Politiquel’Honorable Issaka Sidibe à l’audition parlementaire sur les migrations aux Nations Unies: « personne ne pourrait arrêter l’immigration, il faudrait plutôt l’organiser »
Du 22 au 23 Février dernier, l’Honorable Issaka SIDIBE, Président de l’Assemblée Nationale du Mali à la tête d’une délégation de Députés maliens, a participé à l’Audition Parlementaire sur les migrations aux Nations Unies dont le thème générique était « Remédier aux flux migratoires à grande échelle par le biais d’initiatives nationales et de la coopération internationale ».
Bien entendu, pour appréhender un tel sujet, il faut tenir compte des éléments qui expliquent la situation depuis la racine, voir comment ces évènements se manifestent actuellement dans nos sociétés et les problèmes d’éthique, de morale, de société d’économie qui peuvent en résulter, sans oublier les solutions envisageables.
C’est tout le sens de la communication que l’honorable Issaka SIDIBE a livrée à la tribune parlementaire des Nations Unies à New-York. Nous vous proposons l’intégralité de cette adresse que de nombreuses délégations présentes à la 3ème Session de l’Audition Parlementaire des Nations Unies ont souvent cité dans leurs interventions comme document de référence.
N.B : Insérer l’intégralité de la communication du Président de l’Assemblée Nationale.
Communication de l’Honorable Issaka SIDIBE, Président de l’Assemblée Nationale du Mali,
à l’Audition Parlementaire sur les migrations aux Nations Unies.
Honorables parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C’est un grand honneur pour moi d’avoir été associé au débat relatif à cette troisième session.
Sur le sujet à l’ordre du jour, je voudrais m’appesantir fortement sur le cas de mon pays, le Mali, qui reste une nation d’immigration par excellence.
Son enclavement avec ses 7 frontières, ajouté à sa vieille tradition migratoire, font du Mali une zone d’accueil, d’émigration et de transit.
Si la migration est une opportunité pour le pays, elle constitue cependant un vrai défi au regard de nombreux drames dont elle est la cause. Ces trois dernières années, plus de 500 jeunes maliens ont perdu la vie dans le désert ou dans ce cimetière à ciel ouvert qu’est devenue la Méditerranée.
Le champ de la migration dans mon pays est également marqué par des retours massifs de migrants en détresse. Ces différentes situations ont exigé des initiatives novatrices et des actions concrètes aussi bien de la part de l’Etat que de ses partenaires.
En termes d’initiatives nationales, je voudrais vous informer que la vision des autorités maliennes est de faire de la migration un véritable atout pour le développement du pays, un facteur de croissance et de réduction de la pauvreté.
Estimée à plus de 4 millions de personnes vivant à l’étranger, la diaspora malienne se caractérise par sa forte structuration dans les pays d’accueil, son apport important au développement du Mali (plus de 483 milliards de FCFA transférés en 2016 selon la BCEAO) et ses diverses compétences en ressources humaines.
C’est pourquoi, de nombreuses initiatives et structures ont vu le jour pour mieux encadrer la migration des maliens. Nous pouvons retenir, entre autres : le forum des opérateurs économiques maliens de l’extérieur, les Assises Nationales de la Jeunesse du Mali, le Forum des investisseurs de la diaspora et le Forum de la diaspora intellectuelle, scientifique et technique.
Au niveau institutionnel, une structure dénommée Délégation Générale des Maliens de l’Extérieur existe depuis 2000. Elle dispose de 14 antennes aux postes frontières chargées d’apporter assistance aux migrants et d’établir des statistiques.
En outre, l’Etat a conféré le statut d’utilité publique au Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur, structure fédérative des associations de migrants, représentée dans 64 pays, à travers le monde. Et depuis 2004, un Ministère spécialement dédié aux Maliens de l’Extérieur a été institué.
Notons également la mise en place par le Gouvernement, en partenariat avec le PNUD, du Programme TOKTEN dont l’objectif est le transfert de connaissances des expatriés à leurs compatriotes vivant au pays.
Afin d’accompagner les initiatives des associations de migrants dans la mise en place des infrastructures de base telles que les écoles, les dispensaires, l’électrification rurale etc., une autre structure appelée Cellule Technique du Codéveloppement a été créée en 2002.
Une Politique Nationale de Migration chiffrée à 120 milliards de FCFA a été élaborée en septembre 2014. Elle prend en compte, entre autres volets, l’aide aux migrants maliens en situation de détresse ainsi que l’insertion socio-économique des migrants de retour au pays.
Dans le cadre de la prévention de la migration irrégulière, un programme national annuel de campagnes d’information et de sensibilisation sur les risques et dangers de la migration irrégulière est mis en œuvre par le Gouvernement.
Pour mieux renforcer l’arsenal juridique malien en matière d’immigration, l’Assemblée Nationale a, de son côté, voté la Loi relative à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées. Dans le cadre de l’application de cette loi, des passeurs et leurs complices ont pu être arrêtés et traduits en justice.
Honorables parlementaires,
Mesdames et Messieur,
Dans le cadre de la coopération internationale, plusieurs initiatives ont été développées grâce aux financements maliens et européens. On peut citer notamment la création du Centre d’Information et de Gestion des Migrations ainsi que le partenariat avec l’Organisation Internationale pour les Migrations dont l’objectif est d’encourager le retour volontaire des migrants maliens. Ces efforts conjugués ont permis le rapatriement de plus de huit mille maliens, de 2013 à nos jours.
Signalons enfin que le Mali a pris part à la quasi totalité des cadres de dialogue sur la migration et souscrit à de nombreux accords internationaux.
Honorables parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
En ma qualité de Président de l’Assemblée Nationale d’un pays foncièrement touché par le phénomène migratoire, je voudrais, avant de terminer, formuler les recommandations suivantes :
– mettre en place des stratégies et politiques concrètes dans le domaine de la création d’emplois en faveur des jeunes pour les retenir au pays ;
– renforcer davantage la coopération régionale et internationale en matière de lutte contre les réseaux de passeurs ;
– développer des synergies d’actions pour la protection des migrants en situation de détresse ;
– et veiller au respect strict des conventions et accords dans le domaine de la migration.
Au-delà de ces recommandations, je pense que seuls un véritable développement et une bonne répartition des richesses dans les pays d’origine des migrants pourraient endiguer le fléau. Et, comme j’ai l’habitude de le dire à certaines occasions, personne ne pourrait arrêter l’immigration, il faudrait plutôt l’organiser !