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Professeur Yacouba Konaté, DG du MASA : «On veut se donner les moyens d’une économie plus forte»
Publié le mercredi 30 aout 2017  |  Le Reporter
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La 10ème édition du marché des arts et du spectacle africain (MASA) se tiendra du 10 au 17 mars 2018. À quelques mois de la tenue de la manifestation, le directeur général du MASA, le professeur Yacouba Konaté, nous parle du festival, des innovations apportées.
Les Echos : Nous sommes à quelques mois de la tenue du MASA 2018, où en est-on avec les préparatifs ?

Yacouba Konaté : Le MASA 2018 se tiendra en mars en Côte d’Ivoire. La réunion du comité artistique est prévue du 27 au 30 septembre prochain. À cette occasion, on saura la liste retenue pour la partie/marché. Dans la foulée, aura lieu un gala des partenaires. À partir de là va commencer une série de communication dans la presse nationale et internationale pour inciter les acteurs culturels à venir dans la partie Festival. L’édition 2018 a ceci de particulier : elle va coïncider avec la 25è année et la 10è édition du MASA. Ce sera l’occasion de faire le point sur le MASA en tant que programme de développement culturel. Il y aura une partie historique où on va essayer de réanimer le mémoire du MASA, à faire parler des grands témoins.

J’ai discuté avec Jean-Louis Roy, ancien secrétaire général de l’ACCT, c’est eux qui sont les pères fondateurs qui étaient au chevet du MASA. C’est des gens qui ont une connaissance très fine des enjeux de l’époque. Nous aurons aussi une partie prospective. Parce que le thème retenu pour cette édition est : «Quel modèle économique pour les arts des scènes ?» Cette question que nous envisageons d’étudier est les conditions de vie et de survie des artistes. Il faut rappeler que notre budget, qui était constitué essentiellement des appuis de ce qu’on appelle la coopération internationale, notamment l’organisation internationale de la francophonie (OIF), aujourd’hui, la prospective s’est inversée.

C’est l’État de Côte d’Ivoire qui porte 80% du budget du MASA. Aussi, la direction du MASA apporte sa contribution en cherchant des sponsors dans le secteur privé. Et puis, les partenaires institutionnels et stratégiques comme l’OIF, qui n’est pas seulement partenaire, mais aussi notre parrain puisqu’il était là au départ. On essaye aujourd’hui de créer un nouveau modèle à partir d’un type de partenariat que nous signons avec le secteur privé national et international, et progressivement arriver à avoir quelque chose qui ne sera pas réellement une autonomie financière. Parce que je crois que les grosses manifestations comme celle-là auront encore besoin de l’appui des pouvoirs publics.
Les Echos : Est-ce à dire que vous voulez réduire l’apport de l’État dans l’organisation du MASA ?
Y.K. : Non, on ne veut pas réduire l’apport de l’État. C’est juste un problème de pourcentage. On veut arriver à une sorte de proportion. Que l’État nous donne 40% de notre budget et nous-mêmes, on cherche le reste, 60%. C’est très important à trouver des concurrents à l’État et permettre de payer les frais les plus chauds : les billets d’avion, les cachets des artistes, etc. Il faut rappeler que nous sommes les premiers marchés. L’année dernière, sur un budget d’un milliard FCFA, nous avons donné au moins 315 millions FCFA de cachets aux artistes.

On paye le transport, l’hébergement et le cachet des artistes ; on aide les diffuseurs à venir. C’est ça qui fait l’originalité du MASA. Si vous prenez une manifestation comme les Jeux de la francophonie, c’est les États qui envoient les artistes et payent leurs cachets, la Côte d’Ivoire les héberge. Là, il y a une répartition multilatérale. Alors que nous, on paye le cachet, le transport et l’hébergement.

Les Echos : D’édition en édition, le MASA innove. Alors, quelles sont les innovations pour 2018 ?
Y.K. : Nous voulons prendre la notion de modèle économique au sérieux parce que comme je vous ai dit, on cherche à diversifier la nomenclature du budget. On veut également changer l’approche de la manifestation, c’est-à-dire que dans le MASA, il y a une partie marché et l’autre partie festival.

À la partie Marché, on va prendre des groupes émergents. Autrement dit, il s’agit de faire découvrir et proposer les jeunes artistes qui ne sont pas bien connus, mais qui ont du talent. Les groupes déjà connus qui peuvent faire du show, comme par exemple Salif Keita, Habib Koité, seront dans la partie festival. On va mettre à contribution les opérateurs culturels ivoiriens, africains pour qu’ils fassent le travail qu’ils font habituellement. Comme vous le savez, nous avons un label MASA. Si la manifestation fait 100 millions FCFA, on donne la moitié du budget et l’opérateur culturel met l’autre moitié et ensuite, il vend le spectacle. Ce que nous essayons de faire, c’est donner une part financière plus importante au festival, c’est-à-dire traiter le festival dans un business-plan différent du Marché.

Pour l’édition 2018, on veut séparer les deux. On veut travailler avec des opérateurs qui vont être intéressés au MASA en tant que Marché pour que la notion Marché aille jusqu’aux organisateurs du spectacle. Nous, on leur rend, eux ils vendent. Pour nous, l’intérêt, c’est que la manifestation va nous coûter à moitié prix. L’autre nouveauté qu’on veut faire, c’est ouvrir le MASA aux Diasporas. Il s’agit des Africains du Brésil, les Africains-américains, les Afro-cubains. On a déjà ouvert le MASA aux anglophones, lusophones, etc. L’année dernière, Sandra Belle qui est de Trinidad de Tobago voulait venir avec un groupe, mais elle n’est plus venue.

Il y a un ou deux mois, elle est venue en prospection avec Alex Boicel pour voir comment faire de l’opportunité du MASA, une espèce de présentation du festival tel que les Noirs l’ont inventé dans les pays comme Trinidad de Tobago. Ces festivals sont liés aux cultures noires de la diaspora ancienne. Ils veulent faire une sorte de come-back, de retour aux sources avec ce festival. Les gens de Trinidad ont une forte implantation à New York notamment à Brooklyn. Ils veulent que le MASA soit un lieu d’expérimentation du festival de Trinidad de Tobago ici.

Donc, ça sera Trinidad, Brooklyn et Abidjan. Ils viendront ici à Abidjan, on va les mettre en contact avec des communautés dans les villages qui vont les accueillir. Ils ont des instruments très spécifiques qu’ils savent fabriquer, ils vont apprendre les techniques d’ici (Côte d’Ivoire). Et vont jouer avec les groupes qui viendront au MASA. Pour nous, ça va être quelque chose de très particulier. Parce que si ça marche, ça veut dire que les capitales africaines pourront se jumeler avec l’un ou l’autre de ses festivals. C’est aussi l’occasion pour nos parents, qui sont là-bas, qui, parfois, aimeraient venir mais ne savent pas quel sera le bon prétexte. Donc, ça va être une bonne opportunité pour qu’ils viennent se ressourcer.

Les Echos : Dites-nous les lieux qui abriteront ces manifestations ?
Y.K. : On projette ouvrir des sites à Abidjan, Yamoussoukro, Korhogo, Bouaké. Dans notre programmation, ce sera dans ces trois villes plus Abidjan.

Les Echos : Le mot de la fin ?
Y.K. : Notre préoccupation, c’est l’économie de la culture. On veut se donner les moyens d’une économie plus forte. Je suis convaincu qu’une structure comme le MASA peut réduire sa dépendance vis-à-vis de l’État. Si on a pu réduire l’aide internationale, on peut le faire pour l’État. Vous avez des entreprises de communication qui cherchent à communiquer sur les manifestations phares comme la nôtre, il faut seulement discuter entre eux à temps.
Propos recueillis par Amadou SIBIBE
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