S’il y a un constat triste qui est palpable dans la capitale en cette période de crise sanitaire, c’est bien le relâchement des mesures barrières édictées par les autorités pour contrer la propagation de la covid-19. Le lavage régulier des mains au savon, le port du masque et le respect de la distanciation sociale d’un mètre sont entre autres mesures foulées au pied par bon nombre de nos compatriotes. Dans les endroits très fréquentés à Bamako, le port du masque appartient au passé, il remonte au début de l’apparition de la maladie au mois de mars dernier à Bamako. De nos jours, le citoyen lambda ne se soucie plus d’attraper le virus, en témoignent leurs attitudes, malgré les campagnes de sensibilisation. Suivez notre enquête menée dans différents endroits très fréquentés de la capitale.
Le Mali a enregistré son premier cas de covid-19 le mercredi 25 mars 2020. Dès lors, les autorités, la population ont commencé à adopter des attitudes pour éviter la propagation de ce mal du siècle. Dans la circulation, il était impossible de rouler 200 mètres sans apercevoir des vendeurs ambulants de masque, de gel hydroalcoolique. C’était l’opportunité idéale pour bon nombre de vendeurs de se reconvertir dans la vente de ces dispositifs.
Aujourd’hui le constat est tout autre. Ces vendeurs ont presque disparus sur les grandes artères de Bamako. Pourquoi ? La population, pensent-elle que la pandémie est finie ? Où ne croît-elle plus à l’existence de cette maladie qui continue de tuer à travers le monde avec ses conséquences désastreuses sur l’économie nationale aussi bien qu’internationale.
Le relâchement des mesures barrières est la triste réalité qui sévit dans différents endroits de Bamako. A l’auto gare de Sogoniko, situé dans la commune VI du district de Bamako, se retrouvent quotidiennement des milliers de personnes exerçant différentes professions. Selon les chiffres avancés par le chef des gares de Bamako en 2018, Mamary Bagayogo, l’auto gare de Sogoniko a été créé en 1975 sur une superficie de 4 hectares avec 350 parkings, 78 magasins, deux mosquées, plus de 300 kiosques, deux stations de carburants fonctionnelles, 9 panneaux de signalisation, 6 toilettes, 7 extincteurs, 26 lampadaires et une entrée dans la journée de plus de 350 cars provenant de l’intérieur du pays.
De jour comme de nuit, les gens y sont fréquents. Parmi plus d’une centaine de personnes rencontrées sur le lieu, impossible de voir dix personnes porter un masque ou de respecter la distanciation sociale. Sur ce lieu, chacun se frotte à l’autre sans crainte d’attraper quoi que ce soit, surtout les voyageurs qui empruntent les cars de transports pour diverses destinations à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Les dispositifs de lavage sont installés rarement devant des boutiques et ne contiennent pas d’eau encore moins de savon. Les voyageurs, en prenant les billets devant les guichets, ne sont pas à mesure de respecter les consignes sanitaires. Quant aux responsables des compagnies de transport, leur souci principal est de vendre plus de billets pour pouvoir remplir les cars. Leur comportement pousse à croire que la covid-19 est un mauvais souvenir.
Aly Cissé, un vendeur de boutique de produits divers pense que la covid-19 est un complot des occidentaux. « Cette maladie existe chez les Blancs mais pas au Mali, car je n’ai jamais vu quelqu’un mourir de cette maladie ici. Je lave mes mains au savon pour mon hygiène mais je ne porte pas le masque de crainte d’attraper la covid-19, car ce n’est pas au Mali » affirme-t-il.
Juste à deux cents mètres de l’auto gare, se trouve un poste de police de la Compagnie de la circulation routière (CCR). Sur environ dix éléments présents, seulement deux agents portent des masques pour réguler la circulation. Les autres sont assis côte à côte sans masque sous un hangar métallique calciné, prenant du thé tout en observant la circulation.
Notre instinct de journaliste nous a poussés à nous rendre sur un autre endroit très dense non loin des policiers. Il s’agit des halles Félix Houphouet-Boigny. Le constat est accablant ; vendeurs et acheteurs font des mouvements sans le moindre respect des mesures barrières.
Sous des petites tentes, des femmes se font tresser les unes à coté des autres. Aucune d’entre elle n’a le souci de la maladie de la covid-19. Visiblement, il leur est impossible de respecter la distanciation d’un mètre, car entre la coiffeuse et la cliente il ne peut y avoir de distance, l’une étant juste derrière l’autre.
Parmi les personnes rencontrées, nous avons approché un chauffeur pour avoir son opinion sur la maladie. Répondant au nom de Kalifa Diarra, notre interlocuteur fait toujours partie des gens qui ne croient toujours pas à la triste réalité de la covid-19. « Je n’ai jamais cru à l’existence de cette maladie. Chaque fois, les politiciens nous amènent des maladies comme le SIDA, ebola, et maintenant on nous parle de coronavirus. Les autorités donnent de l’argent à leurs connaissances pour que ceux-ci disent qu’ils ont cette maladie. Je ne porte jamais le masque sauf si je pars dans des structures où le port du masque est obligatoire » a déclaré Kalifa Diarra.
Dans le même endroit, un fait a attiré notre attention ; cela s’est produit devant l’agence de la Banque Malienne de Solidarité des halles. Le dispositif de lavage des mains mis devant cette agence est complètement mis à coté. Des clients de cette banque font leur entrée dans cette agence sans se soumettre au port du masque et au lavage des mains.
De la commune VI du district de Bamako, notre équipe de reportage s’est rendue en plein centre ville, plus précisément au centre hospitalier universitaire Gabriel Touré. A la porte d’entrée des véhicules, un agent contrôle la température des personnes qui font leur entrée tout en mettant sur leurs mains du gel et chacun porte un masque. Le constat est tout autre pour les piétons à l’entrée principale. Là, le port du masque n’est pas exigé pour les visiteurs et les malades. Ceux-ci présentent seulement des ordonnances ou des fiches médicales pour accéder à l’enceinte de l’hôpital. Sur quatre policiers en garde ce jour, seul un élément porte le masque. Toutefois, les deux agents chargés de la prise de température sont bien équipés avec des masques et du gel.
Une fois à l’intérieur de l’hôpital, nous constatons que la quasi-totalité du personnel soignant porte les masques, à l’exception de quelques agents chargés de l’assainissement de l’hôpital.
A l’image du personnel soignant, Souleymane Moro fait partie des rares personnes qui portent le masque. « C’est la sensibilisation qui fait défaut pour le port du masque et le respect des autres mesures barrières. Le social est aussi pour quelque chose sinon la covid-19 est une réalité. Depuis la découverte de cette maladie j’évite les rassemblements de foule et je lave régulièrement mes mains au savon mais j’avoue qu’il est très difficile de respecter la distanciation sociale » a-t-il-dit.
Rencontré en dehors du service, le médecin généraliste à la clinique Brigo de Niaréla, Mohamed Diabaté, a bien voulu échanger avec nous sur le relâchement des mesures barrières.
Selon lui, il y a le niveau de sensibilisation de la population et aussi la croyance que les gens ont vis-à-vis de la maladie en question. D’autre part, dit-il, on peut parler de l’absence de la législation par rapport au respect stricte des mesures barrières. « Quand on prend les pays développés, le non port du masque constitue une violation de la loi. L’absence de législation constitue chez nous, une des causes du non respect de ces mesures barrières y compris l’incivisme » a-t-il estimé.
S’adressant à ceux qui doutent de l’existence de la covid-19, le médecin Diabaté lâche ces mots « Une telle maladie ne doit pas semer de doute chez quelqu’un dans la mesure où les médias en parlent tous les jours même si, Dieu merci, nous n’enregistrons pas le nombre élevé de cas comme en Europe et aux Etats Unis. Cela ne doit pas nous empêcher d’y croire. Tous les jours nous voyons des morts et de nombreux cas retrouvés quotidiennement. Cela doit nous alerter à continuer à respecter les mesures édictées ».
Notre interlocuteur pense qu’il faut continuer à sensibiliser les gens, et aussi de donner les moyens à la population pour que les gens puissent respecter les mesures barrières. « Quand on dit moyens, cela passe par les masques qui constituent une barrière très efficace dans la lutte contre cette pandémie. Rendre disponible les masques et alléger la souffrance des populations quand on essaie de respecter ces mesures. Il va de soi que s’il faut respecter ces mesures, il faut être dans certaines conditions, notamment sociales. Si les conditions ne permettent pas, les gens sont obligés de faire avec ». a-t-il conclu.
Notons qu’à la date du 13 octobre 2020, le ministère de la santé et du développement social a fait état de 3297 cas positifs, 82 décès dans les centres de prise en charge et 50 dans la communauté et 2544 guéris. Toujours selon le ministère de la santé, 457 personnes contact font l’objet d’un suivi quotidien.
Sidiki Adama Dembélé