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Piqûre de rappel mondiale par António Guterres
Publié le vendredi 3 juillet 2020  |  aBamako.com
Antonio
© Autre presse par DR
Antonio Guterres
Antonio Manuel de Oliveira Guterres
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Du COVID-19 à la perturbation du climat, de l’injustice raciale à l’aggravation des inégalités, notre monde est dans la tourmente.

Dans le même temps, nous sommes une communauté internationale avec une vision durable, inscrite dans la Charte des Nations Unies, dont nous commémorons cette année le 75ème anniversaire. Cette vision d’un avenir meilleur, fondé sur les valeurs d’égalité, de respect mutuel et de coopération internationale, nous a permis d’éviter une Troisième Guerre mondiale, qui aurait eu des conséquences catastrophiques pour la vie sur la planète.

Notre défi commun est de canaliser cet esprit collectif et de nous montrer à la hauteur de cette épreuve.

La pandémie a mis à nu des inégalités graves et structurelles, tant entre les pays qu’à l’intérieur de chacun d’entre eux. De façon plus générale, elle a mis en évidence les vulnérabilités du monde, non seulement face à une nouvelle urgence sanitaire, mais aussi dans notre intervention chancelante face à la crise climatique, à l’anarchie dans le cyberespace et aux risques de prolifération nucléaire. Les gens, partout, perdent confiance dans la classe politique et dans les institutions politiques.

Cette urgence est aggravée par plusieurs autres crises humanitaires profondes : des conflits qui se prolongent, voire s’intensifient ; un nombre record de personnes contraintes de fuir leur foyer ; des essaims de criquets en Afrique et en Asie du Sud ; la sécheresse imminente en Afrique et en Amérique centrale ; tout cela dans un contexte de montée des tensions géopolitiques.

Face à ces vulnérabilités, les chefs d’État et de gouvernement doivent faire preuve d’humilité et saisir l’importance fondamentale d’être unis et solidaires.

Personne ne peut prédire l’avenir, mais je vois deux scénarios possibles.
Premièrement, l’option « optimiste ».

Dans ce cas, le monde s’en sortirait vaille que vaille. Les pays de l’hémisphère nord pourraient concocter une stratégie de sortie réussie. Les pays en développement recevraient une aide suffisante et leurs caractéristiques démographiques – à savoir la jeunesse de leur population – aiderait à juguler l’impact.

Un vaccin pourrait voir le jour, disons dans les neuf prochains mois, et serait distribué comme un bien public mondial, un « vaccin du peuple », qui serait disponible et accessible à tous.

Si tel est le cas et que l’économie redémarre progressivement, nous pourrions nous diriger vers une sorte de normalité d’ici deux à trois ans.

Un deuxième scénario, plus sombre, risque néanmoins de se produire, si les pays ne parviennent pas à coordonner leur action. Le virus recommence à se propager par vagues. Le monde en développement connaît une explosion. La mise au point d’un vaccin tarde. Ou encore, un vaccin est rapidement élaboré, fait l’objet d’une concurrence acharnée et les pays les plus puissants sur le plan économique y ont accès en premier, laissant les autres derrière.

Dans ce scénario, nous pourrions assister à une aggravation des divisions, du populisme et de la xénophobie. On pourrait voir des pays faire cavalier seul ou au contraire former des coalitions dites de bonne volonté à régler tel ou tel problème. Au bout du compte, le monde serait incapable de mobiliser le type de gouvernance requise pour répondre aux défis communs.

Il pourrait en résulter une dépression mondiale, qui pourrait durer de cinq à sept ans, avant qu’une nouvelle normalité, dont il est impossible de prédire la nature, n’émerge.
Il est très difficile de savoir dans quelle direction nous allons. Nous devons faire de notre mieux et nous préparer au pire.

La pandémie, dans toute son horreur, doit être une piqûre de rappel, qui pousse tous les responsables politiques à comprendre qu’il convient de changer de logiciel, et que la division est un danger généralisé.

Cette conception permettrait de faire comprendre à tous que la seule façon de remédier aux vulnérabilités mondiales est de mettre en place des mécanismes de gouvernance mondiale plus solides, grâce à la coopération internationale.

Après tout, nous ne pouvons pas nous contenter de renouer simplement avec les systèmes qui ont engendré la crise actuelle. Il nous faut construire en mieux, avec des sociétés et des économies plus durables, plus inclusives et plus égalitaires entre les genres.

Ce faisant, il nous faut repenser la façon dont les nations coopèrent. Le multilatéralisme d’aujourd’hui manque d’envergure, d’ambition et de mordant, et certains instruments qui ont les moyens de mordre ne manifestent guère d’appétit, comme l’ont montré les difficultés rencontrées par le Conseil de sécurité.

Il nous faut un multilatéralisme en réseau, dans lequel l’Organisation des Nations Unies et les organismes du système des Nations Unies, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, les organisations régionales comme l’Union africaine et l’Union européenne, les organisations de commerce international et d’autres coopèrent plus étroitement et plus efficacement.

Il nous faut également un multilatéralisme plus inclusif. De nos jours, les gouvernements sont loin d’être les seuls partenaires en termes de politique ou de pouvoir. La société civile, le monde des affaires, les autorités locales, les villes et les administrations régionales jouent un rôle de plus en plus prééminent dans le monde actuel.

Cela aura pour résultat un multilatéralisme plus efficace, doté des mécanismes dont il a besoin pour disposer d’une gouvernance mondiale effective lorsque cela est nécessaire.

Un nouveau multilatéralisme en réseau efficace, fondé sur les valeurs pérennes de la Charte des Nations Unies, pourrait nous sortir de notre état de torpeur et freiner notre glissement vers un danger toujours plus grand.

Les responsables politiques du monde entier doivent tenir compte de cette piqûre de rappel et se mobiliser pour remédier aux vulnérabilités dans le monde, renforcer la capacité de gouvernance mondiale, donner du mordant aux institutions multilatérales et mettre à profit le pouvoir que confèrent l’unité et la solidarité afin de surmonter la plus grande épreuve de notre époque.

António Guterres est le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.
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