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L’Afrique "ne doit pas rater le coche" de l’IA, prévient un expert sénégalais de l’Unesco
Publié le jeudi 27 fevrier 2025  |  AFP
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© Autre presse par DR
Les pays africains s`intéressent à l`intelligence artificielle et cherchent à l`encadrer
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A l'heure où les grandes puissances se livrent une course à l'intelligence artificielle, les Etats africains ne doivent pas "rater le coche" de cette transition, estime lors d'un entretien à l'AFP Jean Aloïse Ndiaye, expert de l'Unesco sur les questions d'IA dans le cadre judiciaire. Ce conseiller à la Cour suprême du Sénégal, qui forme des magistrats et acteurs judiciaires en Afrique sur les opportunités et les défis posés par l'IA dans les systèmes judiciaires, participe cette semaine à une conférence sur le sujet à Dakar.

Q - Quelle est actuellement la place de l'intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires africains ?

R - En Afrique, on est encore en retard dans le domaine de la justice. Il n'y a pas encore vraiment d'utilisation réelle de l'intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires. On en est surtout à la digitalisation des procédures. On peut citer un exemple, au Sénégal: lors de la dernière élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a fait usage d'un logiciel qui permettait de contrôler le système de parrainage. Ça, c'est sur le plan institutionnel public. Par contre, le privé développe beaucoup. Les startups sont en train de développer plusieurs systèmes d'IA qui sont adaptés au continent.

Q - Quelles solutions l'IA peut-elle apporter à ces systèmes judiciaires africains ?

R - Particulièrement en Afrique, nous constatons que le système judiciaire soufre de beaucoup de maux: encombrement des prétoires, retard dans les procédures, déficit en ressources humaines, insuffisance des budgets. On peut utiliser la puissance de l'IA pour contourner ces obstacles. Une IA peut très bien, comme ce qui se fait en Inde, traduire des décisions en langues locales et mieux les résumer. Nous sommes également en train de chercher des modes alternatifs de règlement des litiges. Il y a beaucoup de procédures à l'amiable qui encombrent nos prétoires. Ces procédures pourraient être confiées à des plateformes: la délivrance du casier judiciaire, du certificat de nationalité, les actes de mariage, les procédures de divorce à l'amiable.

Q - Les Etats africains sont-ils prêts à opérer ce changement ?

R - L'Union africaine (UA) vient d'adopter sa première stratégie en matière d'intelligence artificielle qui intègre une IA à dimension humaine. C'est très important pour une perception africaine de l'IA. Mais nous ne devons pas rater le coche. Nous ne devons pas rater cette transition pour ne pas être dans la même situation qu'avec les technologies numériques, c'est-à-dire qu'on ait l'impression non seulement qu'il y a une fracture numérique, et qu'on se trouve (aussi) avec une fracture en matière d'IA. Je suis persuadé que les Etats sont conscients des opportunités qui sont ofertes par l'IA dans le contexte africain. La preuve, dans la plupart des pays africains aujourd'hui, il y a des centres d'intelligence artificielle qui sont en train de naître, comme à Kinshasa et à Dakar.

Q - Quels sont les défis et les risques posés par l'IA aujourd'hui en Afrique ?

R - Pour moi, le premier défi, qui est un défi éthique, c'est d'abord que l'on ne soit pas colonisés par l'IA. Il ne faut pas qu'on accepte de rater le train de l'histoire. Parce que le processus d'intelligence artificielle est un procédé inéluctable. On utilise tous les IA aujourd'hui, que ce soit dans nos smartphones, dans les réseaux sociaux, etc... Mais souvent, les modèles sont développés, entraînés sur des données étrangères. L'autre défi qui est énorme, c'est celui des données. Il faut qu'on ait suffisamment de données qui nous sont propres, suffisamment sélectionnées et suffisamment indexées pour qu'il n'y ait pas de données biaisées, discriminatoires, qui portent atteinte aux libertés fondamentales.
Les modèles d'IA en Afrique doivent tenir compte de nos spécificités locales et culturelles et de nos réalités. Nous devons veiller à ce que les IA ne contiennent pas de biais par rapport à la population africaine. Il faut une volonté politique pour pouvoir mobiliser le maximum de données pour entraîner ces modèles d'IA qui tiendraient compte de la dimension africaine.

Q - Comment intégrer l'IA dans un État de droit ?

R - L'enjeu fondamental c'est d'avoir une réglementation et une bonne régulation. Il n'y a pas d'État de droit sans un État soumis à la justice avec une réglementation spécifique qui s'applique à l'IA. L'IA n'est pas une zone de non-droit parce qu'il y a une réglementation qui existe aujourd'hui, mais nous estimons qu'elle est insuffisante.


els/lp/emp
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