Dans cette première partie d’une analyse qu’il consacre au Secteur privé malien, le Dr. Etienne Fakaba Sissoko, président du Centre d’analyse politique, économique et sociale (CAPES), trouve d’emblée de jeu que le climat des affaires au Mali reste un obstacle à la création de richesse. Pour lui, la relance de ce secteur passe entre autres par le vote d’une loi décennale de développement du secteur privé, la création d’un secrétariat permanent au développement des petites et moyennes entreprises (PME). Le Directeur du CAPES révèle qu’il faut treize (13) procédures pour créer une entreprise contre seulement deux (02) en Australie et huit (08) au Bénin. Le temps consacré à la création d'une société est de 42 jours contre deux (02) en Australie et 35 au Niger. Pour obtenir une licence au Mali, il faut remplir 17 procédures avec un coût d'obtention de 4903 % contre 175,9 % au Sénégal. Le nombre de signature à l'importation est de 60 contre seulement 9 en Afrique du Sud et 12 au Sénégal. Il faut 61 jours pour importer au Mali et 67 jours pour exporter. En fin les entreprises au Mali paient au total 60 taxes par an contre 35 au Ghana et 40 au Burkina. Analyse d’un des jeunes économistes engagés les plus doués de sa génération.
Les théories économiques nous enseignent que l’investissement est une des conditions préalables, indispensables à la croissance économique. Quand l’investissement est orienté sur le secteur privé, il devient le moteur d’une croissance rapide et durable favorisant ainsi l’entrepreneuriat, toutes choses égales par ailleurs entrainant une hausse de la productivité. Cet enchaînement logique est propice à la création d’emplois et à l’apparition de technologies nouvelles en particulier grâce aux échanges et aux investissements internationaux.
L’existence de marchés concurrentiels et développés est capitale, car ceux-ci favorisent et récompensent l’innovation et la diversification, accélèrent l’entrée et la sortie des entreprises et contribuent à harmoniser les règles du jeu applicables à l’ensemble des acteurs du secteur privé. Le monde des entreprises au Mali est confronté à une multitude de difficultés qui sont d’ordre structurel et conjoncturel lesquelles handicapent sa productivité et n’encouragent pas la création d’entreprise. Au-delà des slogans creux du genre : « secteur privé moteur de la croissance économique malienne », un véritable contenu doit être donné à nos politiques et stratégies économiques pour donner au secteur privé toute la place qu’il mérite pour la création de richesse, condition de l’amélioration du bien-être des populations. Ainsi, pour jouer sa partition en tant que force de proposition du monde universitaire, le Centre d’analyse politique, économique et sociale du Mali (CAPES), dans le souci constant d’aider les politiques publiques dans la prise de décision propose :
§ LE VOTE D’UNE LOI DECENNALE DE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR PRIVE PAR L’ASSEMBLEE NATIONALE : L’enjeu immédiat est l’instauration d’un cadre légal et réglementaire de développement du secteur privé qui n’est pas stable. Une loi de programmation décennale du développement du secteur privé soit votée par l’Assemblée nationale.
§ LA CREATION D’UN SECRETARIAT PERMANENT AU DEVELOPPEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (PME) :
La gestion du portefeuille des investissements et du développement du Secteur privé a été l’objet pendant ces deux dernières décennies de plusieurs mutations au cours des gouvernements successifs que la République du Mali a connues. Ces instabilités institutionnelles (non souhaitables d’ailleurs) ont et continuent engendrer une instabilité normative. Pour y remédier, il est donc urgent qu’une structure stable soit créée pour la gestion et le développement du Secteur privé au Mali. C’est pourquoi le CAPES propose la mise en place d’un Secrétariat permanent au développement des petites et moyennes entreprises (PME). Avec un tel Secrétariat, une solution pérenne aux problèmes du secteur privé sera ainsi trouvé dont les plus grandes difficultés sont entre autres :
Les lenteurs dans les procédures administratives et de dédouanements
Pour le dédouanement des marchandises en République du Mali, Il faudrait en moyenne huit documents contre cinq en Côte d’ivoire. Une étude de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA) fait remarquer au Mali des réglementations compliquées, des droits de propriétés non solides, une protection sociale inadaptée, des taxes trop élevées et des infrastructures peu adaptées.
La lourdeur et les coûts élevés des procédures de création d’entreprises au Mali.
A titre illustratif, il faut treize (13) procédures pour créer une entreprise contre seulement deux (02) en Australie et huit (08) au Bénin. Le temps consacré à la création d'une société est de 42 jours contre deux (02) en Australie et 35 au Niger. Pour obtenir une licence au Mali, il faut remplir 17 procédures avec un coût d'obtention de 4903 % contre 175,9 % au Sénégal. Le nombre de signature à l'importation est de 60 contre seulement 9 en Afrique du Sud et 12 au Sénégal. Il faut 61 jours pour importer au Mali et 67 jours pour exporter. En fin les entreprises au Mali paient au total 60 taxes par an contre 35 au Ghana et 40 au Burkina.
Il faut donc un renforcement du guichet unique au niveau de l’APIM en ouvrant des portails électroniques au Mali et à l’extérieur dans les Ambassades et Consulats en vue de traiter avec célérité les dossiers.
§ L’INSTAURATION DU STATUT DE L’ENTREPRENANT
Le statut de l'entreprenant a été conçu afin de stimuler la création sans complications ni tracasseries d'entreprises, faciliter le passage des opérateurs du secteur informel vers le secteur formel et, par contrecoup, réduire progressivement la taille des circuits économiques dits de survie. Au-delà, et au second degré, sa vocation est de permettre aux gens qui entendent « se lancer dans les affaires » d'effectuer en quelque sorte un essai, donc finalement de se donner le temps d'observer l'évolution de leur activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole, et de ne poursuivre l'exploitation de celle-ci que dans l'hypothèse où un minimum de certitude est acquis au sujet de sa prospérité.
Ramené au contexte malien, nous relèverons que seuls les contribuables du secteur formel supportent l’impôt. Il s’agit d’entreprises régulièrement inscrites au niveau de l’administration fiscale qui leur affecte un numéro d’identification fiscale (NIF).
Pourtant, les entreprises du secteur informel, qui ne contribuent que pour une part infime aux recettes fiscales, représentent un pourcentage assez élevé d’agents économiques dans les pays de l’UEMOA. L’avantage étant pour ces travailleurs informels l’absence d’impôts et la création d’emplois refuges. Toutefois, des inconvénients considérables sont à redouter à deux niveaux : pour ces travailleurs, ce sont des salaires précaires et l’absence totale de couverture sociale ; pour l’Etat, ce sont des recettes fiscales en moins et l’explosion de la concurrence déloyale. Cet état de fait constitue donc un manque à gagner énorme pour les Etats, d’où l’impérieuse nécessité de les identifier en vue de les imposer avec à la clé des mesures d’accompagnement et d’incitations. Sous ce rapport, les innovations introduites par deux pays de la sous-région semblent édifiantes. Il s’agit du Sénégal et du Benin.
(A suivre dans nos prochaines éditions)
Dr. Etienne Fakaba Sissoko
Economiste, chargé de cours à l'Université de Bamako
Directeur du Centre de recherche et d'analyse politique, économique et sociale