En vigueur depuis 2001, les deux codes pénaux [code pénal et Code de procédure pénale] du Mali ont été révisés après leur adoption par le Conseil National de la Transition (CNT) et leur promulgation par le président de la Transition. Qu’est-ce qui a changé dans ces deux lois importantes ?
Fin octobre 2024, le 31 pour être précis, l’Organe législatif de la Transition a entériné les travaux de révision du Code pénal et du Code de procédure pénale en cours depuis 2017. Le premier a été adopté par les membres de l’Organe à 132 voix pour, 1 contre et zéro abstention. Le second l’a été à 131 voix pour, 1 contre, 0 abstention.
Le Conseil National de Transition dont le président a lui-même présidé le début des travaux a au préalable procédé à un « toilettage » des deux projets de textes. Il a apporté pas moins de 197 amendements aux projets de textes initiaux ayant été adopté le 11 octobre dernier, en conseil des ministres.
Les deux textes ont été promulgués le 13 décembre 2024 par le Général d’Armée Assimi Goïta, président de la Transition. «Nouvelle Afrique» a eu accès aux amendements et vous aide à comprendre certaines innovations majeures.
Le Procureur et le juge d’instruction dessaisis du mandat de dépôt
L’une des premières nouveautés concerne de la prise en compte de la médiation pénale en matière de la délinquance économique et financière. Désormais, seuls les délits sexuels et les crimes ne feront pas l’objet de médiation pénale, à l’exception des infractions d’atteintes aux biens publics, conformément à l’article 57.
Le ministre Mamoudou Kassogué et l’ex-ministre Ibrahim Ikassa Maïga devant le CNT le 31/10/2024
Une autre innovation majeure est la création d’un juge des libertés et de la détention. En clair, un collège des libertés et de la détention de trois membres sera installé dans les tribunaux. Il est à présent le seul habilité à décerner un mandat de dépôt. Toute chose qui dessaisit, selon les articles 139, 257 et 361, le procureur et le juge d’instruction de leurs prérogatives de décernement du mandat dépôt.
«Le collège des libertés et de la détention est chargé de statuer sur la détention et le contrôle judiciaire des prévenus et des inculpés dans les conditions déterminées par le présent code. A ce titre, il ordonne ou prolonge la détention provisoire et statue également sur les demandes de mise en liberté des personnes visées ci-dessus et sur toutes questions portant sur le conditionnement, y compris avant la détention. Il statue enfin sur la détention des condamnés lorsque celle-ci est requise par le juge de l’application des peines», détaille l’article 76-1 du Code de procédure pénale révisé.
La durée du collège est d’une année judiciaire. Il sera «constitué par le président ou le vice-président du tribunal de Grande instance assisté de deux juges dont un juge d’instruction, le cas échéant tous désignés par le président de la juridiction».
Il est prévu des sanctions contre le collège pour «toute carence» et en cas de la non-mise en liberté d’un inculpé à l’expiration du délai de validité du mandat de détention provisoire ( six mois ou un an selon les infractions) sauf s(il est détenu pour autre cause. Le Procureur, qui n’a plus le droit de placer sous mandat de dépôt, peut toujours requérir la mise en liberté mais qui sera validée par le Collège auquel il peut être demandé à tout moment la mise en liberté.
Le paiement des cautions
De plus, il a été acté la création d’un juge d’application des peines. Son rôle est de contrôler et de modeler les peines en fonction du comportement des détenus. Une autre manière de contribuer à désengorger les prisons.
Le nouveau Code de procédure intègre désormais la notion de Caution en matière d’infractions économiques et financiers en lien avec la corruption ou les biens public. Selon son article 307, «la caution ne peut être inférieure à la moitié du montant des sommes qui sont reprochées à l’intéressé».
Les nouveaux codes répriment aussi les infractions liées au terrorisme, mais en faisant des ouvertures aux repentis contribuant à l’efficacité des poursuites des auteurs, coauteurs et complices. Il y a carrément un nouvel article relatif aux biens et produits illicites en transit au Mali. Un contrôle d’officier de police peut être autorisé par le Procureur.
L’esclavage et les VBG
L’article 916 du Code de procédure pénale réprime dorénavant les infractions ci-après : atteintes à la sûreté de l’État, le terrorisme, la criminalité transnationale, le blanchiment de capitaux, la traite des personnes et l’esclavage ainsi que la cybercriminalité. Autrement dit, tous les auteurs de l’esclavage par ascendance – il sévit dans la région de Kayes depuis des années – pourront être juridiquement poursuivis.
Le Code de procédure pénale prévoit des dispositions relatives à la poursuite contre le président de la République, les membres du gouvernement, les magistrats, les parlementaires et certains fonctionnaires. Les affaires concernant les membres du gouvernement sont traitées par la Cour suprême qui peut désigner une chambre civile pour connaitre l’affaire.
Avec ces codes, un service public sera désormais chargé du recouvrement et de la gestion des avoirs saisis ou confisqués. La Cour d’assises est supprimée, laissant place aux chambres criminelles de la Cour d’appel compétentes.
Le Code pénal prend aussi en compte les violences basées sur le genre (VBG) en son article 312-1 sans toutefois les mentionner explicitement. «Le féminicide est le meurtre ou l’assassinat d’une femme en raison de son statut de femme», prévoit-il.
L’homosexualité et son apologie
Il réprime également la diffusion des fausses informations, surtout en lien avec l’armée malienne (articles 512-59). Une autre innovation importante concerne la répression de l’homosexualité et de son apologie qui sont désormais punies, même si le mot homosexualité n’apparaît pas dans les codes pénaux, adoptés.