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Les États du Sahel inégalement armés face aux menaces terroristes
Publié le jeudi 19 mars 2020  |  confluences.fr
Soldats
© RFI par David Baché
Soldats de la force française Barkhane, casques bleus de la Minusma, et soldats de l`armée malienne, lors d`une mission conjointe dans la région de Gao. Partout au Mali, la situation sécuritaire reste préoccupante.
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Depuis plusieurs années, le Sahel est en proie à l’activisme croissant de bandes armées se revendiquant de l’islam radical. Face au risque de déstabilisation, la communauté internationale se mobilise pour préserver l’intégrité des Etats de la région. Mais la réaction des pays concernés reste inégale devant la montée des périls, notamment sur le plan militaire. Les exemples du Burkina Faso, où la situation semble échapper totalement aux autorités, et du Tchad, où l’armée et le pouvoir en place oeuvrent de concert avec succès, éclairent sur la diversité d’approches et de résultats qui prévaut dans ces pays.

La stabilité du Sahel est l’un des plus grands défis de la décennie qui s’ouvre, à la fois pour la région et pour la sécurité internationale. Dans un monde post-Daesh, les gouvernements cherchent à tout prix à éviter la création d’un sanctuaire susceptible d’attirer les candidats au djihad. La France, dont l’action au Mali s’est révélée déterminante pour stopper la progression vers Bamako de rebelles islamistes, tente désormais de contenir les groupes dissidents avec l’aide des gouvernements locaux. Mais sur un territoire grand comme l’Europe occidentale, la tâche s’avère difficile et coûteuse en moyens comme en hommes. Les débats récurrents à Paris autour de la pertinence et des chances de succès des opérations en cours sont l’écho des difficultés opérationnelles sur le terrain.

Mais l’évidence affichée du combat contre le djihadisme masque une situation plus complexe. La crise au Sahel recouvre une diversité d’enjeux qui se cristallisent dans une pauvreté endémique. La moitié des cent millions d’habitants que compte cet immense territoire partagé entre plusieurs pays n’a pas accès à l’eau potable. Le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 13 millions en onze ans. 2,5 millions d’enfants ne sont pas scolarisés. Sans y voir forcément un lien de cause à effet, c’est sur ce terreau de misère et d’inégalités que prospèrent des mouvements sécessionnistes et agressifs offrant pour seule solution l’application de la charia. La situation sur place ne cesse de se dégrader, engendrant l’exode massif de populations et l’effondrement des structures étatiques dans les zones les plus disputées.

AU BURKINA FASO, L’ARMÉE DE KABORÉ IMPUISSANTE À ENRAYER LE CHAOS
La situation du Burkina Faso est probablement la plus dramatique. Une descente aux enfers qui s’est accélérée depuis un an, forçant plus d’un demi-million de personnes à fuir leur terre d’origine. Dans un pays longtemps loué pour sa cohésion ethnique, les exactions commises par les bandes armées ont réveillé l’animosité à l’encontre de la minorité Peul, que la majorité Mossi tend désormais à assimiler aux terroristes.

Face à l’ampleur des défis qui pèsent sur l’unité nationale, le gouvernement de Ouagadougou dirigé par Roch Marc Christian Kaboré paraît impuissant, incapable de mettre les forces armées au service de la défense du territoire. En cause : le rôle historique de l’armée, d’abord conçue comme une force de protection coloniale avant de servir de garde prétorienne au détenteur du pouvoir central. L’actuel chef de l’Etat Kaboré n’a jamais caché sa méfiance envers ces unités d’élite jugées fidèles à son prédécesseur Blaise Compaoré au point de fomenter un coup d’Etat (raté) en 2015.

Résultat : l’armée burkinabè est cruellement absente du terrain, et là où elle est présente, c’est avec des moyens dérisoires et une désorganisation patente. « Sous-équipées et mal entraînées » comme le précise le Monde, les forces de sécurité burkinabè ne parviennent pas à endiguer cette vague de violence, ayant récemment entrainé la mise à mort de 34 personnes, dont plusieurs fidèles d’une Eglise protestante dans le nord-est du pays, ainsi que le meurtre de 10 policiers dans le nord.

Signe supplémentaire de dysfonctionnement : pour « épauler » l’armée régulière, le parti présidentiel a encouragé la création de milices Mossis dont les méthodes expéditives, notamment à l’encontre des Peuls, ne font qu’ajouter au chaos ambiant. « Le bilan de la gestion sécuritaire du Burkina Faso par le régime Kaboré est une faillite globale. La sécurité est le terreau indispensable de tout développement d’un pays » déplore Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) et candidat à l’élection présidentielle 2020.

AU TCHAD, UNE PLUS GRANDE MAÎTRISE DES FORCES ARMÉES
Situation différente au Tchad, où le pouvoir parvient à maintenir son rôle régalien grâce à une meilleure maîtrise de ses forces armées. Avec la présence djihadiste, l’activisme de Boko Haram et la proximité de la Libye déliquescente, le pays doit faire face à une multiplicité de menaces. Un impératif de vigilance permanente qui a contribué à faire des militaires tchadiens les plus nombreux et les plus aguerris de la région.

Les relations entre l’armée et le pouvoir diffèrent largement de celles qui prévalent au Burkina Faso : les unités d’élite qui ont fait la réputation de l’armée tchadienne sont particulièrement proches du pouvoir. Fidèles à Idriss Déby Itno, les soldats de la Direction Générale de Service de Sécurité des Institutions de l’État sont aujourd’hui en première ligne dans le combat contre les djhadistes. Au point que l’armée tchadienne en vient à suppléer celle des Etats défaillants dans le cadre du G5 Sahel. N’Djamena s’apprête à déployer un bataillon aux côtés des troupes françaises dans le fuseau central, zone considérée comme la plus critique dans la lutte contre le terrorisme.

Si elle ne saurait expliquer à elle seule la différence de situations entre des pays en proie à des menaces similaires mais différentes en termes d’intensité, la capacité des capitales à déployer des forces régulières sur le terrain est un paramètre clé dans l’évolution de la situation au Sahel. Un paramètre qui entre en ligne de compte à l’heure où la montée des forces de déstabilisation incite à un redéploiement des moyens militaires dans la région.

La Rédaction
LA RÉDACTION
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