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L'Indépendant N° 3169 du 20/12/2012

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… le Chérif de Nioro du Sahel Mohamédoun Ould Cheichna Hamala brise le silence : «Je suis opposé à toute intervention militaire étrangère au Mali»
Publié le jeudi 20 decembre 2012  |  L'Indépendant




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Dans un entretien qu’il a bien voulu nous accorder le Chérif de Nioro du Sahel Mohamédoun Ould Cheickna Hamala brise le silence. Il nous parle de la crise sécuritaire et institutionnelle, son refus d’une intervention étrangère. Le guide spirituel des tidjanis de Nioro du Sahel nous parle aussi de ses rapports avec les militaires, le président Dioncounda Traoré, le Haut conseil islamique…

Depuis quelques mois vous êtes assez fréquent à Bamako. Qu’est ce qui explique cette navette entre Bamako et Nioro. La situation actuelle y est pour quelque chose ?

Mohamédoun Ould Cheickna Hamala : Je vous salue pour avoir effectué le déplacement chez moi et m’interroger sur certaines de mes prises de position sur la crise que traverse notre pays. Il n’est pas dans mes habitudes d’accorder des interviews ou de passer par la presse pour me faire comprendre. Mais quand l’opportunité se présente, je ne vois pas d’inconvénient à me prêter à vos questions.

Depuis trois ans, je suis de plus en plus régulier à Bamako. Ma première visite remonte à l’adoption par l’Assemblée nationale du code des personnes et de la famille. Et la seconde s’est effectuée après le coup d’Etat du 22 mars. Je suis là depuis une vingtaine de jours pour ma troisième visite. Je vous précise qu’après le coup d’Etat, j’avais quitté Nioro pour Kati à la demande des militaires. Après la fête de Tabaski, je suis à nouveau de retour à Bamako. La visite est liée en partie à la crise que traverse le Mali.

Quand vous avez été à Kati, qu’est ce qui s’est passé entre vous et les militaires. Les conseils que vous leur avez donnés ont-ils été suivis ?

M.O.C.H : Permettez-moi de ne pas m’aventurer sur ce sujet. C’est purement confidentiel. Nous avons échangé dans la plus grande courtoisie et nous nous sommes compris. Lors de mon deuxième passage, j’étais venu de mon propre chef sans y être invité. Il a été question de l’élargissement du gouvernement pour permettre à chaque malien d’en faire partie. Les militaires ont accepté ma requête sans être réellement convaincus, je l’ai senti en eux. Mais s’ils ont accepté, s’ils n’ont pas daigné me dire non, c’est par respect pour ma personne.

Qu’en est-il des concertations nationales devant permettre aux Maliens de parler le même langage ?

C.O.C.H : Les organisateurs sont passés me voir pour me remettre les termes de référence des assises. Parmi eux, il y ‘avait les représentants de la société civile, certains religieux et les politiques. Je n’ai pas aimé le principe et j’étais réticent. Au départ personne ne m’avait contacté pour me parler de ces assises. J’ignorais de quoi il sera question. Je pense que pour une rencontre d’une grande portée historique si elle venait réellement à se tenir, il était judicieux que tous les fils du pays soient associés et que tous soient au même niveau d’information. C’est pourquoi, j’ai tenu à être là présentement pour faire part de mes réserves.

Les plus hautes autorités du pays vous rendent régulièrement visite. Elles viennent solliciter vos conseils. Quel type de rapport vous entretenez avec ces responsables ?

C.O.C.H : Le Président de la République Dioncounda Traoré est venu chez moi trois fois. La deuxième fois quand je m’apprêtais à aller à Nioro du Sahel pour la Tabaski. La dernière fois qui est fort récente, il était venu me saluer après mon retour. Nous entretenons de très bons rapports. C’est un homme humble qui écoute avec attention sans vous dire non même s’il n’est pas du même avis que vous.

Pendant la période du mandat constitutionnel des quarante jours, nous ne nous sommes pas vu. Mais après cette période, je lui ai fait part de mes objections. Je lui ai dit vertement que si c’est pour perpétuer l’ancien système, je ne suis pas avec lui. Mais s’il est réellement animé de bonne foi et qu’il compte travailler dans l’intérêt général du peuple sans discrimination, il peut compter sur nous. Si jamais les actes posés ne vont pas dans l’intérêt du peuple, nous allons dénoncer.

Que dire de vos rapports avec le Haut conseil islamique et les leaders religieux du pays?

C.O.C.H : Le Haut conseil islamique est l’association qui fédère l’ensemble des musulmans du pays. Pris dans ce sens, il va sans dire que je me reconnais à travers cette organisation. Je me suis surtout rapproché du HCI au plus fort de la crise ayant trait au Code des personnes et de la famille.

Quand les responsables de l’association m’ont contacté pour me demander de les accompagner dans ce combat, j’ai posé mes conditions. Il s’agissait de s’opposer à tout ce qui portait atteinte à l’islam, de ne pas s’immiscer dans tout ce qui ne touche pas à la liberté de culte des fidèles. J’ai aussi demandé à ce que la lutte que nous menions contre l’adoption du Code des personnes et des familles, soit pacifique. Mes visiteurs ont accepté mes exigences. C’est à partir de cet instant que remontent mes rapports directs avec le HCI. S’agissant des leaders religieux, j’ai de très bons rapports avec tous.

Certaines de vos prises de position ne sont pas souvent comprises du grand public. Nous avons été surpris de voir vos disciples marcher aux côtés de la COPAM pour dénoncer l’envoi des troupes étrangères. Alors que celles-ci viennent en appui à l’armée malienne ?

C.O.C.H : Je suis opposé à toute intervention militaire étrangère au Mali. Je l’ai dit au Président de la République, au Premier ministre et aux militaires. J’ai tenu à faire savoir ma position. C’est pourquoi lors de la marche, j’ai demandé à tous les Hamallistes de sortir massivement.

L’armée malienne à elle seule ne peut pas chasser les occupants. Le Mali est membre de la CEDEAO et a paraphé des accords avec les pays membres.

C.O.CH : Je vous dirais les raisons pour lesquelles j’ai dit que je suis contre. Les accords auxquels vous faites allusion, je ne les connais pas. Ces domaines ne relèvent pas de mes domaines de compétence. Ces questions relèvent de l’exécutif. La décision de l’envoi des troupes étrangères au Mali a été prise sans les Maliens. Le sujet a-t-il été soumis à l’approbation du peuple. Non. Y’a-t-il eu un débat pour recueillir les avis des uns et des autres ? Qui a pris la décision au nom du peuple ? Est-ce le Président de la République ? Si c’est lui, sachez que les Maliens ne l’ ont pas mandaté pour ça. Les militaires ? Ils sont mal placés pour prendre une telle décision parce que ce ne sont pas eux qui dirigent. Où le premier ministre Cheick Modibo Diarra ?

Ceux qui incarnent les trois structures sont mal placés pour décider à la place du peuple. La question d’une intervention étrangère nous a été imposée. Je pense qu’en dehors d’un pouvoir légitime, il appartenait au peuple d’en décider.

Dans ce cas, quelle option privilégiez-vous pour le règlement de la crise du nord ?

C.O.CH : Je suis un fils de ce pays, un citoyen comme tous les autres. Mais par la grâce de Dieu, je jouis d’une grande notoriété. Mon opinion compte beaucoup en pareille circonstance. Si la majorité des Maliens venaient à prendre une décision qui contrarie mes convictions, je me rangerais du côté de la majorité. Etant donné qu’il n’en est pas ainsi, je reste fidèle à mes propres convictions. Je préfère de loin la négociation à la guerre. Cela ne signifie pas qu’il faut renoncer à la guerre. Mais la guerre ne doit être que l’ultime alternative.

La moitié du pays est annexée. Et les populations subissent le martyr. Admettons que les troupes étrangères viennent au Mali. C’est bien dans la partie sud du pays qu’ils vont débarquer. Moi, je perçois cela comme une autre forme d’occupation et les groupes armés, la population se verra prise en otage. Les pertes peuvent être assez lourdes en termes financiers mais aussi en vies humaines, les autres qui ne sont pas de chez nous vont partir. La période des annexions est révolue.

Les négociations ne datent pas d’aujourd’hui. Depuis l’indépendance, le même problème persiste. Les négociations n’ont guère été concluantes, n’y a-t-il pas une limite à tout ?

C.O.C.H : Je ne peux que me prononcer sur ce que je sais. Les différents Présidents de la République du Mali ont eu à gérer différemment la question touarègue. La crise actuelle est différente des précédentes crises qui ont affecté le nord. Les agitateurs d’aujourd’hui réclament une autodétermination et disent avoir été marginalisés. Ils sont aidés dans ce combat par d’autres groupes armés venus d’ailleurs. Si Modibo Kéita avait su gérer ce problème depuis les premières heures de l’indépendance, on’y aurait pas eu tout ça.

Après, certains sont partis en Libye rejoindre l’armée de Mouammar Kadhafi dans son combat contre le Tchad. Après ce conflit, il y a eu d’autres mouvements au nord, l’armée est intervenue. Depuis, le nord a connu une période de stabilité. Les rapports entre Kadhafi et Moussa Traoré y ont beaucoup contribués. Après 1991, et la période de la transition, Alpha Omar Konaré a accédé au pouvoir. Il était très avisé et intelligent. Il a su contenir la révolte des touaregs. Chaque fois que ces derniers voulaient se soulever, il intéressait les meneurs. Amadou Toumani Touré par contre n’avait pas les armes nécessaires pour faire face à la situation.

Pourtant Amadou Toumani Touré a beaucoup investi dans ces régions, avant lui, les autres chefs d’Etat avaient fait de leur mieux. Peut-on continuer à donner toujours de l’argent pour faire taire les meneurs, il n’y a pas une fin à tout?

C.O.C.H : Je suis mal placé pour me fait dire que les modalités de traitement n’ont toujours pas été clarifiées. Les cadres touaregs pensaient que ce qu’on leur donnait était pour eux. Alors que les gouvernements successifs du Mali pensaient investir dans le développement.

On vous dit favorable à la création d’un parti politique

C.O.C.H : Si je devais créer un parti politique, ce sera le Mali et mes militants s’appelleront des Maliens. Mettons-nous ensemble pour faire face à la situation actuelle.

Il se raconte partout que vous ne payez pas d’impôt et que certains de vos enfants font le trafic. Qu’en est-il ?

C.O.C.H : Si on est innocent et que l’on est convaincu de l’être quelles que soient les accusations qu’on vous porte, vous restez impassible. Nous n’avons rien à nous reprocher. J’ai connu tous les de la sorte. Ces médisances ne me surprennent guère. Que n’a-t-on pas dit sur le prophète (psl). On a dit de mon propre père Cheickna Hamala qu’il n’est pas musulman. Soyons juste et honnête dans tout ce que nous faisons Dieu nous assiste.

Pour finir, je demande aux autorités principalement au Président de la République de doter l’armée malienne d’équipements pour qu’elle soit à hauteur . Le premier ministre doit s’entendre avec le président de la république pour qui leur sont assignées. Que les deux personnalités ne cherchent pas à abuser du peuple, qu’ils l’associent dans chaque prise de décision et qu’ils évitent de privilégier une poignée de gens au détriment de la majorité. A tous ceux qui viennent me voir qu’ils ne s’imaginent pas se servir de moi pour asservir le peuple. Je suis pour l’intérêt du peuple. Je ne serai pas le complice des fossoyeurs du peuple.

Interview réalisée Abdoulaye DIARRA, Youssouf CAMARA

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