La Maison des Aînés de Bamako a abrité le samedi dernier une conférence de presse animée par le chef de file de l’opposition malienne, l’honorable Soumaïla Cissé. C’était en présence de plusieurs ténors de l’opposition, parmi lesquels Tiébilé Dramé du PARENA, Amadou Abdoulaye Diallo du PDES et Amadou Koïta du PS-Yélen-Coura. L’honorable a dénoncé la mal gouvernance, des dérives financières, des rétro-commissions, la corruption et le népotisme qui ont entaché les deux ans du pouvoir d’IBK, avant de déclarer : « On ne change pas une société par des mots ».
D’entrée de jeu, le Chef de file de l’opposition, l’honorable Soumaïla Cissé, a déclaré qu’au jour du 4 septembre 2013, le Président de la République prêtait serment avec un atout majeur : une grande confiance des maliens et de la communauté internationale. Laquelle confiance qui méritait une vision ou tout au moins un agenda pour la résolution des problèmes du pays. En cette date, a-t-il assuré, l’armée malienne et l’administration étaient sur l’ensemble du territoire national, tous les partenaires techniques et financiers étaient de retour et avaient déjà fait preuve d’une grande solidarité pour une relance durable de notre économie. L’accord d’Ouagadougou ayant balisé le terrain en fixant un calendrier précis devant aboutir à une paix et une réconciliation durables dans des délais raisonnables.
Selon l’honorable Soumaïla Cissé, de cette date à nos jours, le seul mot résumant le bilan du régime actuel est la « désillusion » : désillusion pour les populations qui vivent en zone occupée notamment à Kidal; désillusion par rapport aux attentes des maliens de l’intérieur et de la diaspora. Et à l’honorable d’ajouter que « cette déception est aggravée par de gros scandales relatifs à l’achat de l’avion présidentiel, aux équipements de l’armée, aux engrais frelatés, aux marchés surfacturés, aux logements sociaux, à l’insécurité, à l’impunité, à la cherté de la vie, entre autres difficultés que vivent les populations ».
IBK a raté la coche
Le président de l’URD estime que le Président IBK a raté l’occasion d’un rendez-vous historique avec le peuple malien, lors de sa conférence de presse à la télévision. « En cette période dramatique et incertaine pour notre pays, une intervention succincte était attendue par tous nos compatriotes pour leur permettre, par des explications claires et précises, de mieux comprendre la situation désastreuse par rapport à celle du 4 septembre 2013. Ce qui est loin d’être le cas », a-t-il expliqué.
Appréciation erronée des problèmes militaires
En ce qui concerne l’équipement militaire, l’honorable Cissé, réagissant aux propos du chef de l’Etat selon lequel les des efforts consentis en faveur de l’armée ont permis de donner à “chaque élément ses trois tenues“, dira qu’auparavant on voyait des “soldats dépenaillés” avec des treillis totalement usés. Ce qu’IBK reconnaîtra plus tard, que la tâche est loin d’être satisfaisante, ajoutant qu’il faut continuer à équiper et former nos soldats. « De telles déclarations constituent une erreur d’appréciation de la réalité, voire une faute sinon une insulte à l’intelligence de nos compatriotes qui vivent le martyre, bref une erreur et une faute du Chef Suprême des armées », a indiqué Soumaïla Cissé. Ainsi, l’URD rappelle tout simplement qu’il ne suffit pas de donner à son armée des tenues correctes et rutilantes pour lui permettre de se battre contre l’ennemi. Plutôt, Les forces armées doivent être dotées de tous les moyens nécessaires pour défendre l’intégrité territoriale. Pour lui, la déclaration d’IBK selon laquelle “nulle part au monde il n’y a la sécurité absolue” n’est pas de nature à rassurer les citoyens maliens au regard de l’insécurité exacerbée et insupportable qui s’est installée dans leur quotidien. C’est une excuse trop légère voire provocatrice, ajoutera l’honorable, au regard du contexte d’insécurité actuel de notre pays.
Insuffisances dans l’Accord pour la Paix
Parlant de l’accord de paix, l’honorable Cissé a fait savoir que le Président n’en reconnaît ni les insuffisances ni les difficultés actuelles liées à son application, mais continue d’indiquer que depuis la signature de l’accord, “les choses bougent, la mise en œuvre d’un accord n’est pas facile, mais nous sommes tous décidés à concrétiser ses engagements… Tout le monde est conscient qu’il faut hâter les choses“. Ce que Cissé qualifie d’« une fuite en avant » d’IBK, avant de regretter l’insuffisance de la mobilisation autour dudit accord et son application ardue et chaotique.
Concernant l’économie, l’honorable Cissé a dit que le grand commentaire fait par le régime sur le taux de 7,2% de croissance en 2014 est à relativiser, car « il ne s’agit pas d’une performance particulière car le taux de croissance d’une année normale est toujours très élevé par rapport à une année précédente mauvaise ou de crise ; Il n’a pas infléchi le taux de pauvreté qui reste toujours de 46% en 2014. La vie reste toujours très chère et le chômage encore endémique ». Quid des 200 000 emplois promis aux jeunes lors de la campagne présidentielle. Non seulement le Président ne répond pas directement à la question, il répond qu’on fera plus tard le bilan et qu’en attendant, les jeunes devraient accepter de se former. L’URD note que les jeunes ne demandent qu’à travailler, non pas nécessairement aux bureaux comme l’a soutenu le Chef de l’Etat. Comme on peut donc le constater, affirme l’honorable, à part des incantations sur l’agriculture et l’affirmation d’un volontarisme verbal stérile, aucune perspective sérieuse n’a été esquissée, tout s’explique aisément par l’absence de leadership, de programme et de vision. Résultats : « cacophonie gouvernementale, improvisation et faux coups d’éclat à l’image des casses sélectives dans l’immobilier et des nominations intéressées et incohérentes ».
Pour finir, l’honorable Cissé estime que toutes les questions pertinentes de l’heure sont passées sous silence, notamment les dérives, les retro commissions, la délinquance financière, la corruption, l’insécurité, la cherté de la vie. « Nos compatriotes ne retiennent de cette intervention télévisée d’autosatisfaction, ni enseignements ni espoir pour ceux qui vivent au quotidien plus qu’hier les affres de l’insécurité et du mal vivre économique et social », a déploré le Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, lequel rappelle au Président de la République qu’ « on ne change une société par des mots ».
Cyrille ADOHOUN