JOHANNESBURG - La majeure partie des célèbres manuscrits et livres précieux de Tombouctou ont été mis à l`abri à Bamako avant l`arrivée des islamistes dans la ville malienne, et les destructions n`ont pas été aussi massives que redouté, à affirmé mercredi à l`AFP l`un des conservateurs de ces collections.
"Une grande majorité a été sauvée. Je pense, vraiment, plus de 90%", a
indiqué Shamil Jeppie, directeur du projet de conservation de ces manuscrits,
basé à l`Université du Cap (UCT) en Afrique du Sud.
"En fait, on a beaucoup exagéré", a affirmé M. Jeppie. "Il y a eu des
dégâts et certains objets ont été détruits ou volés, mais beaucoup moins que
ce qu`on a dit dans un premier temps."
Selon lui, les conservateurs et archivistes avaient commencé à déplacer les
documents vers Bamako durant les premiers mois de l`insurrection islamiste
dans le nord du Mali.
"Ils ont été transférés vers la capitale et certains sont cachés dans la
ville", a-t-il affirmé.
Ces manuscrits représentent un véritable trésor culturel, remontant à
l`époque où la cité mythique a été la capitale intellectuelle et spirituelle
de l`Islam en Afrique aux XVe et XVIe siècles, accueillant jusqu`à 25.000
étudiants.
Certains sont encore plus anciens, datés du XIIe siècle et même de l`ère
pré-islamique.
Essentiellement rédigés en peul et en arabe, ils traitent d`astronomie, de
musique, de botanique, de pharmacie, de droit, d`histoire ou encore de
politique. Les supports en sont variés: parchemin, papier d`Orient, peaux de
moutons et même... omoplates de chameau.
Un seul bâtiment saccagé
Des témoins interrogés mardi à Tombouctou avaient rapporté que les
islamistes en fuite avaient brûlé en fin de semaine dernière tous les
manuscrits qu`ils avaient pu trouver, dans un dernier accès de rage avant de
quitter la ville, reconquise par des soldats français et maliens.
En fait, un seul des deux bâtiments de l`Institut des hautes études et de
recherches islamiques Ahmed Baba (IHERI-AB, ex-Centre Ahmed Baba, du nom du
savant et homme de lettres malien qui a vécu entre le XVIè et XVIIè siècle),
abritant des manuscrits a été saccagé, selon des experts interrogés par l`AFP.
"Il y a l`ancien bâtiment et le nouveau. Le nouveau bâtiment a été
construit par les Sud-Africains" et inauguré en 2009, et "tous les manuscrits
n`ont pas été transférés dans ce nouveau bâtiment", situé à un kilomètre de
l`ancien, a affirmé l`expert malien Ben Essayouti El-Boukhari, joint au
téléphone depuis Dakar.
Le nouveau bâtiment n`abritait que "les manuscrits répertoriés, scannés,
numérisés, qui y étaient exposés". C`est ce bâtiment qui a été vandalisé par
les islamistes.
Le nombre exact de manuscrits brûlés n`a pas été déterminé. Mais le
ministère de la Culture malien a confirmé que l`ancien bâtiment était resté
intact.
Le maire de Tombouctou, Halley Ousmane, réfugié à Bamako, avait cependant
évoqué sur le moment "un véritable crime culturel".
Une source malienne contactée par téléphone sous couvert de l`anonymat a
estimé à 15.000 le nombre de documents qui se trouvaient dans l`immeuble
dévasté.
Outre des manuscrits, de célèbres mausolées de saints musulmans de la ville
ont aussi été détruits par les groupes armés liés à al-Qaïda qui y voyaient de
"l`idolâtrie".
Ils ont même barbouillé de noir la mention "333 saints" sur les panneaux
proclamant "Bienvenue à Tombouctou, la cité des 333 saints".
Au total, seule une douzaine de mausolées ont toutefois été réduits à
néant, selon un journaliste local.
La plupart des tombeaux de saints sont en fait situés dans des demeures de
grandes familles qui se sont bien gardées, pendant les dix mois d`occupation
de la ville par les extrémistes, de dévoiler leur existence, permettant ainsi
leur préservation.