternance, mot fétiche, avait oublié sa propre promesse : servait-elle à quelque chose si ce n’est enfanter d’une alternative ? Là est la lie du mal malien.

Les simulacres ont empêché toute production de destin souverain. Les rituels n’ont pas su se hisser à la hauteur des mythes qui fermentent toute nation rêvant, au-delà de l’infrastructure discursive, d’un grand destin. Dans la quête de soi, chacun a oublié l’horizon de la quête nationale, l’éthique qui la nourrit, l’esthétique qui la porte et surtout l’exigence qui la rend possible. L’urgence de penser à laquelle invitait l’éminent juriste camerounais, Maurice Kamto, semblait trouver échos chez feu Joseph Ki Zerbo du Burkina Faso qui dans «A quand l’Afrique ?» avertissait par une cinglante déclaration : si nous nous couchons, nous mourrons ! L’Histoire au Mali avait épousé le visage de l’urgence. La perspective était un souci de mathusalem et nous voilà surpris par le demain de nos présents insouciants, cernés par les armées de nos impensées d’hier. Il ne sert plus à rien de nous mentir si nous n’avons pas définitivement renoncé au symbolisme du phénix. Notre célèbre poète, feu Hamadoun Issébéré a écrit un recueil de poèmes intitulé «les boutures du soleil». Oui, les cendres peuvent avoir un espoir à condition de reconnaître la profondeur du mal. Le nôtre est de lie et d’abysses. Surtout de ne jamais oublier que l’Avenir n’est pas ce qu’on attend. Surtout pas des autres. Il n’est que l’exigeante épreuve conjuguée à la science du collectif. Oui si notre capacité de refus tient encore, régénérée, réveillée et surtout ragaillardie, le Mali ne va pas mourir. Si nous continuons à jouer au cache-cache, tout restera stylistique, mensonges, et évanescence. L’on parlera du Mali à l’imparfait. «C’était le Mali», m’a déjà dit un ami il y a 7 mois, sceptique qu’il était. Le temps est en passe de lui donner hélas raison au moment où l’’autonomie, paraît-il, n’est plus tabou. Et de son expression tragique, j’ai eu la stupeur d’une dissonance cognitive féroce. Aux responsabilités d’hier, nous tissons tragiquement la guirlande de celles d’aujourd’hui. La science que nous semblons avoir le mieux maîtrisée est celle de la transmission de la chaîne de la compromission. Nous savons inventer l’Avenir hypothéqué. Le Mal malien est l’abyssale profondeur de notre démission collective. Nous devons lever l’hypothèque sur le Mali si nous ne voulons pas le voir conjugué à l’imparfait de l’indicatif.

Yaya TRAORE, politiste consultant

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