Interview / Le Mouvement Fethullah Gülen et la crise malienne/ Oumar Ibrahim Touré, ancien ministre de la Santé : « Au Mali, nous vivons une situation consécutive à l’intolérance »
Oumar Ibrahim Touré, ancien ministre de la Santé : « Au Mali, nous vivons une situation consécutive à l’intolérance »
Lors du colloque international sur « diversité et cohésion dans un monde globalisé ; contributions du Mouvement Fethullah Gülen », tenu au King Fahd Palace à Dakar, nous avons approché l’ancien ministre malien de la Santé, Oumar Ibrahim Touré, qui met ce thème en rapport avec la crise malienne. Pour lui, nous vivons une situation consécutive à l’intolérance alors que notre diversité doit être le socle de la paix.
Le Républicain : Monsieur le ministre, quels sont vos sentiments au sortir du Colloque international sur « Cohésion et diversité dans un monde globalisé ; contributions du Mouvement Fethullah Gülen » ?
Oumar Ibrahim Touré : Mon premier sentiment est un sentiment de satisfaction parce que c’est une conférence qui vient à point nommé, en ce qui concerne nous Maliens, compte tenu de la situation que traverse notre pays, qui est une situation consécutive à l’intolérance. Il y a beaucoup de fausses interprétations de la religion musulmane. Donc nous nous sommes véritablement retrouvés dans cette conférence parce que le thème est vraiment porteur pour nous. C’est un thème qui nous permet de savoir qu’il y a beaucoup d’efforts à fournir pour que nous soyons en harmonie avec nous mêmes et avec le reste du monde. Principalement, je retiens des enseignements très forts qui sont axés sur la tolérance, l’amour, la paix. Je crois qu’aujourd’hui l’humanité tout entière a besoin de ces valeurs qui sont en nettes régressions, et c’est pour cela que sur l’ensemble de la planète aujourd’hui, vous avez des zones de conflit. Et tous ces conflits sont dus à l’intolérance, au comportement négatif des hommes.
Comment appréciez-vous les idées de Fethullah Gülen ?
Ce que je peux vraiment vous dire, certes on ne connaissait pas la pensée de Fethullah Gullen avant ; ce n’est que ces derniers temps que j’ai commencé à lire ses œuvres. Je constate franchement que ce qu’il est en train de faire est le développement d’une pensée qui concerne l’ensemble de l’humanité : apprendre à quelqu’un d’abord à aimer son prochain. Je crois qu’il n’y a pas mieux que ça, quand on aime son prochain, on aime soi même, on évite de faire du mal. Et quand on évite de faire du mal, je crois que le monde ira mieux. Et franchement ce sont ces comportement, ces notions, ces leçons que je tire pratiquement de la pensé de Fethullah Gülen.
Quels commentaires faites-vous du thème « diversité et cohésion dans un monde globalisé » ?
Aujourd’hui c’est vrai que le monde est un monde globalisé, il n’y a pratiquement plus de frontière, les distances ont été réduites, avec tout ce qui se passe. Vous avez le net, les moyens de transports qui sont rapides. Tout ce qui se passe dans un petit village du fond du Mali peut être su les secondes qui suivent dans un village reculé des États unis d’Amérique. Et nous sommes pourtant divers parce que nous appartenons à plusieurs ethnies. Pour vivre ensemble, il faut que nous acceptions cette diversité. Aujourd’hui ce qu’on a pu développer c’est que cette diversité puisse être le socle de la paix, c’est-à-dire qu’on est divers mais on est unis. Je crois que le Mali en a fortement besoin, parce que ce qui ce passe chez nous, effectivement nous avons des noirs, des blancs mais nous appartenons pratiquement à cet même espace. Et il y a eu un métissage qui doit nous amener à comprendre que nous sommes ‘’un’’. Je crois que pour tout Malien, cette idée est là qui est véhiculé par Fethullah Gullen ou par la fondation Fethullah Gullen. Ce sont des idées extrêmement importantes pour l’avenir même du monde.
Et le Mouvement Fethullah Gülen né en Turquie permet de véhiculer ces idées ?
Au-delà, ce que j’apprécie chez les Turcs de façon générale, c’est cette vision futuriste qui leur a permis d’installer des établissements scolaires dans nos différents pays parce que tout ce qui est en train d’être dit, ce qu’on a développé au cours de cette conférence ne peut être véhiculé que dans le cadre de l’éducation. Donc eux, ils ont compris, ils sont en train d’installer des établissements scolaires de la maternelle jusqu’au lycée et des fois même avec des programmes dans les universités. Donc c’est une vision futuriste des rapports très étroits entre la Turquie et l’Afrique dans un proche avenir. Parce que tous ces enfants là qui sont en train d’étudier à l’école sont des enfants qui vont épouser ces idées de tolérance, d’amour, de paix, de concorde. Et finalement, ce sont des enfants qui vont se reconnaître aussi dans la démarche de la Turquie. Ces enfants vont devenir un pont entre la Turquie et l’Afrique. Ce que je constate dans ces écoles là aujourd’hui, c’est le sérieux et la rigueur. On appartient à une religion musulmane très forte, de paix et de solidarité.
Peut-on considérer ces idées de Fethullah Gülen comme une renaissance des valeurs ?
En réalité je ne pourrais pas dire que c’est une renaissance des valeurs mais il s’agit tout simplement de faire en sorte que les idées de Fethullah Gülen nous empêchent d’abandonner certaines valeurs. Il y a des valeurs qui sont en train de disparaître et ces idées développées rappellent tout simplement aux uns et aux autres de faire attention. Car nous sommes en train d’entrer dans un monde de plus en plus obscur. C’est vrai qu’il y a les lumières, les connaissances et plein d’évolution, mais nous voyons aujourd’hui, des déviations que les idées de Fethullah Gülen permettent simplement de recadrer, de nous dire attention si vous continuez comme ça, vous allez sortir du vrai cadre et vous allez perdre toutes vos valeurs. Et quand on perd ses valeurs, on n’existe plus. Si tout ce qui est dit est bien compris et bien appliqué certainement qu’on va être dans un autre monde.
Au cours du colloque, l’Universitaire Fatou Sarr a rappelé que la plupart de ses valeurs existaient avant en Afrique et sont nos valeurs. Qu’en pensez-vous ?
Nous avons nos valeurs. Mais en réalité je ne peux pas dire que toutes ces valeurs sont des valeurs strictement africaines. Ce sont des valeurs universelles. Elle a évoqué l’empire du Ghana et du Mali, il y a eu des bons résultats que nous partageons et nous en sommes fiers. Quand on nous parle de la charte du manding, c’est un débat qui me paraît compliqué parce qu’on dit que la colonisation est venue pour casser tout ça. La colonisation a ses avantages et ses inconvénients. Je crois que tout cela entre dans le cadre de la diversité. Des gens sont venus avec leurs comportements, ils nous ont trouvés avec nos comportements, c’est la diversité. Il s’agit maintenant de mettre tout ensemble, de faire une synthèse des croisés de chemins et de prendre ce qui nous paraît utile pour avancer. C’est ainsi que je comprends le problème, parce que je ne veux pas rentrer dans un débat d’écoles qui ne finit jamais. Il faut aller à l’essentiel c’est-à-dire les éléments clés qui sont des éléments universels développés tout au long de la conférence.
Monsieur le ministre, on ne saurait passer sous silence le procès qui vous a été fait et la justice vous a blanchi de toutes les accusations portées à votre encontre. Quels sont vos sentiments par rapport à cela ?
Franchement je n’ai jamais voulu aborder cette question. Cependant, je suis content que la justice de mon pays m’ait blanchi. Je me suis mis à la disposition de mon pays parce que je ne me reprochais absolument rien. Certainement, il y a des gens qui ont joué un rôle. Je considère que ce qui a été fait est la volonté divine. De ce fait, je pense que je ne dois même pas faire de commentaire. Je suis satisfait d’être dans cette situation parce que durant deux ans, je n’ai pas mené d’activité. A l’époque, j’ai démissionné du gouvernement pour me mettre à la disposition de la justice et maintenant je ne peux que m’en réjouir. Je remercie particulièrement tous ceux qui étaient avec moi et qui ont compris que les accusations portées à mon encontre étaient fausses.
Propos recueillis par Neimatou N. Coulibaly et B. Daou (envoyés spéciaux à Dakar)