Le Directeur Général de la CANAM, M. Luc Togo est bien dans l’embarras. Il hérite d’une situation qu’il n’a pas créée. En effet, la CANAM est mise devant les faits accomplis pour avoir acheté en 2010 sous le ministre Sékou Diakité le progiciel-serveur ESQUIF RO dont les techniciens de la CANAM avaient diagnostiqué au plan technique, comme un échec car le système n’était pas adapté. Cinq ans après, la structure est rattrapée par ses mauvais choix du passé. Après une analyse du dossier de l’achat du nouveau progiciel ACTIV PRENIUM par les experts-maison de la Rédaction, nous avons rapproché le Directeur Général de la CANAM, Luc Togo dont nous saluons la disponibilité pour avoir répondu à nos questions, par l’entremise de notre confrère Basidiki Touré. Afin d’équilibrer l’information, nous avons jugé cet exercice indispensable pour permettre à nos lecteurs de se forger leur propre jugement sur cette affaire. Le DG de la CANAM Luc Togo s’explique :
Journal InfoSept : Le Conseil des ministres du mercredi 26 Août 2015 a adopté un projet de décret portant approbation d’un marché de près de 8 milliards FCFA relatif à la fourniture d’un système d’information intégré biométrique et de type web services pour le régime d’Assurance Maladie Obligatoire. En quoi consiste exactement ce marché ?
Luc Togo : Le marché est relatif à un système d’information global intégré et comprend :
Une solution complète d’enrôlement et d’identification biométrique qui contient l’ensemble des équipements et logiciels pour permettre l’enrôlement biométrique des assurés. La fourniture des cartes biométriques avec le logo de la CANAM incrusté à la puce. La fourniture et le déploiement du progiciel de gestion de l’AMO. La fourniture et le déploiement des serveurs et des licences. Le transfert de compétences et l’accompagnement technique. Il est important de noter que le nouveau système d’information de l’AMO est de type web services. Le web service utilise la technologie web et permet la communication et l’échange entre des ressources en mode distribué contrairement à une architecture centralisée. Cela répond à une attente des prestataires conventionnés qui disposent en majorité de l’internet et d’un logiciel.
Journal InfoSept : Et pouvez-vous nous parler de ce progiciel et des nouvelles fonctionnalités qu’il apporte que l’ancien progiciel ESQUIF RO et sa plateforme technique n’avaient pas ?
Luc Togo : Le marché comprend les serveurs, les équipements d’enrôlement biométriques, les imprimantes, les cartes à puces et plusieurs logiciels. La technologie qui supporte ACTIV PREMIUM est ouverte, souple et évolutive. La solution offre plusieurs avantages. L’accès donné aux usagers et aux prestataires aux services offerts par la CANAM et aux informations les concernant à travers le portail web à partir d’internet, entre dans le cadre de la modernisation et la transparence des services publics. Egalement le système de cartes à puces et la télétransmission des feuilles de soins vont simplifier le parcours des soins pour l’assuré et alléger pour le prestataire de soins et de santé conventionné la démarche administrative de paiement de leur facture tout en en réduisant le délai. Par ailleurs, les équipements de lecture et de mise à jour de la carte à puce biométrique permettent à l’agent d’accueil du centre de santé ou au prescripteur de savoir immédiatement si l’assuré à droit à la prestation au titre de l’AMO sans avoir à téléphoner ou à consulter un fichier.
Journal InfoSept : Pourquoi avoir opté encore en 2016 pour un progiciel qui ne sera pas en définitive la propriété de la CANAM et qui pourrait produire le même bug que celui auquel vous renoncez ?
Luc Togo : La CANAM a opté pour un système intégré d’identification biométrique et de type webservices dont le logiciel de gestion de l’AMO n’est qu’un élément. ESQUIF a atteint sa fin de vie après près de vingt années d’existence. Au bout de vingt tout système devient obsolète, même une solution développée en interne. Il est vrai que le progiciel qui est utilisé par d’autres instituions de gestion de l’assurance maladie dans le monde n’est pas la propriété de la CANAM. Cela est valable pour les progiciels, tel est le cas par exemple des logiciels comme OFFICE, WINDOWS, KASPERSKY, NORTON ANTIVIRUS, SAGE COMPTABILITE.etc
Journal InfoSept : Ne pensez-vous pas que la CANAM aurait dû commander un logiciel propriétaire en son nom qui serait spécifiquement conçu pour elle et sur lequel elle aurait tous les droits de propriété intellectuelle ?
Luc Togo : Le progiciel de gestion de l’AMO ACTIV PREMIUM qui n’est qu’une partie du contenu du marché contient les fonctionnalités qui répondent parfaitement aux besoins de la CANAM. La CANAM ne peut pas acquérir les licences de propriété d’un logiciel dont le brevet est détenu par l’éditeur. Les droits de propriété intellectuelle sont protégés. Par contre, il est possible de développer une solution spécifique qui demandera beaucoup de ressources dont le facteur temps. En effet le délai de l’étude, la conception au déploiement de la solution, en passant par la phase de migration des données, est long. Les ressources humaines également doivent être maintenues pendant plusieurs années, ce qui n’est pas évident dans le domaine des NTIC d’une administration publique.
Journal InfoSept : De l’avis d’experts que nous avons contacté, le prix d’achat de ce progiciel parait excessif. Que leur dites-vous ?
Luc Togo : En aucun cas un simple logiciel ne saurait être acquis au montant du marché, ni au Mali, ni ailleurs dans le monde. Il s’agit d’un système d’information intégré à identification biométrique de type web services, avec les cartes à puces, plusieurs matériels et logiciels dont celui de gestion de l’Assurance Maladie.
Journal InfoSept : Pour beaucoup de spécialistes du domaine, la société « CISSE TECHNOLOGIES » serait inconnue du bataillon, elle n’est pas membre de l’Association des sociétés informatiques du Mali qui existe depuis les années 2000. Alors pouvez-vous nous dire quelles sont les raisons qui ont pu motiver le choix de cette nouvelle société ?
Luc Togo : Le fait d’appartenir à l’association des sociétés informatiques du Mali n’est pas un critère d’attribution d’un marché informatique. Le marché a été passé après un appel d’offres ouvert publié dans le journal l’Essor n°17893 du 24 mars 2015. CISSE TECHNOLOGIE a soumissionné et son offre a été retenue car il répond parfaitement aux spécifications techniques du DAO. Les critères relatifs aux solutions informatiques ont été satisfaits par CISSE TECHNOLOGIE qui a l’autorisation des éditeurs, ce qui n’est pas une nouveauté. Aujourd’hui il est fréquent que les éditeurs aient des distributeurs agréés. Le choix de CISSE TEHNOLOGIE mérite d’être encouragé au nom de la promotion des entreprises nationales.
Journal InfoSept : Connaissez-vous le journal InfoSept, la première manchette du Mali spécialisée sur les questions de technologies de l’information et de la communication ?
Luc Togo : OUI
Journal InfoSept : Votre dernier mot ?
L’acquisition d’un système moderne, ouvert et souple produisant des cartes numérisées à identification biométrique par la CANAM, va conforter l’optimisation de l’AMO. Elle s’inscrit harmonieusement dans le processus de mise en place de la couverture maladie universelle qui est le prochain grand chantier du gouvernement dans le cadre de la protection sociale des Maliennes et des Maliens.
Propos recueillis par Basidiki Touré