Sur quelle base juridique la France est-elle intervenue militairement au Mali ? Tout repose sur la lettre adressée à l'Elysée, le 10 janvier, par le président du Mali, Dioncounda Traoré, appelant la France à l'aide face à l'avancée des groupes armés du Nord.
François Hollande se trouve, sur le dossier malien, en contradiction avec la doctrine qu'il avait énoncée lors d'un discours de politique étrangère, le 27 août 2012. La France ne participera "à des opérations de maintien de la paix ou de protection des populations qu'en vertu d'un mandat et donc d'une résolution du Conseil de sécurité" de l'ONU, avait-il dit.
L'intervention française au Mali s'écarte de ce principe. Aucune résolution de l'ONU, y compris la 2085 votée le 20 décembre 2012, n'autorise explicitement l'opération menée par les troupes françaises. La 2085 prévoyait le déploiement d'une force internationale africaine. Elle n'ouvrait en rien la voie à une action unilatérale de l'armée française, fût-ce en appui aux troupes maliennes.
"AGRESSION"
La "légitime défense", parfois invoquée dans des commentaires, n'est pas non plus opérante. L'article 51 de la Charte de l'ONU, qui contient cette disposition, est considéré valable en cas d'"agression armée" d'un Etat contre un autre. Or le Mali n'a pas été attaqué par un autre Etat, mais par des groupes non étatiques présents sur son territoire, et dont personne n'a déclaré qu'ils étaient téléguidés par une capitale étrangère.
La lettre du président Traoré constitue la seule base légale. Tout Etat a le droit souverain de solliciter l'appui militaire d'une puissance extérieure pour faire face à un problème d'ordre intérieur. A cela près que la légitimité politique des autorités maliennes, issues des suites du putsch de mars 2012, constitue un casse-tête pour de nombreux partenaires de la France, Etats-Unis en tête.
Washington exclut, pour cette raison, de fournir la moindre aide directe à l'armée malienne. Les Etats-Unis se limitent à aider les forces ouest-africaines (qui sont "couvertes" par la 2085) et à apporter un soutien aux militaires français, en logistique et en renseignement. Mais cette assistance aux Français évite tout ce qui touche directement au territoire malien. Exemple : les avions ravitailleurs américains ont interdiction de fournir du carburant aux appareils français qui bombardent...
RECADRER LE LANGAGE
La légalité de l'intervention française au Mali n'a pas été sans confusion. Les responsables politiques n'y ont pas peu contribué, en jonglant par moment avec le vocabulaire. Le 11 janvier, M. Hollande assure que les "résolutions du Conseil de sécurité" fournissent le "cadre" de l'intervention. Le même jour, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, évoque "la légitimité tirée des résolutions des Nations unies" et ajoute une autre "légitimité, tirée de l'article 51". Le 13 janvier, il est catégorique : "Bien évidemment, nous intervenons dans le cadre de cette résolution 2085." Les juristes du Quai d'Orsay ont dû recadrer le langage, conseillant vivement de parler de "légalité internationale", formule plus floue, et incontestable.
Pour pallier cette fragilité légale, et coller à son credo "onusien", la diplomatie française s'est employée à rassembler un large soutien politique à l'ONU. Des déclarations ont ainsi été adoptées par le Conseil de sécurité. Signaux importants, elles n'ont cependant pas de valeur juridique. Avec l'appui crucial des organisations régionales africaines, ces textes confèrent une légitimité indéniable à l'action armée française. Ce qui n'est pas la même chose qu'une légalité.
Celle-ci découle de la lettre du président malien. Le Royaume-Uni ne s'y est pas trompé. Pour pouvoir justifier son appui à l'intervention, Londres a demandé de recevoir une missive similaire de Bamako. Elle a été aussitôt envoyée.