Les négociations traînent et le pouvoir tente d’avoir toutes les cartes en main pour peser sur la balance. Désormais, il explore la piste tumultueuse des chefs de tribus afin de se rapprocher du Nord. A ce jeu, les risques sont nombreux.
Décidément, on est loin de sortir de l’auberge de la résolution de la crise du Nord. Et l’implication des chefs de tribus dans les négociations est la preuve que les plus hautes autorités ont du mal à cerner les contours réels des récurrentes rébellions armées dans le septentrion.
Ceux qui ont suivi le retour du camp de réfugiés du chef de la tribu Kel-Ansar, Mohamed El Mehdi, savent qu’il y a quelque chose qui est en gestation. En plus de l’accueil ministériel auquel il a eu droit, le doyen a reçu la visite du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Kéita en personne, qui, du coup, a vanté les qualités d’un homme de consensus, très respecté pour son sens élevé du patriotisme.
Mais le leader de la grande communauté Ansar peut-il faire revenir les enfants qui sont dans la rébellion à la maison ? C’est toute la problématique qui se pose quand on sait que la nouvelle génération des combattants a une autre idée de la question. Pis, Jimmy le rebelle et les autres ténors du mouvement irrédentiste disent se battre pour un idéal que ne partage du tout le chef El Mehdi. D’ailleurs, ils disent que ce dernier est déphasé.
De ce fait, plusieurs membres du MNLA que nous avons interrogés depuis Ouaga refusent toute idée de médiation placée unilatéralement sous l’autorité des chefs traditionnels, car, arguent-ils autrefois ceux-ci étaient bien écoutés et maîtrisaient parfaitement les vrais problèmes de leurs communautés respectives.
Toujours est-il que de l’indépendance nationale à nos jours : « Ces chefs de tribus ont été toujours les interlocuteurs de l’Etat, mais rien n’a changé dans nos revendications », dixit un membre du MNLA. Mieux, il explique que l’approche basée sur la chefferie traditionnelle a montré ses limites. « Les jeunes qui animent la rébellion sont insensibles à toutes décisions venant des chefs de tribu. Ils ont parcouru le monde, ils s’inspirent plus du Printemps arabe. C’est ça la nouvelle donne », précise-t-il.
Plus loin, d’autres observateurs estiment que la nature de la crise actuelle change d’approches. D’abord, le mécanisme traditionnel de gestion des conflits entre les différentes communautés reste inopérationnel de nos jours. Il y a un véritable décalage qui ne permet plus de traiter ces genres de situation. Les chefs de tribus ont été très absents dans la crise de 2012. Plus grave, ce sont leurs enfants qui sont, dans la plupart des cas, au centre de la rébellion. Donc, ils ont déjà choisi leur camp.
En tout état de cause, les propos du chef des Ifoghas, Intallah, en disent long sur le malaise qui prévaut dans le septentrion. « Je préfère attendre le congrès des chefs traditionnels pour dire ce que j’ai sur le cœur », en réponse à l’émissaire d’IBK, dimanche dernier à Kidal.
Certes, il est loisible de tenter une médiation interne, mais, quel va être la position de la communauté qui parraine les présentes négociations en vue ? En dehors de ces considérations, il faut instaurer dans le Nord du pays une véritable autorité de l’Etat qui mettra fin au système féodale. C’est du reste une forte recommandation de l’ancien Premier ministre Soumana Sako.
En clair, pour le retour de la paix au nord, il est indispensable de restaurer la confiance entre les communautés et, sur ce registre, les chefs de tribus ont déjà montré leurs limites.