Bamako vient d’être frappé par un drame le weekend dernier, avec l’effondrement d’un immeuble dont le bilan provisoire est de deux personnes mortes dans leur véhicule sur lequel sont tombées plusieurs tonnes de béton lors de la chute de cet immeuble de sept étages à l’Aci 2000, dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 septembre 2015. Les secours ont dû s’activer de 21 heures à une heure et demie du matin pour extraire les corps sans vie. Le bilan reste incertain car on ne peut dire avec exactitude s’il n’y a pas un ou plusieurs corps restés sous les décombres du mastodonte. C’est à croire que les autorités du pays et les professionnels du secteur des BTP n’ont pas tiré les enseignements des drames du même genre qui avaient endeuillé des familles en 2013.
Une attaque terroriste, avaient pensé beaucoup d’habitants de l’Aci 2000 dérangés dans leur tranquillité samedi dernier aux alentours de 21 heures, par le bruit assourdissant de la chute d’un immeuble de sept étages en cours de finition. L’édifice s’est littéralement couché sur la chaussée ne laissant qu’un énorme amas de blocs de ciment, de ferraille et de vitrerie (voir photo). Encore un effondrement d’immeubles, devrait-on s’exclamer, en ayant à l’esprit celui du 8 octobre 2013, au même quartier des affaires de Bamako, l’Aci 2000. En effet, ce jour-là, un immeuble R+5 en finition s’était écroulé.
Il faut saluer la promptitude de réaction des forces de sécurité arrivées rapidement sur les lieux avec à leur tête le Général Sada Samaké, ministre de la Sécurité intérieure et de la protection civile. Il est resté le temps qu’il faut pour superviser les opérations de sauvetage. Dès la chute du bâtiment, la gendarmerie nationale et plusieurs corps de la police nationale ont convergé vers les lieux pour les quadriller afin de permettre aux agents de la protection civile de faire le travail de fouille en vue de sauver d’éventuelles victimes. Mais c’est le lieu aussi de rappeler aux autorités de la République qu’autant l’armée doit être équipée, autant les services de la protection civile doivent être dotés de suffisamment de matériels d’intervention. Effectivement, il a fallu du temps pour pouvoir faire venir une grue en mesure de déplacer les énormes blocs de béton. Une pelle mécanique récupérée au parking d’un entrepreneur viendra compléter l’arsenal, mais en tentant de passer à travers les jardins du bas côté pour parvenir à la zone d’intervention, elle s’est enfoncée dans la boue et n’a donc pu commencer son travail aussitôt arrivée sur les lieux.
Il y a eu un ballet de personnalités venues aux nouvelles, dont le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, arrivé devant nous aux environs de 22 heures, pour rester aux côtés du Général Sada Samaké afin de suivre les opérations de secours jusque tard dans la nuit. Et il ne cessait de se concerter avec les chefs de la sécurité sur place, posant des questions à gauche et à droite, pour s’assurer, en dehors des deux personnes dans le véhicule recouvert de plusieurs tonnes de béton, qu’il n’y avait pas une autre victime à déplorer. Et en parlant du gardien, il lâcha : « Cherchez-nous le gardien pour que je sois rassuré et qu’il nous confirme qu’il ne faisait dormir personne dans ce bâtiment en chantier comme cela se fait parfois ».
Les deux personnes coincées dans leur véhicule seront finalement mortes. Les deux corps sans vie ont été sortis vers une heure du matin, après un travail acharné des secours. Il s’agit d’un homme qui était assis à côté d’une femme. Cette dernière était dans la position de conduite. Ils ont eu la malchance de garer leur voiture au mauvais endroit et mauvais moment. Ils ont donc eu moins de baraka qu’un chauffeur de taxi qui a échappé de justesse car l’édifice s’est écroulé aussitôt après le passage de son véhicule.
Selon des indiscrétions recueillies par nos soins, la femme, pas grande taille et de teint clair, est cadre de la Caisse des Retraités du Mali. Elle se prénomme Fatim et aurait payé la RAV4 en question, il y moins d’un mois.
On parle aussi d’un motocycliste qui passait sous l’immeuble et nul ne sait s’il a eu autant de chance que le taximan ou s’il est resté sous les décombres. Ce qui en rajoute à l’incertitude sur le bilan, parce qu’on ne sait pas exactement s’il n’y a pas un ou d’autres corps gisant sous les décombres. Il faut préciser que cet endroit est aussi fréquenté par des amoureux du jogging. Mais heureusement qu’il n’y avait pas beaucoup de monde avec la fine pluie qui arrosait Bamako, accompagnée d’un vent qui a certainement précipité l’effondrement de cet immeuble. Heureusement aussi, que cette petite pluie n’a été que passagère pour faciliter le travail des secouristes.
Le gardien de l’immeuble a eu la vie sauve car selon des témoignages entendus sur place, lui-même était averti que l’immeuble allait s’écrouler. Il avait évacué sa famille avant la chute du mastodonte.
C’est dire que ce drame pouvait être évité si le propriétaire faisait preuve de moins de cupidité. En effet, il nous revient que le plan originel ne prévoyait qu’un immeuble R+5. Mais le propriétaire a voulu en augmenter trois autres, la finalité étant d’aller jusqu’à huit étages. L’ingénieur chinois en charge des travaux avait alors refusé, selon des informations distillées sur place, arguant que cela pouvait provoquer la chute de l’édifice. Mais ce qu’il a refusé, un autre l’acceptera pour monter deux niveaux supplémentaires. On parle d’un entrepreneur sénégalais. Cet entêtement imprudent aurait provoqué l’irréparable. Reste maintenant à situer les responsabilités à la fois pénales et civiles.
Selon des témoignages recueillis sur place, Amadou Bayiba Kouma serait le propriétaire de l’immeuble en question et on laisse entendre qu’il serait aux Etats-Unis au moment du drame.
S’agissant de cette question inquiétante de l’effondrement d’immeubles, l’on se rappelle bien la sortie médiatique de l’Ordre des architectes du Mali (Oam), à l’occasion de la 12è session de son Assemblée générale, tenue dans la salle Moussa Balla Coulibaly du Cnpm, suite à plusieurs effondrements d’édifices à Bamako.
Devant le secrétaire général du ministère de l’Urbanisme et de la politique de la ville, Abdoulaye Imirane, et en présence des représentants de l’Ordre des géomètres et géomètres experts et celui des ingénieurs-conseils du Mali, le président de l’Ordre des architectes du Mali, Issaka Timbely s’exprimait ainsi : « Les derniers événements intervenus, en l’occurrence, l’effondrement des immeubles à Bamako, nous interpelle et nous mettent face à notre responsabilité en tant qu’architectes » avant de se lancer dans une séance d’auto flagellation : « Ici au Mali, il n’est pas rare pour des architectes de signer et revêtir de leurs cachets, des plans établis par des techniciens voire des dessinateurs, de surcroit agents au niveau des services publics, des ingénieurs faisant le travail de l’entrepreneur, des contrôleurs gérant avec légèretés leur travail ». Une bonne façon de rappeler les règles de déontologie et la séparation des rôles et fonctions. Deux choses qu’il avait souhaité inscrire à l’ordre du jour de cette rencontre.
Avant de terminer son allocution, il appelait ses collègues à convaincre leurs compatriotes que les professionnels du bâtiment ne sont pas, et loin s’en faut, des professionnels par défaut.
De son côté, le Gouvernement vociférait suite à deux effondrements d’immeuble au cours de l’année 2013 et promettait des sanctions exemplaires, en plus des mesures préventives pour éviter pareils drames. Apparemment, aucune mesure concrète n’a été prise depuis lors et voilà que des immeubles continuent de s’effondrer, emportant du coup la vie de personnes innocentes.
Sur les lieux du drame du weekend dernier, un professionnel du secteur des BTP fait remarquer que peu d’immeubles respectent les normes de construction à l’Aci 2000 et il ajoute qu’il y a nécessité de procéder à une inspection généralisée des édifices dont la plupart constituent des bombes à retardement, en ce sens qu’ils peuvent s’écrouler d’un moment à l’autre. Mais il avertira que l’inspection généralisée ne produira des résultats que si les techniciens commis par l’Etat ne se laissent pas tenter par la corruption érigée en règle dans le secteur des BTP. En tout cas, à travers nos colonnes, le message sera reçu par les plus hautes autorités du pays.
Amadou Bamba NIANG