KATI (Mali) - Le capitaine Amadou Haya Sanogo l’avait promis, il "se battrait jusqu’au dernier soupir pour libérer" le Mali. Mais la
guerre a lieu sans lui et l’ancien chef des putschistes de 2012, marginalisé, se fait désormais oublier.
Près de Bamako, dans la ville-garnison de Kati, un militaire posté à
l’entrée du camp Soundiata Keïta assure à l’AFP: "le capitaine Amadou Haya Sanogo est bien là mais il ne reçoit pas la presse".
L’ex-chef des putschistes ayant renversé le 22 mars 2012 le président
Amadou Toumani Touré (ATT) aimait à se décrire comme un "De Gaulle" malien, prêt à tout pour défendre l’intégrité territoriale de son pays.
Mais depuis le début, le 11 janvier, de l’intervention des armées française et malienne contre les groupes islamistes armés qui occupaient le nord du pays, le capitaine ne fait plus parler de lui. Tout juste a-t-il déclaré, le 13 janvier: "Nous nous félicitons d’avoir l’assistance française à nos côtés".
"Le capitaine Sanogo est à Kati avec certains des officiers avec lesquels il avait fait le coup d’Etat", explique à l’AFP un officier des services de communication de l’armée.
"Beaucoup d’ex-putschistes se sont portés volontaires pour aller sur le théâtre des opérations mais lui va rester. Quelqu’un qui a exercé ne serait-ce qu’une heure la magistrature suprême (en tant qu’ancien chef de la junte, ndlr) ne peut pas entrer dans la chaîne de commandement. S’il veut aller combattre, il le peut, mais comme simple capitaine", argumente-t-il.
De son côté, un diplomate occidental évoque "une marginalisation assez
évidente" de l’ambitieux capitaine: "depuis l’intervention internationale, l’essentiel des décisions ne passe plus par lui".
Amadou Haya Sanogo n’était sorti de l’anonymat qu’il y a 10 mois, quand des hommes de troupe et sous-officiers, lançant une mutinerie, étaient allés le chercher pour les représenter. "A la surprise générale - y compris la leur -leur action de revendication avait débouché sur un coup d’Etat", relève l’éditorialiste d’un quotidien national, préférant ne pas être cité.
"Traître" et "planqué"
Puis, catastrophe, la chute du régime ATT a précipité la prise de contrôle de toute la moitié Nord du pays par les groupes islamistes armés.
A l’époque, une partie de l’opinion jugeait le putsch "légitime", le régime ATT étant accusé d’avoir négligé l’armée, passé sous silence le massacre de soldats à Aguelhok (nord-est) lors de la prise de la ville par des rebelles touareg et des islamistes fin janvier 2012, favorisé une corruption galopante.
Mais, aujourd’hui, nombre de Maliens ne décrivent plus Sanogo que comme "un traître", "un planqué". L’ancien professeur d’anglais du prytanée de Kati semble aussi avoir épuisé son crédit auprès des combattants, lui qui ne sera quasiment jamais monté au front.
Depuis août, il reste le président du comité de réforme de l’armée, poste taillé sur mesure pour lui après s’être vu attribuer - puis retirer suite à un tollé - le statut d’ancien chef d’Etat.
En décembre encore, il forçait à démissionner le Premier ministre Cheikh Modibo Diarra, démontrant ainsi qu’il était celui qui détenait le vrai pouvoir.
"Les ex-putschistes étaient forts parce qu’ils avaient le monopole des
armes. Mais maintenant qu’il y a des milliers de soldats étrangers au Mali, le gouvernement de transition a pris de l’assurance. Sanogo et les autres font profil bas", constate l’éditorialiste.
Selon une source à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (Cédéao), "certains éléments de Kati demandent depuis deux semaines à être aidés" et à engager des pourparlers avec le médiateur dans la crise malienne, le président burkinabè Blaise Compaoré.
La présidence à Ouagadougou confirme, sans en préciser la date, qu’"une mission de l’ex-junte malienne a été reçue" par M. Compaoré.
Mais, pour la source à la Cédéao, il y a longtemps que les ex-putschistes "auraient dû comprendre qu’ils n’avaient qu’une seule voie de sortie: être utiles au pays en participant à la guerre en cours".