De 1968 à nos jours, le Mali connaît quatre coups d’Etat qui ont changé le cours de son histoire politique. Ils ont presque tous été préparés et exécutés à partir de la caserne de Kati, à 15 kilomètres de Bamako, la capitale. Et curieusement, ils ont presque tous eu lieu un mardi. Rappel historique.
Huit ans après l’indépendance du pays, le président Modibo Keita est évincé par un coup d’Etat militaire le 19 novembre 1968 dirigé par le lieutenant Moussa Traoré.
Le pays est confronté à des difficultés économiques. Les 19 et 20 juin 1968, des paysans manifestent à Ouolossébougou. Ils s’opposent aux versements de «contributions volontaires », à des « travaux d’investissement humain » et à la livraison de mil à l’OPAM, l’organisation qui avait le monopole de la commercialisation des produits agricoles.
Certains d’entre eux sont arrêtés mais les manifestants s’intensifient et ils sont libérés. Cet événement renseigne sur le mécontentement de la population vis-à-vis du régime socialiste de Modibo Keita.
Cinq mois plus tard, le lieutenant Moussa Traoré renverse le président Keita. A la tête d’un groupe de quatorze militaires de la caserne de Kati, point de départ d’autres coups d’Etat militaire qui suivront, il dirige la junte militaire qui réussit son coup d’Etat sans effusion de sang et sans victime. Il annonce alors sur les ondes de Radio – Mali que « l’heure de la liberté a sonné » et que « le régime dictatorial de Modibo Keïta a chuté ».
Auparavant, ils ont exigé du président déchu qu’il renonce à son programme « socialiste » et accepte l’organisation d’élection. Ce dernier refuse et déclare : « Nous sommes dans un pays de droit et de démocratie. Nous respectons depuis l’indépendance la volonté populaire. C’est le peuple qui a opté pour le socialisme. Le socialisme n’est donc pas mon choix à moi tout seul, demandez au peuple ce qu’il en pense.»
Face à ce refus catégorique, Moussa Traoré et ses frères d’armes mettent en place un Comité militaire de libération nationale. En plus du lieutenant Traoré, promu général de division plus tard, le putsch a été préparé par le capitaine Yoro Diakhité, le capitaine Mamadou Cissoko et les lieutenants Youssouf Traoré, Kissima Dounkara.
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1968, le président Moussa Traoré perdra le pouvoir par le même moyen en 1991, 23 ans plus tard. Durant son règne, il impose un parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), fortement contesté en raison de graves crises économiques.
La contestation s’intensifie à la fin des années 1980. Les sécheresses successives, la crise économique récurrente et la soif de démocratie dans ce contexte de multipartisme en Afrique de l’Ouest accentuent la révolte. Des grèves syndicales et estudiantines paralysent le Mali. Le régime militaire de parti unique réprime dans le sang toutes velléités démocratiques.
Un groupe de militaire mené par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré renverse le général président qu’ils mettent aux arrêts le 26 mars 1991. Il sera jugé et condamné à mort en 1993. Un comité transitoire pour le salut du peuple est créé et l’UDPM dissoute. Un civil, Soumana Sacko est nommé chef du gouvernement.
Quatre mois plus tard, une tentative de putsch échoue. Le ministre de l’Intérieur est arrêté le 15 juillet 1991. Des élections législatives ont lieu en 1992, conformément aux engagements de M. Touré.
26 avril de la même année, Alpha Oumar Konaré gagne le second tour de la présidentielle face à Tieoule Mamadou Konaté, son rival. Ce dernier engage le Mali sur la voie de la démocratie et est réélu en 1997, pour un second mandat qui s’achève en 2002. Il sera remplacé par Amadou Toumani Touré, redevenu civil après sa retraite anticipée de l’armée le 1er septembre 2001. Il investit le champ politique et gagne la présidentielle de 2002 avec 64, 35% des voix comme candidat indépendant face à un certain Soumaila Cissé qui n’obtient que 35, 65% des voix.
ATT sera réélu le 29 avril 2007 pour un second mandat qu’il n’aura pas le temps de déterminer. Un putsch venu de Kati le fait fuir au Sénégal où il a vécu en exil pendant cinq ans avant de rentrer définitivement en 2017.
Deux mois avant la fin du deuxième mandat d’ATT, un groupe de militaires de Kati le renverse dans la nuit du 21 au 22 mars 2012. A la tête du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), le capitaine Amadou Sanogo s’insurge contre la gestion de la rébellion touareg dans le nord du pays.
Il suspend les institutions et la constitution et instaure un couvre-feu. Mis sous pression par la CEDEAO et les bailleurs du Mali, il rétablit la constitution de 1992 ainsi que les institutions du pays. Ce qui place le président de l’Assemblée nationale Dioncounda Traoré comme président par intérim du Mali conformément à une disposition de la constitution malienne.
Amadou Haya Sanogo aura dirigé le Mali pendant 20 jours. Mais basé au camp militaire de Kati, il continue à être influent dans la gestion du pays. Une semaine plus tard, plusieurs personnalités du pays sont arrêtées par la junte. En mai 2012, le palais est envahi par des manifestants et Dionconda Traore est sévèrement bastonné. Il passera deux mois en convalescence hors du Mali.
Exploitant l’instabilité à Bamako, les djihadistes prennent le dessus sur les séparatistes touaregs du nord et s’emparent des trois régions du nord du Mali, Gao Kidal et Tombouctou. Ils gouvernent le nord du pays sous une forme sévère de la charia jusqu’au début de l’intervention militaire française et régionale en janvier 2013.
En février 2013, Dioncounda Traoré nomme Sanogo , président du Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité. Le 14 août de la même année, il est promu général de corps d’armée après la prise de fonction du nouveau président Ibrahim Boubacar Keita, élu le 11 août avec 77,6 % des voix contre 22,4 % pour son rival Soumaïla Cissé.
Toutefois, en novembre 2013, Amadou Haya Sanogo est mis aux arrêts. Emprisonné pendant quelque temps, il est placé en résidence surveillé à Sélingué, dans la région de Sikasso, à 140 kilomètres de Bamako, la capitale. Jugé en compagnie de 17 autres prévenus, tous des militaires, iI est poursuivi pour l’exécution présumée de 26 bérets rouges, arrêtés après un putsch manqué de 2012 opposant bérets-rouges et bérets-verts. Il sera finalement mis en liberté provisoire en janvier 2020.
Le mardi 18 août au matin, des tirs sont entendus dans deux camps militaires à Kati, devenu le point de départ des putschs au Mali. Des informations font état d’une mutinerie mais au bout de quelques heures, plusieurs personnalités du régime d’Ibrahim Boubacar Keita sont arrêtées.
Le Premier ministre Boubou Cissé tente d’établir le dialogue avec les militaires en vain. A 16h 30, le président et son Premier ministre sont arrêtés. En ce moment l’identité des putschistes n’est pas encore totalement connue.
Vers minuit, IBK annonce sa démission en disant qu’il ne voulait pas “que du sang soit versé pour me maintenir au pouvoir”. La junte militaire revendique le coup d’Etat et annonce sa volonté de mettre en place un régime de transition dans une allocution de son porte-parole, le colonel Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air. Les Maliens voient pour la première fois les hommes derrière le putsch.
En plus du colonel Wagué, les colonels Assimi Goita, Malick Diaw et Sadio Camara; tous de Kati, sont les instigateurs de la démission force de IBK. Ils soutiennent que les Maliens ont perdu l’espoir après « l’escalade de l’insécurité et la mauvaise gouvernance ».
Ce putsch met fin à près de quatre mois de contestation initié par le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) dont le chef de file est l’Imam Mahmoud Dicko. Ces opposants réclamaient la démission du président IBK et de son Premier ministre Boubou Cissé. Les résultats contestés des élections législatives de mars ont remobilisé l’opposition réunie au sein M5-RFP.
Mais les revendications ont rapidement évolué pour inclure des allégations de corruption, de mal gouvernance. Avant le putsch, les efforts régionaux pour désamorcer la crise malienne ont échoué, les manifestants ont rejeté l’appel de la CEDEAO à former un gouvernement d’union après qu’au moins 11 manifestants ont été tués par balle début juillet.