Le jeudi 10 septembre 2015, la liste RPM pour le Conseil régional dirigée par Malick Alhousseini Maiga et les listes communales de Gao, Gounzoureye et Gabéro, portées par le mandataire officiel du RPM pour la région de Gao, ont été récusées par le Gouverneur, puis par le Préfet, sur instruction du ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation.
Notre correspondant, dans cette enquête exclusive, tente de faire comprendre aux lecteurs de 22 Septembre les dessous rocambolesques de la guerre fratricide entre militants, de coups bas entre hauts responsables, de tentatives d’élimination politique ayant conduit à la situation surréaliste de la nuit du 10 septembre 2015, où le commandement, risquant son honneur et sa dignité, mais aussi sa position, a dû prendre parti. Récit.
La fin avortée de la conférence de renouvellement de la section RPM de Gao et le chronogramme des élections ont dessiné la configuration de la bataille politique que s’apprêtent à se livrer les fils de Gao pour le contrôle du Conseil régional, véritable temple du pouvoir dans le schéma institutionnel post-Accord d’Alger.
On se rappelle que, le 17 août, cette conférence, présidée par le ministre Abdrahmane Sylla, a abouti à la démission de la section sortante, mais ne parvint pas à mettre en place un nouveau bureau. Le RPM découvre que, non seulement il ne dispose pas de section, cadre de préparation de la liste des candidats conseillers régionaux, mais que l’échéance finale du 10 septembre était immuable.
C’est ainsi que, dès le 24 août 2015, les sous-sections régulières de Gao, Gounzoureye et Gabéro ont convié les autres sous-sections (N’Tilitt, Tilemsi, Anchawadj, Soni Ali Ber) pour créer une Commission de travail qui, en rapport avec les sections de Bourem, Ansongo et Ménaka, devait établir une liste de candidats conseillers régionaux du RPM.
Cette démarche, d’après le Président de la Commission, Moustaph Boncana, a eu l’onction du BPN et a eu des échanges avec les autres sections: Bourem, Ménaka, Ansongo. La Commission a fixé ses fondations sur des problèmes. Deux candidats étaient en lice pour la présidence du Conseil régional de Gao.
D’un côté, Hamidou Issoufi Maiga, l’édile du ministre Abdoulaye Idrissa Maiga, soutenu par les sous-sections parallèles. Ce professeur de lettres des écoles secondaires, retraité et installé en France, a fait sa carrière politique à l’Adema. Bénéficiant de la faveur et de l’arrivée au pouvoir de son cousin AIM, il arriva exprès de Paris pour participer à la conférence régionale du 25 mai, finalement annulée par le BPN/RPM.
Il eut le temps de se refaire une virginité politique, parce que ses parents de Farandjirey (le quartier natal du ministre) mirent en place un comité parallèle RPM et en firent le Secrétaire Général.
Ce projet pose problème jusque dans les rangs d’AIM. Et pour cause! Le labo politique d’AIM n’a jamais produit que des hybrides, qui ont laissé les populations de Gao sur leur faim. En effet, le trio RPM à l’Assemblée nationale (Aguissa Touré, Ibrahim Dicko et Alhoussouna Touré) a comblé toutes les attentes sur son incapacité à représenter Gao à l’Hémicycle, déçu les plus inconditionnels sympathisants à constituer une équipe alternative aux députés ADEMA sortants, que la Cour constitutionnelle a broyés pour faire plaisir à AIM.
Gao ne pardonne ni au ministre ni même à Hamady Tamba Camara, aux affaires à la Cour constitutionnelle, à cette époque. De l’avis des populations de Gao, le simple souvenir d’Assarid Ag Imbarcawane leur est plus bénéfique que l’action combinée des députés «bois mort», selon un sobriquet créé par le ministre lui-même lorsqu’il lançait que, même s’il présentait du bois mort comme candidat, ca passerait.
D’autre côté, les sous-sections reconnues par le BPN/RPM ont choisi comme candidat Malick Alhousseini Maiga, Ingénieur Hydraulicien, ancien ministre. L’action de ce brillant ingénieur comme Directeur National de l’Hydraulique, Secrétaire Général au Ministère de l’Equipement et des Transports, puis comme ministre chargé de la Décentralisation, a assis la conviction des populations de Gao sur son patriotisme et sa capacité d’impulser le développement.
D’un contact facile, d’une intelligence pointue, l’ancien cadre du PDES a adhéré au RPM au domicile d’IBK, en présence de Mme IBK et de Karim Keïta, à la veille des élections présidentielles dernières. L’homme dont IBK a personnellement assisté à la fête d’intronisation politique à Gao, et que le Président a appelé les cadres du RPM à considérer «comme s’il était avec nous depuis le début», a été l’artisan de la victoire du RPM à Gao. Incontestablement.
Et aux élections présidentielles. Et aux élections législatives. Pour ces dernières, si les avocats du RPM ont eu le courage de contester le score plébiscite de l’ADEMA, au regard du compte à trois chiffres en faveur des députés bois mort, c’est que les résultats de Gounzoureye, dont Malick A Maiga est natif, Conseiller communal et chef coutumier, ont permis d’apporter la lumière.
Mohamed Maiga Inge, membre de la sous-section de Gao, nous assure que l’émergence de cet homme, de loin le plus jeune parmi tous les prétendants au Conseil régional, est la cause du branle-bas dans un certain cercle des obligés d’IBK. La haine dont il est l’objet dans certains cabinets est le profil de la jalousie, de la peur de la fin des passe-droits, a-t-il renchéri.
Selon les tenants du siège, toute cette cacophonie de leurs adversaires, toute cette paranoïa, est la peur de l’émergence sur la scène d’un bâtisseur comme Malick Alhousseini Maiga. Mais ca va se savoir, promettent-ils aux habitants de Gao.
Voici le problème qui divise le RPM à Gao, dit Moustaph Boncana. Ce n’est ni un problème de Tréta, ni un problème de leadership pour le poste de Secrétaire Général du BPN/RPM. Cette confusion est savamment entretenue pour amortir la chute de nos adversaires, qui pourra ainsi être revêtue d’un bémol de gloire, puisque ce ne serait pas nous, mais la main invisible de Tréta.
Non. Non. Non. Car, nous sommes à Gao. Les élections se dérouleront à Gao, et pas ailleurs. Les électeurs sont ceux de Gao, et pas d’ailleurs. Mais, préviennent-ils, nous ne sommes pas en campagne, nous sommes en train de déposer les listes. Le meilleur est donc à venir.
La suite dialectique de l’action de la Commission est une conférence régionale, pour la tenue de laquelle le BPN a donné son aval et qu’il a promis d’apprécier, sur la base du rapport des travaux. Nous sommes le 08 septembre 2015.
Pendant que les préparatifs de la conférence allaient bon train, le vol quotidien de la Minusma, devenu le Sotrama du MATD, débarque une délégation, constituée de l’Honorable Aguissa Touré, d’Ibrahim Ag Igbaltanat, SG de la section de Ménaka, candidat à la présidence du Conseil régional et d’autres.
La délégation posa ses valises au siège du parti ASMA, à deux carrés de celui du RPM, et entreprit de travailler à une alliance ASMA, RPM, ADEMA et PDES, derrière une tête de liste arrêtée, Hamidou Issoufi Maiga. De là vont pousser deux bourgeons assassins pour la pépinière.
En effet, Ibrahim Ag Igbaltanat, professeur en retraite, cadre d’ONG, vénérable membre de la société civile, avait déclaré sa candidature aux responsables du parti, par le truchement de l’Honorable Bajan Ag Hamatou. Ainsi donc, la veille de son départ à la Mecque, Bajan est passé voir le ministre et lui dévoiler le candidat de Ménaka. Abdoulaye Idrissa Maiga se serait emporté comme une fièvre, exprimant sa déception que le petit-fils de l’Amenokal Firhoun vienne lui proposer un Bellah comme futur Président du Conseil régional.
Bajan a rapporté l’entrevue à Igbaltanat, qui a pris acte et averti que Ménaka avait entendu. Il est donc aisé de comprendre pourquoi la mission de Aguissa Touré a échoué, Ag Ibaltanat lui ayant claqué la porte au nez en découvrant la tête de liste, encore et toujours l’inconnu Hamidou Issoufi Maiga.
Bourem, qui a été courtisée par la mission, et qui a failli même céder, découvre une ambition inattendue en son sein, celle de Mohamed Ould Idriss, Président sortant du Conseil régional. Le problème, c’est que le ministre, qui est prêt à utiliser ce chef de communautés très respecté pour mobiliser l’électorat arabe, le considère en off comme rebelle et tragiquement incompétent.
Le second point de la mission d’Aguissa Touré va être mis en œuvre dans la nuit du 10 septembre, à l’occasion du dépôt des listes de candidatures. L’Honorable député remit au Directeur de cabinet du Gouverneur un message par lequel AIM contestait la procuration de mandat délivré par le BPN/RPM. Et d’instruire au Directeur de cabinet de récuser toute liste qui ne serait pas transmise par les soins exclusifs du même Aguissa Touré.
La suite des événements est aussi ahurissante que révélateur d’une agréable surprise pour les Maliens: des rangs des serviteurs de l’Etat, il reste des femmes et des hommes pétris de dignité et soucieux de leur honneur. En effet, Monsieur Bany Ould Mohamed Cissé, Conseiller aux affaires administratives et juridiques du Gouverneur de Gao, a bel et bien été instruit de rejeter la liste RPM conduite par Malick A Maiga.
Malgré des coups de téléphone menaçants, en présence du mandataire officiel du RPM, le cadre a préféré appliquer les dispositions de la Loi électorale et a reçu le dossier contre récépissé.
Le Préfet de Gao, Zoumana Dembélé, a été saisi au téléphone par le ministre Abdoulaye idrissa Maiga lui-même, entre 23 h 45 et 01h du matin, pour lui défendre de recevoir les listes de candidature des sous-sections régulières de Gao, Gounzoureye et Gabéro. Lorsque le Préfet lui a dit textuellement la teneur de sa conversation avec le ministre, ça a provoqué une vague d’hilarité dans la salle. Mais un membre de la commission, dont nous tairons le nom, a rapporté qu’à huis clos, ce Minianka, quinquagénaire, a dit qu’il ne savait pas mentir, qu’il ne pouvait pas mentir.
A Me Sanogo, Huissier de justice commis par le RPM, il a dit qu’il n’y avait pas refus de prendre les dossiers. Vers 01 h 50, c’est un homme amer de déception qui convoque les membres de la commission en conclave et leur dit qu’au regard de la Loi, il n’avait aucune raison de ne pas accepter les listes en question, mais qu’il était sous ordre et que le ministre lui demandait de les rejeter.
Le représentant de la société civile, Aliou Dicko et celui de la CENI locale, Ibrahim Harouna Touré, lui ont conseillé de suivre sa conscience. Après 30 secondes de réflexion, il demanda d’introduire en salle le mandataire du RPM, Mohamed Assalia dit Tondi, pour la vérification de conformité et le dépôt légal des listes.
Au moment où nous mettions sous presse, il nous est revenu, de source bien introduite, que le ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation avait adressé un message, ce samedi 12 septembre, au Gouverneur de Gao, pour demander le retrait de toutes les listes de candidature non autorisées par l’Honorable Aguissa Touré.
A suivre donc
Salam Maiga, correspondance particulière depuis Gao