Quand une radio internationale est financée essentiellement par le ministère des affaires étrangères de son pays, on ne peut pas s’attendre à entendre autre chose que « la voix de son maitre ». Et cette voix a parlé : les élections communales et régionales n’auront pas lieu à la date indiquée du 25 octobre au Mali. Bien sûr, les autorités maliennes, qui ne peuvent pas faire autrement que de suivre, essayent de donner le change. Selon le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, le gouvernement reste ouvert à toutes les propositions venant de la classe politique, or, à part le RPM qui entend confirmer sa suprématie absolue en termes d’élus à tous les niveaux, les partis politiques, de l’Opposition comme de la Majorité présidentielle et du Centre, sont tous pour un report de ces scrutins. Samedi dernier, ce sont également les mouvements républicains de la Plateforme qui sont montés au créneau pour demander, eux aussi, le report de ces scrutins. Ils ont laissé entendre que tous leurs bras valides sont mobilisés sur le terrain, et que dans les localités il ne reste plus que les vieillards, les femmes et les enfants.
Enfants gâtés de la République
Mais, visiblement, ce n’est pas parce que depuis quelques temps les responsables des partis politiques ou de la Plateforme plaident pour ce report que la communauté internationale, drivée par la France en ce qui concerne le Mali, met la pression sur le gouvernement malien pour un report de ces scrutins, c’est parce que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), les enfants gâtés de la République, ne s’accommode pas de la date fixée « unilatéralement » par le gouvernement. Pour légitimer leur prise de position en faveur du report des scrutins, les mouvements rebelles terroristes avaient pris contact avec le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, président de l’Urd, qui n’a pas manqué l’occasion d’adhérer au projet d’embêter une fois de plus le pouvoir. Il a aussitôt été suivi par les responsables d’autres partis politiques de l’Opposition. En l’occurrence, Tiébilé Dramé du Parena, dont la position sur la participation des régions du nord à tous les scrutins est connue. En 2013, pendant que la plupart des candidats à la présidentielle clamaient leur refus de participer au scrutin tant que Kidal ne serait pas libérée, le président du Parena a été le seul à retirer sa candidature jugeant que les conditions d’un scrutin inclusif n’étaient pas réunies. Tous les autres, notamment Soumaïla Cissé et Modibo Sidibé des Fares, se sont dédits.
Des préférences malsaines
Les mouvements rebelles terroristes auront donc ce qu’ils veulent : le report des élections communales et régionales et leur implication dans la fixation d’un nouveau calendrier électoral. Ils ont le soutien du maitre qui n’a jamais caché ses préférences entre un président plébiscité par son peuple et des bandes de criminels de guerre, de criminels contre l’humanité, de terroristes, de narcotrafiquants. Récemment à Alger, le président du sénat français, Gérard Larcher, qui doit avoir plus d’une corde à son arc mais qui tire si mal, a déclaré que la communauté touarègue a besoin d’une reconnaissance politique et légale sur son territoire. Si Larcher s’était donné la peine de se renseigner auprès de ses hôtes algériens, il aurait su que les Touareg et les autres communautés des régions du nord ont toujours vécu en bonne intelligence, que s’ils ont été obligés de s’exiler ou de se déplacer c’est parce que des groupes rebelles terroristes ont cru intelligent de prendre les armes, aidés par des mouvements jihadistes et salafistes, contre le pouvoir central. Et ces groupes rebelles terroristes sont constitués essentiellement de Touareg auxquels se sont joints quelques sédentaires perdus.
Ce que les uns et les autres semblent perdre de vue, c’est que ces élections sont nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, elles doivent permettre de construire la base de la nouvelle architecture politique et institutionnelle, cette base étant les régions. Au lieu d’aller à cela au plus tôt, on met en avant des dispositions de l’Accord selon lesquelles une période transitoire de dix-huit à vingt-quatre mois est nécessaire. Pour faire quels ajustements ? Serait-on en train de revenir au projet du président ATT de revoir toute l’architecture institutionnelle et politique du pays ? Si c’est le cas, le gouvernement, la CMA et la Plateforme n’ont plus qu’à se référer aux résultats des travaux de la Commission Daba, nul n’est besoin de réinventer la roue.
Cheick TANDINA