Après le chantage à la veille du match amical disputé le 9 octobre 2015 contre les Etalons du Burkina Faso en France (4-1), les Aigles sont récemment revenus à la charge avec de nouvelles exigences par rapport à leurs primes de match et de qualification. Si la revendication peut-être paraître légitime, il convient de rappeler que la fixation des taux de primes n’est pas du seul ressort du ministère des Sports qui se conforme à un Arrêté interministériel en la matière.
Pour les prochaines sorties officielles, les Aigles exigent 1 million de Fcfa comme prime de sélection par joueur pour les matches officiels. Comme primes de victoires, ils exigent désormais 3 millions à l’extérieur et 2 millions à domicile. S’ils renoncent à des primes pour le nul à domicile, par contre on devra leur payer 1,5 million de Fcfa pour le nul à l’extérieur. Comme ce fut le cas contre le Bénin à Cotonou lors de la seconde journée des éliminatoires de la CAN «Gabon 2017» (1-1).
Pour ce qui est des primes de qualification pour les phases finales de la CAN et de la Coupe du monde, visiblement, les joueurs ne sont pas encore sur la même longueur d’onde puisque le Manager général aurait informé la FEMAFOOT que les montants arrêtés lui seront communiqués plus tard. Les joueurs, indiquent nos sources, souhaiteraient que «leurs primes de sélections soient versées au plus tard 48h après leur arrivée au stage… Et les primes de victoires doivent être versées toute de suite, que le match soit joué à domicile ou à l’extérieur». Des doléances transmises à la Fédération malienne de football (FEMAFOOT) par l’ancien international et nouveau Manager général, Fousséni Diawara. Et la fédération a saisi le Département de tutelle.
Mais, il convient de préciser que la question des primes des sportifs n’est pas du ressort du seul ministère des Sports. Elles sont fixées par le gouvernement. En effet, c’est l’Arrêté interministériel N°2015/1423/MS-MEF-SG du 22 mai 2015 qui fixe les taux des primes allouées aux sportifs de haut niveau et de leur encadrement technique. L’article 3 de ce texte précise que «les primes allouées aux sportifs de haut niveau sont la prime d’internat, la prime de résultat, la prime d’objectif, la prime de compétition pour le sport individuel, la prime de voyage, la prime de sportif de haut niveau, la prime compensatrice».
Le taux de la prime d’internat est par exemple fixé à 2 000 Fcfa par jour et par personne (article 4). Mais les taux des primes de résultats et d’objectifs varient en fonction non seulement des disciplines, mais aussi et surtout des compétitions. Pour ce qui est de l’Equipe nationale de football (senior) par exemple, l’Arrêté interministériel fixe la prime de victoire à domicile à 2 millions Fcfa par joueur contre 3 millions à l’extérieur. À domicile, les Equipes B et l’EN féminine senior ont respectivement 500 000 Fcfa et 250 000 Fcfa par joueur ou par joueuse contre 750 000 Fcfa et 500 000 Fcfa à l’extérieur. Pour les Aigles séniors, seul le match nul à l’extérieur est primé à 1 million de Fcfa par joueur.
Au niveau de cette même sélection nationale, les primes d’objectifs sont 1 million, 10 millions et 12 millions par joueur en cas respectivement de qualification pour le Championnat d’Afrique des nations (CHAN), la CAN et la Coupe du monde de football. Pour la phase finale de la CAN, chaque joueur empoche entre 10 et 15 millions entre les quarts de finale et le sacre continental. Ainsi, en cas de victoire finale à une CAN, chaque joueur peut empocher 55 millions de Fcfa. Sans compter la générosité des institutions comme la présidence de la République, des sponsors et d’autres bonnes volontés. Et la victoire finale au CHAN permet à chaque joueur de gagner 6 300 000 Fcfa. À une phase finale de coupe du monde, la prime d’objectif est de 10 millions à partir du second tour. Elle est de 12, 15, 20 et 25 millions respectivement pour les quarts de finale, les demi-finales, la 3e et 2e places et la victoire finale.
En matière de primes allouées, il faut souligner que les footballeurs sont de loin les mieux dotés. Contrairement par exemple au basket-ball qui vaut au Mali tant d’honneurs sur la scène sportive. Un basketteur ou une basketteuse de l’Equipe nationale A ne gagne qu’un million de Fcfa par match gagné à l’extérieur contre 750 000 Fcfa à domicile. La qualification à l’Afrobasket ne lui rapporte que de 2 millions contre 2,5 millions pour la coupe du monde. À la phase finale de l’Afrobasket, le joueur ou la joueuse gagne 1 million en cas de qualification pour les quarts de finale. La demi-finale, les 3e et 2e places ainsi que le sacre lui rapportent respectivement 1,5 million, 2 millions, 3 et 4 millions Fcfa.
À noter que, pour «les autres disciplines de sports collectifs», la prime de victoire est de 500 000 Fcfa à l’extérieur contre 200 000 Fcfa à domicile pour les Equipes A. L’article 7 de l’arrêté interministériel stipule que le sportif individuel gagne 100, 200 et 500 000 Fcfa pour le minima de qualification respectivement à une compétition sous-régionale, africaine ou mondial. Au niveau africain, une médaille d’or lui rapporte 2,5 millions contre 5 millions dans une compétition mondiale. Aux Jeux africains, l’or donne droit à 4 millions de Fcfa contre 7 millions aux Jeux Olympiques et 2 millions aux Jeux de la Francophonie. Un record battu au niveau africain est primé à 5 million de Fcfa contre 10 millions pour un record du monde.
Des dispositions à vulgariser pour éviter la crise de confiance
L’article 11 du texte fixe aussi les primes pour l’encadrement technique des disciplines sportives collectives. Ainsi, un sélectionneur national a deux fois la prime d’un joueur. Son adjoint touche 75 % de sa prime. Le médecin et le préparateur physique ont 50% de la prime du sélectionneur, c’est-à-dire de l’entraîneur principal. L’entraîneur des gardiens de buts, le kinésithérapeute et le masseur ont 40% de cette prime, contre 35% à l’intendant. Quant à la prime de l’encadrement technique des disciplines sportives individuelles, elle est calculée sur «la base de la meilleure performance des sportifs» avec les mêmes taux que les sportifs collectifs (article 12).
On constate, d’une manière générale, que les primes ont été conséquemment majorées par rapport à ce que prévoyait l’Arrêté interministériel N°02-2207/MJS-MEF du 10 octobre 2002. Mais, compte tenu des contraintes budgétaires, le ministère de l’Economie et des Finances n’a prévu l’application des dispositions de l’Arrêté interministériel N°2015/1423/MS-MEF-SG du 22 mai 2015 qu’à partir de janvier 2016.
Revenant aux exigences des Aigles A (football), c’est surtout au niveau de la prime du match nul à l’extérieur qu’il y a un écart. Ils exigent 1,5 million alors que le texte ne prévoit qu’un million par joueur. Les protégés d’Alain Giresse ne se sont pas encore prononcés sur les primes de qualification à la CAN et à la Coupe du monde de football. Si l’exigence de payer les primes juste après les rencontres peut être comprise pour le match à domicile, elle paraît irréalisable à l’extérieur compte tenu des difficultés à transporter une certaine somme d’argent hors des frontières nationales. Surtout que les joueurs n’acceptent pas souvent les virements sur leurs comptes. Logiquement, le Département ne peut pas payer immédiatement la prime de match car ne pouvant pas deviner le résultat à l’avance.
Une donne indispensable à l’établissement d’un «état de payement» que le ministère de l’Economie et des Finances doit aussi valider avant que l’argent ne soit décaissé. Mais, pour éviter tout quiproquo à l’avenir, le ministère des Sports doit veiller à ce que toutes les fédérations sportives nationales puissent vulgariser à leur niveau les dispositions de l’Arrêté interministériel N°2015/1423/MS-MEF-SG du 22 mai 2015.
Ainsi ceux qui vont s’engager à l’avenir à défendre les couleurs du Mali dans les arènes sportives sauront à quoi s’attendre. Et le Département doit travailler avec le ministère des Finances pour payer les primes dans les meilleurs délais. Il faut surtout, à l’avenir, éviter l’accumulation des primes car c’est cela la cause essentielle de la crise de confiance à laquelle nous assistons maintenant. Si défendre les couleurs du pays est un privilège, donc une priorité absolue, tenir ses engagements à temps est aussi une source supplémentaire de motivation pour le sportif. Sans compter que c’est également un signe de respect à son égard.
Par ailleurs, nous sommes d’accord avec un confrère qui souhaite que, à l’avenir, la fédération travaille à décharger le Trésor public. En effet, nous pensons qu’il est temps que tout (primes, prestations de services…) ne repose plus sur le seul budget national. Dans de nombreux pays, les équipementiers contribuent largement à la prise en charge financière des sélections nationales. Pourquoi le Mali dérogerait-il à ce privilège ?
Alphaly