Alors que l’engagement de la France sera discuté lors du prochain sommet du G5 Sahel, prévu à Ndjamena mi-février, la volonté du président Macron de réduire la voilure n’inquiète pas les gradés.
Dans la nuit du 23 au 24 janvier, deux camps des Forces armées maliennes (Fama) ont résisté à deux attaques de groupes armés terroristes (GAT). «Les Fama ont tout de suite pris l’ascendant sur leur adversaire et ont tenu leur position», souligne le communiqué de l’état-major français. «Ça tombe à pic, renchérit le porte-parole, le colonel Barbry. Ça fait un bon bout de temps qu’on parle de la montée en gamme de nos partenaires.» Et de saluer la coordination entre les forces maliennes et françaises. Moins d’une heure après le début des hostilités, un avion Tucano de l’armée malienne est venu appuyer les troupes au sol, suivi d’une patrouille d’hélicoptères Tigre et de Mirage 2000.
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Au petit matin, les agresseurs prennent la fuite, laissant derrière eux une trentaine de morts, des véhicules et du matériel. Côté malien, l’attaque se solde par 6 morts et 18 blessés. Peu avant le sommet du G5 Sahel qui se tiendra à Ndjamena, au Tchad, mi-février, malgré les victimes et la situation sur place, ce combat insuffle un vent d’optimisme. Il était temps.
Alors qu’Emmanuel Macron a évoqué, lors de ses vœux aux armées le 19 janvier, un «redimensionnement» des troupes françaises au Mali et au Niger, le doute s’est installé. Le compte Twitter de l’état-major a beau égrener les bonnes nouvelles, l’opinion publique ne retient que les mauvaises: le décès de 5 militaires français entre le 28 décembre et le 2 janvier, 6 blessés graves le 8. Le coût exorbitant de l’opération : 1 milliard d’euros par an pour une guerre qui, vue de France, peut sembler lointaine et inutile. Pour la première fois en janvier, un sondage Ifop a donné une majorité de Français hostiles à l’intervention.
Alors qu’à Bamako des voix s’élèvent pour encourager un dialogue avec le GSIM, dont l’agenda est politique, certains en France espèrent cette réconciliation
Après huit ans de présence au Mali, ce n’est plus seulement le nord, mais aussi le centre du pays qui est gagné par l’insécurité. La zone rouge s’étend, au point de circonscrire la capitale, Bamako, dans un rayon de 200 kilomètres. «C’est une zone de contestation et de prédation », résume Barbry. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), dirigé par le rebelle touareg Iyad Ag Ghali et allié à Al-Qaïda, se dispute des territoires avec l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS). «Cela les amène à se regrouper et c’est là qu’ils peuvent être frappés, explique le porte-parole de l’état-major. Cela explique en partie notre succès tactique, mais il ne faut pas nier leur capacité résiduelle à mettre la pression et à attaquer à leur tour.» Alors qu’à Bamako des voix s’élèvent pour encourager un dialogue avec le GSIM, dont l’agenda est politique, certains en France espèrent cette réconciliation. «Les problèmes au Mali, nous explique le général Christophe Gomart, ancien directeur du renseignement militaire, sont politiques et économiques. On ne peut pas dire que l’armée française s’enlise car il n’y a pas de problèmes militaires.»
Historien et ancien colonel des troupes de marine, Michel Goya considère lui aussi que «la France a obtenu une victoire militaire en affaiblissant l’Etat islamique dans le Grand Sahara et en poussant le GSIM à vouloir négocier ». Reste à savoir ce qu’il restera de cette « victoire de la France » si les troupes rentrent au pays. «Si aujourd’hui on abandonne le Sahel, on devra y revenir», poursuit Christophe Gomart. Auteur de « Soldat de l’ombre » (éd. Tallandier), l’ancien commandant des opérations spéciales plaide au contraire pour «des forces de réaction avec des moyens légers qui vont vite et loin ». Rien d’incompatible avec la décision du président Macron, qui entend réduire les effectifs. «C’est un changement de dispositif, nuance Michel Goya, qui va dans le bon sens, puisque l’idée est de faire en sorte que l’opération coûte moins cher et qu’elle dure plus longtemps.»